Interview Charlène Guignard et Marco Fabbri : "L'objectif était de rentrer à la maison avec une médaille. La couleur avait moins d'importance."

© Alice Alvarez
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Charlène Guignard est née à Brest, tandis que Marco Fabbri vient de Milan. Le duo s'est formé en 2010 sous la houlette de Barbara Fusar Poli. Après la médaille d'argent aux Mondiaux de Saitama en 2023, Charlène et Marco ont quitté Montréal avec une médaille de bronze.

 

Solène : Quel bilan tirez-vous de ces championnats du Monde ?

Charlène : C'est un bilan plutôt positif. Nous étions un peu inquiets en venant. Nous nous sommes dit qu'il fallait attaquer et faire de notre mieux. Après la danse rythmique, nous étions vraiment très contents de notre performance. L'ambiance était excellente et nous avons pris du plaisir sur la glace. La danse libre a été plus difficile. Nous étions fatigués et Marco a été malade toute la semaine. Nous nous sommes battus jusqu'au bout, malgré les problèmes avec ma robe à la fin du programme. L'objectif était de rentrer à la maison avec une médaille. La couleur avait moins d'importance.

 

Solène : Comment avez-vous vécu cette fin de danse libre avec la robe coincée dans votre lame ?

Charlène : Quand je me suis relevée, j'ai senti que cela tirait. J'ai soulevé le pied pour essayer de décrocher la robe mais je me suis rendue compte que c'était encore accroché. Je savais que ce serait trop flagrant si je mettais ma main pour l'enlever. Je n'ai pas vraiment pensé à la chute. La robe était élastique et légère. Je me suis dit qu'elle allait s'arracher. Il fallait que je continue ! Il ne restait qu'un élément. Marco était beaucoup plus préoccupé. Il était prêt à me rattraper en cas de chute. Nous n'avons pas pu faire le porté final comme d'habitude et nous n'avons eu qu'un niveau deux, mais cela n'aurait pas changé le résultat. Nous ne nous y attendions pas, c'est sûr, et cette robe ne nous avait jamais posé de problèmes avant.

 

Solène : Elle n'était pas si longue.

Charlène : Non, effectivement. Nous avions modifié cette partie du programme avant les championnats du monde, mais nous avions fait des tests en costume pendant les entraînements, avec une glace plus abîmée que pendant la compétition. Cela arrive, ce n'est pas de chance.

 

Solène : Marco, vous avez déclaré après la danse libre que vous étiez malade, en disant "maintenant je peux le dire". Pourquoi ne pas vouloir en parler plus tôt ?

Marco : Je ne sais pas exactement ce que j'avais. Nous nous sommes peu promenés à Montréal avant la compétition à cause de la météo mais je pense que j'ai pris un coup de froid et que je suis allergique à la poussière. Mais je n'aime pas dire que je suis malade avant une compétition parce s'il y a une erreur, cela ressemble à une excuse. Maintenant que la compétition est finie, je peux le dire, je n'étais pas en grande forme.

 

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Solène : Quel est votre meilleur souvenir de la saison ?

Charlène : Cela a été une saison assez constante, sans trop de hauts et de bas. Même le NHK Trophy (NB : où Charlène et Marco ont gagné la médaille d'argent derrière Lilah Fear et Lewis Gibson) n'est pas un mauvais souvenir. Nous avons bien patiné et nous étions contents de notre performance. Nous n'aurions pas pu mieux faire. Même si le résultat n'était pas celui que nous visions, cette compétition reste un bon souvenir. Je pense que les championnats d'Europe ont été ma plus belle émotion cette année.

 

Solène : Avez-vous ressenti une ambiance particulière ? La fin de la danse libre ressemblait à un concert de rock, avec Allison Reed et Saulius Ambrulevicius en superstars.

Charlène : Nous avons bien sûr entendu le public, c'était incroyable. Nous avons eu la chance de ne pas patiner juste après Allison et Saulius. Mais le public a été super avec tout le monde.

Marco : Le public a été exceptionnel. Cela a été, sans doute, le meilleur championnat d'Europe au niveau de l'ambiance et de l'organisation, que nous ayons jamais fait.

 

Solène : Était-ce plus difficile de défendre le titre en 2024 ou de le gagner la première fois en 2023 ?

Marco : En 2023, nous sentions que nous étions vraiment les favoris. C'était la première fois de notre carrière que nous étions dans cette position.

Charlène : Tout le monde s'attendait à notre victoire. Depuis le mois de juillet, j'étais stressée pour les championnats d'Europe. Nous savions qui serait présent et qui serait absent par rapport à 2022, donc nous savions que c'était "notre tour". C'était très stressant.

Marco : Nous ne voulions pas perdre l'opportunité de gagner la compétition. Cette année a été un peu différente parce que nous étions à nouveau favoris mais la saison s'est passée un peu différemment, avec le NHK Trophy notamment, et nous nous sommes mis moins de pression que la saison précédente. Cela a été plus facile cette année.

