Avec cette victoire au Grand Prix de France, Adam Siao Him Fa remporte la compétition pour la troisième fois consécutive, malgré un contexte de retour de blessure. Grâce à une remontée spectaculaire de la huitième à la première place, il confirme son statut de spécialiste des renversements de situation.
Solène : Quel est votre bilan de la compétition ?
Adam : Il y a beaucoup de points positifs. C'est seulement ma deuxième compétition depuis ma reprise après blessure. Ce n'est pas parfait, c'est normal, je ne suis pas à 100% de ma forme. J'ai encore beaucoup de travail à faire, je n’ai eu que cinq semaines de préparation. J'ai du recul et je connais les points clés sur lesquels je dois travailler. Nous avons prévu quelques ajustements avec Benoît, notamment au sujet des pirouettes. Nous allons également changer le costume du programme court. Puis, au fil de la saison, certains sauts seront modifiés.
Solène : Concernant les pirouettes, pourquoi l'une d'elles a-t-elle été invalidée dans le programme court ? Est-ce dû à la hauteur de la position assise ?
Adam : Je pense. Nous n'avons pas encore eu le débrief des juges, mais je suppose que j'étais trop haut. Je ne vois pas d'autre explication. Ensuite, j'ai une pirouette sautée allongée où un niveau n'a pas été pris en compte. Je pense que c'est le passage sur le talon, mais je ne suis pas sûr.
Solène : Ce passage sur le talon est nouveau. C'est intéressant, car auparavant, seul Aleksandr Selevko le faisait. Cette saison, beaucoup de patineurs présentent cette nouveauté, car le règlement l'a ajouté dans les critères de niveau quatre. Depuis quand faites-vous cette variation ?
Adam : Je l’ai apprise en septembre, donc c'est assez récent. Avec le changement de règlement sur les pirouettes, qui limite à deux variations, il me fallait un critère supplémentaire pour la pirouette sautée allongée, autre que le changement de carre, que je ne maîtrise pas. J'ai donc testé plusieurs options, et celle-ci m'a semblé la plus réalisable.
Solène : En ce qui concerne le costume du programme court, que pensez-vous de la capuche ? Cela vous a-t-il gêné ?
Adam : Je pense que l'idée de la capuche est plutôt bonne. Cependant, le fait d'avoir plusieurs couches et un costume assez large ne m'aide pas forcément, car j'ai l'habitude de patiner avec des vêtements plus ajustés. Nous allons réfléchir à comment optimiser le costume. La discussion est déjà engagée avec mes entraîneurs.
Solène : Pourquoi avez-vous choisi cette année d'alterner entre deux programmes courts ?
Adam : Après la fin de la saison dernière, j'ai discuté avec Benoît, qui m'a suggéré de potentiellement faire plusieurs programmes. J'ai trouvé l'idée plutôt bonne de pouvoir changer de programme d'une compétition à l'autre. Cela paraît moins répétitif, tant pour moi en termes d'entraînement et de répétition des programmes que pour le public. Cela crée un effet de surprise, en se demandant quel programme je vais présenter lors de chaque compétition.
Solène : C'est aussi deux fois plus de travail.
Adam : Forcément, c'est plus de travail, mais cela s’est avéré moins difficile que je ne le pensais.
Solène : Cette année, dans le programme court, vous placez le troisième saut en bonus. Les années précédentes, vous nous disiez que vous appréciez la composition du programme telle qu'elle était, sans bonus. Qu’est-ce qui a provoqué ce changement ?
Adam : Nous nous sommes dit que ce serait intéressant d’essayer une nouvelle configuration : les deux sauts, la pirouette, puis un moment de chorégraphie. Cela me permet de ne pas avoir cette impression de séparer la technique de l’artistique, en faisant tout d'abord toute la partie technique et ensuite toute la partie artistique. J'essaie vraiment de tout mélanger les deux du début à la fin.
Solène : Sur quel quadruple vous êtes-vous blessé cet été ?
Adam : La première fois, c'était sur le quadruple flip. J’ai piqué dans un trou, mon pied est resté bloqué dans la glace et mon corps a continué de tourner. Ce n'était pas très fun (sourire). J'ai vite repris car j’étais en pleine tournée au Japon. Sans repos, avec les impacts répétés, cela a pesé sur mon pied. Je me suis re-blessé bêtement sur un retournement d’un quadruple Salchow. Ma cheville était encore trop fragile et pas assez renforcée, donc ça s'est empiré. Là, je n’ai pas eu le choix : j'ai dû faire six semaines d’arrêt complet sans toucher la glace.
Solène : Vous arrivez à vos deux Grands Prix en tant que favori, ce qui n'était pas le cas l'année dernière avec la présence d’Ilia Malinin et Shoma Uno. Mais vous ne vous sentez peut-être pas favori en raison de votre blessure récente. Comment l’avez-vous vécu ?
