Interview Léa Serna : "Je ne m'étais pas préparée pour ce score, je visais beaucoup plus"

© Alice Alvarez
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Après une décevante 17e place au programme court, Léa Serna a réalisé un bon programme libre lui permettant de remonter en 11e place. 

 

Comment vous êtes-vous sentie pendant ces championnats d’Europe ?

Léa : C'était compliqué, cela fait deux jours que j'essaye de me faire violence pour surmonter ce qui s'est passé au programme court et tourner la page. Ce programme libre a été difficile, d'autant plus que mes six minutes d'échauffement ont été catastrophiques. Je me suis dit : "Qu'est-ce que je vais faire encore ?". Heureusement, j’ai réussi à bien me reprendre sur le début du programme, et j’étais contente de cela. Mais la deuxième partie a été plus compliquée. Je m'étais tellement conditionnée mentalement pour être totalement concentrée que, lorsque cette première moitié s’est terminée, la fatigue a commencé à se faire sentir. À ce moment-là, j’ai eu des doutes techniques. Il fallait que je reste dans ma performance, mais je suis sortie un peu trop tôt. Je suis dégoûtée de ma fin de programme, car ce n’est pas du tout ce que je fais habituellement à l'entraînement. Dans le kiss and cry, c'était vraiment dur. J’ai réalisé que les championnats d’Europe étaient terminés. J'étais hyper prête, et je fais 163 points. Je ne m'étais pas préparée pour ce score, je visais beaucoup plus. Les émotions que j'avais refoulées ces deux derniers jours sont un peu ressorties à ce moment-là.

 

Votre première partie de programme était de très bon niveau.

Léa : C'est exactement ce que je fais à l'entraînement. Je le fais sur tout le programme, même quand je suis fatiguée, stressée ou énervée. Normalement, j'y arrive toujours. Je suis dégoûtée de ne pas avoir réussi à le montrer cette fois-ci.

 

Pendant la séquence de pas, votre entraîneur vous a encouragée. L'avez-vous entendu ?

Léa : Je ne l'ai pas entendu. J'étais complètement concentrée sur mon programme, mais je l'ai vu. J’aime tellement m’entraîner avec lui, il me donne tellement de force que j’avais envie de lui dire : "Je suis désolée !". Il est hyper exigeant sur les séquences de pas et les pirouettes. Parfois, quand nous ratons des éléments dans le programme, il dit toujours : "Les sauts, cela peut arriver, on le sait, mais les séquences de pas et les pirouettes, non. La séquence de pas n'était pas bien patinée. Tu as oublié la boucle qu'on a changée hier." Là, j'avais envie de lui dire : "Regarde cette séquence, elle sera bien, je te le jure."

 

Votre blessure est-elle complètement guérie ?

Léa : Oui, elle est complètement guérie. Cela a traîné jusqu’en novembre, car je me suis entraînée dessus malgré tout. Je savais que cela prolongerait la récupération, mais je me disais que tant que je ne me blessais pas davantage, lorsque je pourrais reprendre à fond, je retrouverais rapidement mon niveau. C’est exactement ce qui s’est passé. J’ai pu reprendre l’entraînement intensif dès novembre et j’ai réussi à faire une bonne compétition à Zagreb et un bon championnat de France.

 

© Alice Alvarez
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Quelles sont les prochaines étapes pour vous ?

Léa : Je participe à la compétition test des Jeux Olympiques à Milan. On verra ensuite la deuxième partie de saison et si la France se qualifie pour le World Team Trophy. Je vais essayer de passer à autre chose, retourner à l’entraînement, travailler encore plus dur. Mais c’est clair, je ne referai plus jamais cela, du moins pas avec cette préparation là, pas après avoir été aussi prête. C’est la première fois de ma vie que j’arrive aussi bien préparée à une compétition. D’habitude, j’ai toujours des doutes sur certains sauts et il faut alors se conditionner mentalement sur place pour être à 100 %. Cela n’arrivera plus, je me préparerai encore mieux. La prochaine fois que je serai aussi prête pour une compétition, ce sera clair : je ne raterai pas un seul saut.

 

Vous avez fait beaucoup de compétitions en début de saison. Cela n’a-t-il pas pesé sur votre fatigue ?