 

Solène : Que pensez-vous du thème de la danse rythmique de l'année prochaine, sur les années 50, 60, 70 ?

Charlène : Cela laisse beaucoup de choix. Cette année, nous avions une seule dizaine, les années 80, et nous avons mis beaucoup de temps pour choisir. Là, nous avons 30 ans ! Cela va être encore plus difficile, mais cela permet aussi de proposer des musiques différentes.

Marco : Cette année, nous ne nous attendions pas à nous amuser autant. Cela a été intéressant d'étudier la culture musicale des années 80. Cela impliquait aussi de comprendre la vie à cette époque. Ce sera intéressant de faire le même travail pour les années 50 à 70. Mais c'est large... D'habitude sur la danse rythmique, nous sommes jugés sur des programmes relativement similaires. Là, sur 30 ans, nous aurons des programmes totalement différents et donc pas faciles à comparer et à juger. Nous attendons aussi des précisions sur les règles, notamment sur les remix. Cette année, nous avions un remix de "Holding out for a hero" en début de saison, mais nous avons dû changer pour la version originale après notre première compétition.

 

 

Solène : Observez-vous la nouvelle génération de danseurs, en Italie, en France ou ailleurs ?

Marco : Nous n'avons pas beaucoup de temps pour regarder les compétitions juniors, mais nous connaissons les couples italiens bien sûr. Je sais qu'en France, il y a beaucoup de couples qui arrivent.

Charlène : Je ne les connais pas bien mais je regarde les résultats des championnats de France et des championnats du monde juniors.

Marco : La transition vers la catégorie senior reste délicate. Il y a parfois des couples juniors très forts mais qui ont des difficultés à émerger chez les seniors. Ou au contraire des couples juniors qui n'avaient pas fait forte impression mais qui obtiennent tout de suite de bons résultats en senior. C'est difficile de prévoir ce qui se passera. Sauf avec certains couples comme Papadakis et Cizeron. On voyait déjà en junior qu'ils étaient très forts. Je trouve que Katerina Mrazkova et Daniel Mrazek montrent beaucoup de potentiel. En Italie, nous avons un couple junior, Noemi Maria Tali et Noah Lafornara. Ils n'ont malheureusement pas très bien patiné la danse libre aux championnats du monde juniors, mais ils ont du potentiel, et avec du travail, ils pourront obtenir de bons résultats.

 

Solène : Est-ce que vous vous voyez comme des mentors pour ces couples ? On m'a raconté que lors d'une compétition internationale, Charlène avait eu des mots rassurants et sympathiques pour un danseur moins expérimenté, qui était très stressé ce jour-là.

Charlène : J'aime partager nos expériences avec les plus jeunes. Quand je débutais, j'aurais aimé avoir quelqu'un pour m'aider et me donner des conseils. L'année dernière, en Italie, la Fédération avait organisé un rassemblement, où nous avons pu participer en tant qu'intervenants. Les patineurs nous ont posé des questions sur notre expérience et notre gestion du stress.

Marco : En compétitions, il y a de plus en plus de jeunes qui nous posent des questions. Cela nous fait plaisir parce que cela montre qu'ils nous respectent comme patineurs. Ils savent que nous avons beaucoup travaillé et ils veulent apprendre de notre expérience. Moi aussi j'étais curieux quand j'étais plus jeune et j'ai pu poser des questions à des athlètes plus expérimentés. Comme dit Charlène, cela aide beaucoup. Il y a certaines choses que tu dois apprendre seul, mais il y a des choses que tu dois apprendre avec les autres.

 

Solène : Marco, vous êtes Italien. Vous parlez Français couramment et vous êtes en couple sur la glace comme dans la vie avec Charlène, qui a grandi en France avant de vous rejoindre en Italie. Qu'est ce que vous préférez en France ?

Marco : A part Charlène ? (sourire)

 

Solène : Oui, disons la deuxième chose que vous préférez en France après Charlène !

Marco : Il y a beaucoup de choses ! La France est un pays avec une longue histoire. Il y a beaucoup de très beaux endroits, c'est fantastique. J'ai pu visiter Paris bien sûr, Lyon, les Alpes, la Bretagne... Vous avez des produits exceptionnels, en boulangerie, charcuterie, fromages même s'ils ne sont pas assez utilisés dans la cuisine quotidienne à mon goût !

 

Solène : Charlène, vous rentrez souvent en Bretagne ?

Charlène : Le trajet est malheureusement compliqué entre Milan et Brest. Cela me prend souvent une journée. J'ai pu retourner en Bretagne entre les championnats d'Europe et du Monde cette année. Ma mère vient tous les ans nous voir en Italie, cela me permet de passer du temps avec elle. Mais c'est sûr que j'aimerais revenir en France plus souvent !

 


 

Solène Mathieu - Skate Info Glace

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