Adam : Au début, je me suis mis trop de pression sur ce Grand Prix. Le fait de revenir de blessure, de savoir que je n’étais pas à 100% prêt, que je ne me suis pas beaucoup entraîné, et que j'ai cassé mon patin la veille, tout cela a contribué à faire monter la pression.
Solène : Décidément, vous cassez souvent vos bottines…
Adam : Cela commence à être un peu pénible (rires). Le fait de savoir que je ne suis pas au niveau auquel je peux être est assez frustrant. Cela m'a mis une pression supplémentaire qui n'avait pas lieu d'être. Après le programme court, j'ai pris conscience que ce n’était pas grave, qu'il n'y avait pas mort d'homme, et que cela faisait partie du processus de retour.
Solène : Bien sûr, nous faisons un parallèle entre les championnats du monde et ce Grand Prix en raison des deux “remontada”. Mais après le programme court, votre réaction était complètement différente de celle que vous avez eue à Montréal.
Adam : Oui, parce que je n'avais pas d'objectif de place ou de résultat à Angers. C'était frustrant de ne pas avoir réussi l'Axel et le boucle piqué, ainsi que mes pirouettes. Je me suis dit que c'est un programme “pourri” mais ce n'est pas grave, on avance, il y a le programme libre à réaliser. Je ne me suis pas acharné sur moi-même comme je l'avais fait à Montréal, où je pensais que le podium était hors d’atteinte. Honnêtement, à Angers je n'y pensais même pas. Bien sûr, je savais que j'étais à 14 points de la première place et pas à 30 points. Je connais mon contenu technique et celui des autres patineurs, mais je n'y prêtais même pas vraiment attention. J'ai vraiment été dans l'optique de me dire que je faisais mon programme et c'est tout. J'attaque mes sauts, cela reste une compétition contre moi-même. Le résultat, nous le verrons après.
Solène : En parlant du contenu technique des autres patineurs, Mikhail Shaidorov a réussi à Angers la première combinaison triple Axel quadruple boucle piqué. Qu’en avez-vous pensé et l’avez-vous déjà essayée ?
Adam : C'est incroyable, je suis très impressionné. J'ai déjà essayé cette combinaison dans le passé, mais je crois que ce n'est pas mon truc (rires).
Solène : Je comprends que vous ne vous sentiez pas prêt pour ce Grand Prix et que vous n’aviez pas d’objectif de classement, mais cela m’étonne tout même car vos performances à la Coupe de Nice étaient tout à fait bonnes.
Adam : Oui, c’est vrai. Je vais être honnête, la Coupe de Nice a été mon premier programme court propre, où j'ai réussi les trois sauts, depuis mon retour de blessure. En fait, avant la Coupe de Nice, je n'avais eu que deux semaines de travail sur le programme, ce qui est très peu. Effectivement, le résultat de la Coupe de Nice était très positif. Disons que cela a été deux jours où les programmes ont été mieux réalisés que certains autres jours.
Solène : Ce qui faisait la saveur du backflip l'année dernière, c'était le côté interdit et inédit. Aujourd'hui, l’élément est autorisé et d'autres patineurs le font également. Il y a forcément moins de piment. Vous êtes-vous posé la question de ne pas l'inclure dans les programmes ?
Adam : Oui, nous avons évoqué l'idée de l’enlever du programme, mais nous trouvions que cela collait bien avec la musique, notamment sur “SOS d’un Terrien en détresse” avec les paroles "Je vois le monde à l'envers". Dans le programme hip-hop, cela tombe aussi en musique. Mais dernièrement, nous envisagions peut-être de le retirer. C'est vrai que le côté "magique" est moins présent qu'avant, quand personne d'autre n'osait le faire. Cela reste néanmoins un élément chorégraphique intéressant.
Solène : Vous connaissez Clément Pinel, spécialiste du backflip, qui réalise des variations un peu folles de cette figure. Cela vous donne-t-il envie ?
Adam : Oui, d’ailleurs c'était en projet avant que je me blesse. Nous avions envisagé le backflip vrillé, comme Ilia a fait récemment, et le parapluie vrillé. Nous en avions discuté ensemble l'an dernier au Japon. Il y avait d'autres acrobaties que je voulais tenter, mais j’ai manqué de temps… et ce n'est plus le moment de les travailler ! Il faut que je sois raisonnable, surtout que j’avais eu en avril dernier une chute assez violente qui m'avait refroidi sur ce genre d'essais. J’ai récemment posté la vidéo sur mon TikTok !
Solène Mathieu - Skate Info Glace
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DMAT (lundi, 04 novembre 2024 22:41)
merci Soléne, interview très intéressante pour tous ces détails ! ;-)