Avant ces championnats, beaucoup s'accordaient à donner Piper Gilles et Paul Poirier, meilleur couple canadien actuel sur son terrain, comme futurs gagnants. La question du jour était donc : les juges vont ils les pousser vers le haut ? La réponse est non. Enfin si, un peu ! Mais pas autant qu'on aurait pu le prévoir. Madison Chock et Evan Bates sont parfaitement à leur place en tête à l'issue de la danse rythmique (90.08). Le bûcheronnage (ils s'entraînent au Canada !) de leurs trois morceaux de Queen est toujours aussi discutable. Mais les Américains patinent avec une énergie jamais prise en défaut et une technique quasi irréprochable. Leur médiane est de niveau 3 et leurs twizzles de niveau 4. Plus surprenant, ils n'obtiennent qu'un niveau 2 pour leur Pattern. Ca ne les empêche pas de s'installer confortablement à une première place qui n'est sans doute pas que provisoire.
Charlène Guignard et Marco Fabbri sont seconds (87.52) avec un programme d'une densité et d'une intensité folles ! La rapidité de leurs twizzles donne le vertige (niveau 4 bien sûr) et ils sont tellement à l'aise dans leurs patins qu'ils semblent effectuer une simple promenade de santé. Il est, pour moi, très difficile de les départager de Chock/Bates, même si jusque là, j'avais toujours accordé une supériorité technique aux Italiens. Impossible de le faire aujourd'hui tant tout est bien réalisé par les deux couples. La danse rythmique de Marco est Charlène est sans doute plus fouillée, plus riche en détails que celle des Américains. Donner un niveau 2 à leur médiane me paraît un peu sévère. Mais il y a moins d'un point entre les composantes des deux couples et chacun obtient son joli petit 10.00 en présentation.
Marco : "On est vraiment super contents de notre performance. Nous sommes juste un peu déçus de n'obtenir qu'un niveau 2 pour notre médiane, mais notre score est très bon".
Charlène : "Nous étions en confiance. Nous avons eu de très bons entraînements à la maison, puis en arrivant ici. L'an dernier, le stress nous a empêchés de donner le meilleur de nous-mêmes. Cette année, nous avons décidé de ne plus être stressés ! Ce n'est pas si facile, mais nous essayons de profiter du moment présent. Le public a été très accueillant, c'est très sympa".
Peut-être espéraient ils mieux, mais Piper Gilles et Paul Poirier, acclamés par le public, ont le sourire avant, pendant, et après leur RD. Moins d'un point les sépare de Guignard/Fabbri (86.51) et ils prennent la 3ème place. Même si le jury ne les soutient pas exagérément, l'inflation locale est entrée en jeu. Soyons clairs, il n'y a pas photo entre la technique des Canadiens, convenable, mais loin d'égaler celle, exceptionnelle de Charlène et Marco. Pattern de niveau 3, twizzles de niveau 4, médiane de niveau 3, porté niveau 4, le programme est très bien construit, parfaitement dans le thème et la chorégraphie suit les mouvements de la musique à la note près. Il est aussi bien exécuté, par des patineurs toujours ultra convaincants et motivés.
Piper : "La première épreuve de la compétition est toujours très attendue et très excitante. Presque trop excitante, mais nous nous en sommes bien sortis. Tout ce pour quoi nous avons travaillé entrait en jeu aujourd'hui. Nous nous sommes fait plaisir tout le long du programme et le public était génial".
Paul : "On sait que le Canada a une grosse puissance de tir en danse sur glace et c'est très enrichissant d'en faire partie. Il y a une grande émulation au sein de l'équipe. Dans ces championnats du Monde, le niveau est très élevé. On espère avoir assuré le show aujourd'hui pour le public et on compte faire la même chose demain".
En parlant de show, 4èmes avec 85,60, Lilah Fear et Lewis Gibson sont toujours en mode grand spectacle. On ne s'en plaindra pas tant ils sont généreux et enthousiastes. Il n'en reste pas moins que le patinage du couple souffre, comme d'habitude, des lacunes de Lilah, lacunes que le jury continue d'ignorer. Elles sont parfaitement dissimulées par le montage chorégraphique, mais les juges ne sont pas censés s'y laisser prendre. Twizzles de niveau 4, médiane de niveau 2, pattern de niveau 3, ce qui est généreux, comme le sont les GOEs et composantes. A niveaux égaux, sauf pour le Pattern (2), Marjorie Lajoie et Zachary Lagha sont moins bien notés, ce que je trouve dommage. Les Canadiens font preuve du même allant et des mêmes qualités de showmen que les Britanniques, la technique en plus pour Marjorie. Ils sont 5èmes (82.30).
Allison Reed et Saulius Ambrulevicius sont 6èmes (80.99) avec une prestation qui semble un peu éteinte par rapport à celle fournie aux championnats d'Europe de janvier dernier sur leur terrain. Allison, en particulier, a perdu de sa superbe et ses défauts sont plus visibles que jamais.
Le très original programme d'Evgeniia Lopareva et Geoffrey Brissaud est arrivé à maturité totale. Leur concept est différent de celui des autres couples, mais pas sûr que le public canadien le saisisse. Mylène Farmer est pourtant née à Pierrefonds, au Québec, ce qui devrait parler aux oreilles des tribunes. Les Français sont très très en forme, et remontés comme des horloges. Pas un cheveu technique ne dépasse, et leur TES est tout proche de celui des Lituaniens (il devrait, à mon avis, lui être supérieur). La grande amélioration du jour est sur les composantes. A part un sévère 7.75 perdu au milieu des + de 8 et même 9.00 et 9.25, l'ensemble est très bon et les patineurs ravis d'obtenir la reconnaissance de leurs efforts dans ce domaine.
Geoffrey : "Nous avons atteint les 80 points pour la première fois dans une compétition internationale. C'est très important pour nous car c'est un pas décisif vers le très haut niveau. Nous sommes fiers aujourd'hui, mais nous devons restés concentrés bien que, demain, ce soit mon anniversaire !" Evgeniia et Geoffrey battent aujourd'hui les couples Carreira/Ponomarenko (8èmes, 79.26) et Turkkila/Versluis (9èmes, 75.89), ce qui est aussi une première.
Loïcia Demougeot et Théo Le Mercier, auteurs d'un excellent programme, très enlevé et très apprécié du public, sont 11èmes (75.74), avec seulement 5 petits dixièmes de retard sur Fournier-Beaudry/Sörensen. Ils sont contents de leur performance et ils ont toutes les raisons de l'être. Les niveaux 2 dont ils héritent sur le Pattern et la médiane n'entameront pas leur bonne humeur.
Théo : "Nous avons travaillé très dur depuis les Euros. Nous sommes très heureux de patiner ici pour la première fois. Même avec pas mal de stress, nous avons été capables d'évaluer dans la stabilité. Demain nous voulons offrir au public une performance pleine d'émotion."
Loïcia : "Maintenant nous sommes qualifiés pour le libre [en doutait-elle avant la compétition ?] Nous n'avons pas d'objectif précis. Nous rapprocher du Top 10 serait super, mais obtenir de bonnes notes sera déjà bien".
Kate Royan - Skate Info Glace