Interview Loïcia Demougeot et Théo Lemercier : "Nous irons chercher le plus haut possible"

© Alice Alvarez
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Après une cinquième place l’année dernière aux championnats d’Europe de Kaunas, Loïcia Demougeot et Théo Lemercier s'apprêtent à fouler la glace de Tallinn pour un nouveau rendez-vous européen.

 

Skate Info Glace : Vous avez changé votre danse rythmique en début de saison, pouvez-vous nous expliquer pourquoi ? 

Théo : Nous aimions beaucoup notre ancien programme, mais nous nous doutions qu’il ne serait pas bien compris ou considéré comme répondant au thème. Nous avons tenté, ce n’a pas fonctionné, donc nous avons changé et cela va beaucoup mieux maintenant. Nous avons choisi un thème plus dans notre style et plus explosif. Ce changement a rendu le début de saison compliqué et nous avions pris un peu de retard sur le travail sur la danse libre, mais nous l’avons rattrapé.

 

Skate Info Glace : Comment la danse rythmique s’est-elle passée aux championnats de France ?

Théo : Je pense que nous l’avons très bien patinée. Les éléments sont bien passés, nous avons réussi à danser jusqu'au bout et à nous faire plaisir.

Loïcia : Nous avons beaucoup travaillé pour essayer de garder le côté artistique jusqu'au bout, parce qu'elle demande beaucoup d'énergie. Comme nous l'avons préparée en milieu de la saison, nous avions un peu de mal parfois à aller jusqu'au bout. Aux championnats de France, nous avons réussi à montrer le travail effectué, malgré le froid et la fatigue.

 

Skate Info Glace : Qu’avez-vous pensé du score ?

Théo : J’étais déçu. Cela ne monte pas haut, quand nous patinons en France.

Loïcia  : Nous n’avons pas les mêmes composantes que lors des compétitions internationales. Cette situation est difficile à comprendre. Les compétitions en France deviennent un stress, et nous stressons plus pour les scores que pour nos performances. Peut-être qu'en France, les juges n'apprécient pas autant notre manière de patiner qu’à l’international, mais nous essayons de garder notre identité en améliorant ce qui peut l’être. 

 

Skate Info Glace : Quelle analyse faites-vous de vos deux Grands Prix, en Chine et au Japon ?

Loïcia : Nous sommes relativement contents des performances, au vu du retard pris en début de saison. Nous n’étions pas forcément en confiance sur nos programmes et la concurrence était forte, mais il ne fallait pas se faire semer pour le reste de la saison. Nous avons gagné de l'expérience sur la gestion des grosses compétitions, et c'était sympa de patiner contre des grands couples. Par ailleurs, ces expériences renforcent nos relations avec d’autres patineurs. C'est pour moi la plus grosse différence entre les catégories junior et senior. Chez les filles, en junior, chacune est dans son monde et nous ne nous parlions pas trop.

Théo : Cela n’a jamais été le cas chez les gars (rires).

Loïcia : En senior, ce n'est pas le même genre de concurrence. Chacun a son identité et j’apprécie que cela se fasse dans le respect. “Tu as mieux patiné que moi cette fois-ci, bravo !”. Il n'y a pas de soucis.

 

Skate Info Glace : D’ailleurs, nous avons vu sur les réseaux sociaux que vous avez passé du temps avec Charlène Guignard et Marco Fabbri.

Loïcia : Nous les apprécions beaucoup. Cela fait plaisir de voir qu'un couple avec quinze ans d’expérience a envie de créer des relations avec des jeunes. Nous pouvons parler de tout et de rien avec eux. C'est vraiment intéressant de pouvoir échanger sur leur expérience. On pourrait penser qu’ils vont garder des choses pour eux, mais ils sont très honnêtes sur leur carrière et la manière dont ils l’ont gérée.

 

Skate Info Glace : Théo, vous sembliez dire que l’ambiance a toujours été bonne avec les patineurs que vous avez côtoyés ?

