Réactions d'Adam Siao Him Fa :
"J'ai vécu beaucoup de hauts et de bas cette semaine, et beaucoup d'émotions. Je ne m'attendais plus à une médaille après le programme court. Je voulais simplement patiner mon programme libre sans erreur. L'attente après mon passage a été assez longue, j'avais faim (rires). C'était sympa de regarder la compétition, d'habitude je ne le fais pas quand je patine dans le dernier groupe (rires).
Je suis content d'avoir pris ma revanche par rapport au programme court. Je voulais terminer cette saison sur une bonne note. C'est plutôt réussi ! Cela m'a pris du temps pour passer au-delà de la frustration du programme court. Ce n'était pas facile, mais j'en suis servi tout au long du programme, pour attaquer mes sauts et aller chercher la performance. Je ne devais pas me donner à 100% mais à 300%. J'ai fait mes éléments un par un et j'étais lancé comme une machine. C'est ce que je fais à l'entraînement. Je sais ce dont je suis capable et je sais que je peux aussi faire plus. Ce soir, je n'ai pas pu donner tout ce que je pouvais sur la partie artistique, sur la chorégraphie, l'interprétation, les émotions. J'étais très concentré sur mes sauts.
Lors du programme court, je pense que j'ai été trop peureux, je suis resté sur la défensive au lieu de me battre pour aller chercher mes sauts. J'étais déçu et en colère. Cela me servira d'expérience. Ce n'est pas un regret, mais plutôt une leçon. Une leçon qui a fait mal, c'est sûr. Dans une carrière d'athlète, cela arrive à tout le monde. Je prends pour exemple Nathan Chen aux Jeux Olympiques 2018 (NB : Chen avait été 17e du programme court, puis avait remonté en cinquième place en prenant la première place du programme libre). Je me suis beaucoup inspiré de cela. Il a su remonter la pente.
J'avais emmené ma guitare cette fois (NB : contrairement aux championnats d'Europe où Adam en avait acheté une en Lituanie pour remplacer sa guitare laissée en France). Cela m'a permis de penser à autre chose après le programme court.
Les deux jours d'entraînement entre le programme court et le libre se sont bien passés, dans le sens où je n'avais certes pas de bonnes sensations mais je faisais mes sauts donc cela me montrait que je pouvais y arriver. Je devais arrêter de réfléchir et arrêter de me poser des questions sur ma technique.
J'ai pris la décision de faire le backflip en cours de programme, quand j'avais fini ma pirouette. J'avais fait mon boulot sur ce programme, donc je pouvais m'amuser un peu, pour moi, pour le public, pour tout le monde. Je n'avais plus rien à perdre, sur le moment, je ne visais pas une médaille.
L'ambiance était vraiment géniale. Le public était top, tout le long de la semaine, que ce soit à la compétition ou aux entraînements, ils m'ont soutenu. Je les remercie énormément.
Aujourd'hui était vraiment un combat entre moi et moi-même."
Quelqu'un lui répond "On plaint le deuxième toi alors !".
Adam : "Je le plains aussi" (rires)
Rodolphe Maréchal, son entraîneur :
"Après la grosse déception du programme court, nous avons dû le remobiliser pour lui redonner des objectifs et lui redonner confiance en lui. Nous lui avons dit que rien n'était fini, que la compétition se terminait avec un programme libre, pas avec un programme court, et qu'il était encore capable de marquer les esprits. Nous n'avons pas parlé de classement parce que nous étions très loin avec cette 19e place, mais l'objectif était de finir cette compétition avec panache, de tout donner, de ne rien lâcher, de prendre tous les points qu'il y avait à prendre et de se faire plaisir. Je suis super fier de ce qu'il a fait parce que ce n'était pas facile après une telle déception de revenir en guerrier et de se donner 150%.
Le matin du programme libre, il a fait deux erreurs dans le programme. Cela nous a embêté car tous les sauts étaient réussis en dehors du programme mais quand la musique démarrait, il y avait des erreurs. Le genre d'erreurs qu'il n'a jamais faites depuis des mois, comme tomber sur un quadruple lutz au quart. Je savais que si le quadruple Lutz passait, comme cela a été le cas magnifiquement aujourd'hui, le reste allait dérouler.
Avant de rentrer sur la glace, j'ai senti qu'il était bien. Sa façon d'être, de réagir, de sourire... Le stress était parti. Il avait l'envie de performer et de se battre contre lui-même et surtout l'envie de patiner en tant qu'Adam, de montrer ce qu'il était capable de faire. Il était décontracté et concentré en même temps. Quand il est rentré sur la glace, il était parfaitement placé au-dessus de son axe, et j'ai senti que cela allait bien se passer.
Nous savons qu'il est capable de ce genre de performances, il l'a prouvé et il le montre à l'entraînement tout le temps. Mais ce n'est pas tout à fait pareil de réussir cette performance après ce qui s'était passé au programme court.
Pendant le programme, j'ai senti qu'il s'était laissé porter par sa musique, par son thème et par le public. Nous avions senti aux entraînements que le public le soutenait. Il avait fait quelques erreurs mais quand il relançait ses sauts correctement, le public exprimait beaucoup de joie et d'encouragements. Nous lui avions dit qu'avec une performance parfaite, il aurait une standing ovation, parce que le public était derrière lui."
Benoît Richaud, son chorégraphe :
"C'était un grand moment de sport et de patinage. Je lui ai dit d'attaquer, comme dans un match de boxe. Je lui ai dit que l'objectif n'était pas forcément cette compétition mais sa carrière et sa progression. Et lui-même. On voit que quand il attaque, cela devient transcendant. Nous avons eu deux jours de discussions intenses. J'ai été un peu dur aussi avec lui. Pas méchant, mais dur. Je lui ai dit qu'il y avait des choses à faire, des choses à changer, des choses à arrêter. Il y a eu une saison complexe où il est vraiment passé du Adam nouveau au Adam leader. La finale du Grand Prix a été dure à encaisser. Quant aux championnats d'Europe, c'était une performance correcte mais pas fantastique. Finalement, je n'avais pas encore vu le vrai Adam en compétition. Il y avait eu des performances pas mal, mais ce soir, c'était à la hauteur de ce que je vois la plupart du temps à l'entraînement. Le but est vraiment d'arriver à amener cela systématiquement en compétition. Pour moi, les très grands champions ont justement ce truc. Ils arrivent à amener cette performance et à donner ce côté magique au sport."
Solène Mathieu - Skate Info Glace
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