Léa : C’est vrai que j’ai enchaîné les compétitions, mais je ne me suis pas blessée à cause de la fatigue, c’était à cause d’un trou dans la glace. Je pense que je suis quelqu’un d’assez solide physiquement. Je supporte plutôt bien la charge d’entraînement. Même quand je commence à fatiguer, c’est plus mentalement que cela se ressent. Je vais craquer plus vite à l’entraînement sur certains exercices, par exemple. Mon coach me connaît bien maintenant. Je pense qu’il a organisé la saison de cette manière parce qu’il savait que j’en étais capable, et moi aussi, je pense que j’en suis capable. J’ai pris trois jours de repos à Noël, et je me sens bien, je ne ressens pas de fatigue. Je crois que c’est aussi grâce à la manière dont il gère l’entraînement. Même si nous avons beaucoup de compétitions et nous nous entraînons six jours sur sept, il adapte la charge de travail sur la glace. Il fait une vraie planification, et je lui fais confiance.

 

On sent, en vous écoutant, que vous lui faites totalement confiance.

Léa : Je lui fais confiance à 1000%. Je fonctionne comme cela : c’est soit 100, soit 0. Je suis très contente d’être dans cette équipe. C’est arrivé un peu par hasard, mais je suis vraiment bien tombée.

 

© Alice Alvarez
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Avez-vous pour projet d’inclure la combinaison triple Lutz-triple boucle piqué d'ici la fin de saison ?

Léa : Nous n’en avons pas parlé, car j’ai recommencé à le travailler seulement début janvier, après une blessure sur le Lutz. J’ai mis du temps à retrouver confiance sur cet élément. Nous avions repris le travail dessus dès mon retour de blessure, mais c’est moi qui ai freiné en disant que cela n’avait pas de sens, car j’avais encore peur. Je me suis dit qu’il valait mieux me concentrer sur la récupération des autres éléments. Je peux marquer des points même sans cette combinaison. Depuis janvier, je l’ai retravaillée et, à l'entraînement, cela se passe très bien. J’ai réussie lors des entraînements officiels à Tallinn. Je ne sais pas si cela fera partie des projets d’ici la fin de saison.

 

Et le triple boucle ?

Léa : Non, ce n’est pas prévu. L’année dernière, je le faisais en fin de saison, mais je me suis blessée à la cheville droite. Cela représentait trop de risques de continuer à travailler le boucle. J’ai repris assez vite pour le Skate America. Il fallait surtout que je sois en forme et que je ne fasse aucune erreur dans mes sauts. Si je n’arrivais pas correctement en arrière, je le sentais immédiatement. Comme le ligament de ma cheville était à moitié déchiré, une mauvaise réception aurait tout aggravé, et là, c’était la fin de la saison. Nous avons donc laissé le triple boucle de côté. J’attendais surtout de regagner confiance. Ce sont des situations où, pour la première fois, je me suis dit : "Je n’ai plus confiance en mon corps." D’habitude, je n’ai jamais peur d’aller sur des sauts, mais là, je sentais que ce n’était pas moi. Je savais que c’était stupide de forcer. C’était bien dans les projets de l’ajouter cette saison, mais nous avons dû nous concentrer sur l’essentiel.

 

Avez-vous envisagé de travailler le triple Axel ou un quadruple saut ?

Léa : Mon Axel ne me permet pas vraiment de tenter le triple, car je ne dérape pas dessus. Il est correct, mais je manque encore un peu de rotation. C’est vrai que je suis déjà serrée au maximum. Par contre, j’avais commencé à travailler le quadruple Lutz et le quadruple boucle piqué. Mais il faut être vigilante. Une mauvaise chute sur un triple Axel ou un quadruple, c’est directement dangereux. Je n’ai plus 15 ans, je ne peux pas décider de tenter un quadruple comme ça. Il faut que je sois encadrée, que je fasse des éducatifs, tout un travail de préparation. Mais j’avais essayé l’année dernière. Techniquement, je me sens mieux maintenant. Pourquoi ne pas me remettre dessus en fin de saison, si j’en ai le temps, juste pour voir où j’en suis. Je n’ai plus énormément d’attentes sur ce genre de sauts. C’était un objectif quand j’étais plus jeune, mais aujourd’hui, je vois les choses de manière plus réaliste. Cela dit, depuis novembre, j’ai énormément progressé, donc pourquoi pas ? Avant, je sautais surtout avec mes jambes. Maintenant, j’utilise tout mon corps.

 


 

Solène Mathieu - Skate Info Glace

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