Théo : Oui, cela a toujours été le cas. J’ai de très bonnes relations avec presque tout le monde. Il y a bien sûr des personnes que je connais moins. J’apprécie beaucoup Michael Parsons, Zachary Lagha, Anthony Ponomarenko… Je suis devenu ami avec Tim Dieck cette saison. J'adore faire des compétitions avec eux et l’ambiance est toujours très détendue dans les vestiaires.

 

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Skate Info Glace : Vous étiez présents lors de la finale à Grenoble, dans le public pour Théo, et parmi les bénévoles pour Loïcia. Beaucoup de spectateurs ont été surpris de vous voir les accueillir !

Loïcia : Je passe le diplôme d'entraîneur. Nous avions un regroupement lors de la finale.

Théo : D’ailleurs, j’ai eu mon diplôme !

Loïcia : Oui, bravo ! De mon côté, c’est en cours, et nous étions invités pour voir les entraînements et la compétition, et pour donner un coup de main aux bénévoles. C'est vrai que c'était drôle quand les spectateurs me reconnaissaient. Sans maquillage d’ailleurs ! J’étais assez différente de la patineuse que les spectateurs peuvent voir sur la glace.

Théo : Je n’ai pas eu ce problème (rires).

Loïcia : C'était sympa de pouvoir discuter avec le public et l'ambiance était incroyable. J’étais présente de 8h à 22h, j’ai tout vu. J’ai pu encourager les Français, et il y en avait beaucoup cette année, autant juniors que seniors, même si nos amis Célina et Jean-Hans n’ont pas fait les performances qu’ils espéraient. Ils ont quand même bien géré, dans une situation aussi stressante : une finale en France avec autant de personnes qu’ils connaissaient dans les gradins, ce n’est pas facile.

Théo : Je suis venu les premiers jours, mais le dernier jour, il est tombé 70 centimètres de neige en quelques heures à Villard. Je n’ai pas voulu prendre la route, donc j’ai regardé sur Internet.

 

Skate Info Glace : Ces deux dernières années, vous n’avez pas participé au Grand Prix de France. Cela ne vous manque-t-il pas ?

Théo : Si ! Angers était l’une des compétitions les plus incroyables de notre vie. La patinoire était remplie, et c'était la première fois que nous étions autant applaudis. C'est un très bon souvenir. Nous adorons faire des compètes internationales en France. 

 

Skate Info Glace : Etait-ce votre choix de participer aux Grands Prix du Japon et de Chine cette année ?

Théo : Si nous faisons un autre Grand Prix que celui de France, cela permet de donner une place à un autre couple français, qui n’aurait pas forcément été sélectionné en Grand Prix hors de France. Partir en Grand Prix en Asie est aussi une expérience incroyable pour nous. Les patinoires ont 20000 places, c’est impressionnant et cela nous permet de voyager et de visiter de nouveaux endroits. Après, c’est vrai que la concurrence était très forte en Chine cette année. Cela aurait été plus facile de patiner en France.

 

Skate Info Glace : Je vois que vous appréciez vos voyages. J’imagine que vous ne connaissiez pas Chongqing au contraire de Tokyo, comment était-ce ?

Théo : Ces deux villes étaient très différentes le jour, mais la vie nocturne était finalement assez similaire. Le centre-ville de Chongqing m’a beaucoup plus. Les habitants savent faire la fête (rires).

 

Skate Info Glace : On fait la fête en Grand Prix… ?

Théo : Bien sûr ! Attention, pas avant la fin de la compétition (rires) ! Mais une fois que c’est fini, nous voulons retrouver nos amis et profiter avec eux.

 

 

© Alice Alvarez
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Skate Info Glace : Vous avez publié un appel aux dons, pouvez-vous nous en parler ?

Loïcia : Cela s’est fait en partenariat avec une association située du côté de Belfort, Objectif Podium, qui essaie d'aider les sportifs qui visent les Jeux Olympiques. Nous dépendons beaucoup des différentes aides financières. 

