Compétition messieurs - Programme court
Sur "Believer" d'Imagine Dragons, Yuma Kagiyama nous offre une prestation parfaite. Il y croit, c'est le cas de le dire (en anglais "believer" signifie croyant). Et il a raison. Son quad Salchow d'entrée de programme est magnifique. La combinaison quad boucle piqué/triple boucle piqué l'est presque autant. Son triple Axel en seconde partie est bonifié et tous ses éléments sont de niveau 4. La musique est trop "radio friendly" à mon gré et la chorégraphie est générique, mais son aisance et sa profondeur de carres qui ne tiennent quasiment qu'à un demi-fil compensée par la puissance de sa musculature sont spectaculaires. Avec 106.82, et un record personnel battu, le voici avec une énorme avance pour le programme libre. "Je suis content, j'ai travaillé très dur. Le quad Salchow m'a causé des soucis lors des championnats nationaux et j'étais un peu sous pression. Mais mon père, qui est aussi mon coach, m'a dit d'avoir confiance en moi. La dernière fois que j'ai participé aux Quatre Continents, j'étais junior. C'est ma première participation en tant que senior, je suis donc super heureux !"
Shun Sato a choisi "Libertango" d'Astor Piazzolla pour son court cette saison. Dommage que la chorégraphie et l'interprétation ne soient pas à la hauteur de ce grand classique des patinoires. Quitte à reprendre un morceau usé jusqu'à la trame, autant essayer d'en faire quelque chose d'original. La musique n'est ici qu'un vague support à une série d'éléments techniques. Très réussis au demeurant, mais la dimension artistique est absente. Logiquement, les composantes ne volent pas haut. Quad boucle piqué/triple boucle piqué, quad Lutz, triple Axel, éléments de niveau 4, tout est propre, mais moins nettement exécuté que Kagiyama. "Juste avant le programme, j'ai décidé d'être dans le top 3. J'ai beaucoup travaillé sur la chorégraphie et les composantes avant cette compétition [qu'est-ce que ce serait s'il ne l'avait pas fait !] Au départ, je voulais tenter un quad flip, mais je me suis finalement rabattu sur le quad Lutz et c'est ce qui me vaut mon Season Best. Demain la couleur de la médaille sera importante mais pas autant que de m'être fait plaisir dans les deux épreuves". Il prend la seconde place provisoire en frisant les 100 points : 99.20.
Vainqueur de la compétition en 2022, et sept fois champion de son pays, le Coréen Junhwan Cha est pour l'instant 3ème (95.30), avec un Season Best lui aussi. C'est parti pour une Valse Masquarade qui doit faire bondir Aram Khatchatourian dans sa tombe tant la chorégraphie en est absente. Ou s'il en existe une, elle n'a aucun rapport avec la musique. Ce n'est pas pire que le programme de Sato, mais ce n'est pas mieux. Le patinage est rapide, très rapide, au point qu'on se demande s'il n'a pas un train à prendre. Mais les éléments sont correctement exécutés, même si les GOEs vont être largement inférieurs à ceux du Japonais qui le précède. Ce sont des composantes (pardon, mais quelles composantes ?) supérieures qui lui permettent de figurer dans le trio de tête. Les grades d'exécutions sont globalement positifs sauf pour le triple Axel et la pirouette. "Je suis super heureux ! C'est ma revanche sur le Skate Canada [qu'il a fini 9ème sur 12]. J'ai vécu une période difficile. Je n'ai pas pu m'entraîner autant et comme je le voulais. J'ai été blessé et j'ai encore besoin de temps pour récupérer avant les championnats du Monde".
Sota Yamamoto se classe 4ème (94.44) avec un programme techniquement sans faute et un beau Season Best (il en pleut sur Shangaï aujourd'hui !) mais qui ne brille pas non plus par ses composantes. La musique choisie, "Chameleon" de Herbie Hancock est difficile à patiner, ce qui ne l'aide pas artistiquement parlant. Quad boucle piqué/triple boucle piqué, quad Salchow et triple Axel sont magistraux et tous les éléments, sauf la séquence de pas, sont de niveau 4. "J'ai patiné tout de suite après Boyang Jin qui est à la maison et, pour être honnête, ça m'a rendu nerveux. Mais en fin de compte la tension m'a été plutôt bénéfique. Je n'avais encore jamais dépassé les 90 points en compétition internationale, je suis donc ravi. J'espère faire aussi bien lors du programme libre".
Boyang Jin, passé avant Yamamoto, est aussi tout de suite derrière lui au classement avec plus de 5 points de retard (89.41). Il y a maintenant douze ans que Boyang hante le circuit international avec l'irrégularité d'un yoyo. Un coup en bas, un coup en haut. Depuis quelques saisons, le yoyo a tendance à rester en bas hélas. Médaillé de bronze des championnats du Monde de 2017, il a failli louper le cut pour finir 22ème l'an dernier. Vainqueur de ces mêmes Quatre Continents en 2018, il n'a cessé de descendre : 2ème, 4ème, 7ème avec deux saisons d'absence. Je lui reconnais un réel mérite, il semble ne jamais se décourager. Son programme sur "Vienna" d'Ultravox ne comporte d'ailleurs aucune erreur technique majeure. C'est en composantes qu'il perd de plus en plus, là où ses concurrents, eux, progressent, ou du moins, essayent. Avec un entraîneur comme Brian Orser, il devrait pourtant être à bonne école. "Il m'est difficile d'évaluer ma performance. Je dirais 8 sur 10 ? [C'est généreux.] Je n'ai eu qu'un niveau 3 sur ma séquence de pas alors que je visais plus haut. Par contre je suis satisfait de mes sauts. J'aimerais obtenir mieux en grades d'exécution, mais réussir les éléments techniques signifie que je suis en bonne forme. Il faut que je me concentre sur le programme dans son ensemble. Les choses se sont assez bien passées, j'ai pris du plaisir mais j'en ai aussi bavé. Mais ça me permet d'accumuler de l'expérience et d'avancer." Au bout de douze, ans, il est évident que son expérience ne peut pas être ignorée ! Raison de plus pour se montrer exigeant/e envers lui, car il a toujours eu un très bon potentiel. Pas vraiment confirmé.
Kate Royan - Skate Info Glace