Théo : La ville de Belfort nous aide énormément. Sans eux, nous n’aurions pas pu nous financer et nous entraîner dans de bonnes conditions.

Loïcia : Les aides de la Fédération dépendent de nos résultats. Nous ne pouvons pas les prévoir à l'avance. Nous avons souhaité nous associer avec Objectif Podium pour bénéficier d’opportunités supplémentaires. Cela nous permet aussi d'avoir accès à plus de spécialistes, pour nous aider à aller encore plus haut. Mais il faut dire que nous avons la chance, à Villard-de-Lans, de pouvoir nous entraîner pour peu cher par rapport aux autres centres d’entraînement.

Théo : C'est probablement le club le moins cher du monde, pour le haut niveau, avec autant de bons résultats.

Loïcia : Villard a toujours souhaité que le haut niveau soit accessible à tous, et non pas uniquement à ceux qui ont des moyens financiers. Nous les en remercions ! Mais il y a d’autres dépenses. Nous en sommes par exemple à la troisième tunique de danse rythmique cette année. Cela revient cher. On ne se rend pas forcément compte de toutes les dépenses nécessaires dans le haut niveau en patinage.

Théo : Nous devons aller chercher des fonds, parce que nous ne sommes jamais à l'abri d’un problème. Nous n’avons pas de salaire fixe. Ce sont les aléas du sport amateur en France. Cela dit, nous sommes loin d'être à plaindre par rapport à d'autres sportifs qui galèrent. Mais nous devons continuer à chercher des fonds et nouer des partenariats, pour être stable financièrement et pouvoir faire ce que nous voulons.

 

Skate Info Glace : Sur la page de cette association, vous écrivez “Nous avons deux personnalités très atypiques”. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Théo : C'est surtout que nous sommes très différents l'un et l'autre. Nous sommes des opposés !

Loïcia : Aussi, par rapport au monde du patinage, nous ne rentrons pas forcément dans les codes. Nous sommes Français, nous avons un petit côté naturel. C’est aussi cela que les gens apprécient, je pense. Nous sommes nous-mêmes sur glace même si parfois nous devons jouer un rôle pour certains programmes.

Théo : Mon côté atypique vient aussi du fait que je n’ai pas grandi dans le milieu du patinage. J'étais avec des footballeurs, des handballeurs, etc. J’ai commencé le haut niveau en danse sur glace à 15 ans. Avant cela, je ne faisais que cinq heures et je pratiquais plein d’autres sports à côté.

 

Skate Info Glace : Cinq heures… par semaine ?

Théo : Oui ! Nous avons eu la chance d'avoir un très bon club formateur. Même avec peu d'heures, nous arrivions à performer. Loïcia a été plusieurs fois championne de France solo et moi plusieurs fois en couple. Nous étions en concurrence avec des danseurs qui faisaient beaucoup plus d'heures que nous. Pratiquer d’autres sports m’a aussi aidé. J’ai fait du handball, de la gym, du tennis, plein de choses ! Je faisais autant de sport que maintenant mais ce n’était pas concentré sur le patinage.

 

Skate Info Glace : Parlons des championnats d'Europe. L'année dernière, vous étiez cinquièmes, c’était une performance exceptionnelle. Comment abordez-vous la compétition cette année, avec une concurrence si forte ? 

Théo : Nous avons conscience que le niveau est plus haut. Nos scores sont pour le moment un peu moins bons que l'année dernière mais je pense que nous avons progressé. Nous savons que d’autres couples ont progressé et qu’il pourra être difficile d’aller les chercher cette année. C'est une génération très serrée. Cela peut aller dans un sens comme dans l'autre, à n'importe quelle compétition, cette année ou l’année prochaine. Nous ne savons pas de quoi l'avenir sera fait. Tout est possible. Le couple le plus en forme sera devant. C'est ce que j’adore en compétition. C'est pour cette raison que je fais du sport. Nous irons chercher le plus haut possible.

 

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Solène Mathieu - Skate Info Glace

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