Interview Célina Fradji et Jean-Hans Fourneaux : " En senior, il faudra absolument se distinguer"

© Alice Alvarez
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Célina Fradji et Jean-Hans Fourneaux disputaient leurs quatrièmes championnats du monde juniors avec l’ambition de décrocher une médaille. Bien que leur cinquième place ait été en deçà de leurs attentes, les Français reviennent sur leur expérience avec recul et maturité.
 
Skate Info Glace : Quel bilan dressez-vous de cette compétition ?
Jean-Hans : À part un petit problème dans la médiane, nous avons plutôt bien patiné la danse rythmique. La danse libre a été plus compliquée pour moi. J’avais très mal au dos. J’ai dû essayer de gérer au mieux, mais cela a rendu les choses assez difficiles.
Célina : Cela s’est joué sur la performance, comme dans toutes les grandes compétitions. Nous avons déjà battu tous les couples présents. Avec deux très bons programmes, nous aurions pu finir deuxièmes. Tout le monde était dans un mouchoir de poche, et nous avions les capacités de monter sur le podium. En danse, les erreurs coûtent très cher. Lors de la danse rythmique, j’ai eu un petit déséquilibre sur les twizzles. Sur le moment, j’ai senti que j’étais instable, mais je ne pensais pas que cela aurait un si grand impact. En regardant le détail du protocole, on voit tout de suite à quel point cela dégrade la note. L’erreur n’était pas due au stress. Ce sont des choses qui peuvent m’arriver à l’entraînement, c’était plus une erreur d’inattention et de fatigue. Nous n’allons pas nous apitoyer sur nous-mêmes, mais cela nécessite une remise en question. Nous ne pouvons pas nous dire : "OK, c’est bien, nous sommes cinquièmes." Nous allons devoir travailler pour faire mieux la prochaine fois. Nous terminons ces années juniors en sachant que nous avons toujours fait partie des meilleurs couples mondiaux. C’est une fierté. J’aurais aimé repartir avec une médaille pour conclure cette période, mais tout ne s’aligne pas toujours parfaitement. Le problème de dos de Jean-Hans a aussi eu un impact. Ce n’est pas facile à gérer, mentalement comme physiquement. Il sent qu’il n’a pas été au maximum de ses capacités aujourd’hui.
Jean-Hans : J'essayais d'assurer, mais mon corps ne répondait pas vraiment. La douleur s’est déclenchée à l’entraînement le matin de la danse libre, quand nous avons fait le porté stationnaire. Toute la saison, j’ai souffert du dos, c’est difficile à gérer.
 
Skate Info Glace : Vous êtes certes déçus mais vous semblez beaucoup plus sereins qu'après la finale à Grenoble.
Célina : Nous ne sommes pas partis avec le même état d’esprit. Lors de la finale, nous avons fait énormément d’erreurs qui nous ont coûté beaucoup de points. Cette fois, ce sont plutôt des petits détails qui ont fait la différence, mais ce n’était pas une contre-performance. À la finale, nous avons fait deux vraies contre-performances. Nous ne nous sommes pas sentis en contrôle. Nous ne comprenions pas ce qui se passait, nous étions paniqués, et ce n’était pas nous. Ici, aux Mondiaux, c’était nous. Nous avons fait comme nous avons pu. Ce n’est pas encore suffisant, donc cela va nous demander du travail et une remise en question, mais nous avons été là et nous avons répondu présents. Il n’y a pas de regrets à avoir sur cela, en tout cas. Par contre, il faut du travail, c’est certain. Cela fait longtemps que nous patinons ensemble, et nous continuons à livrer des programmes avec des erreurs. Nous remarquons que cela arrive surtout lors des grandes compétitions. Nous faisons pourtant beaucoup de préparation mentale. Il y a une semaine, à Egna, nous avons fait un programme sans faute. Il y a forcément un lien avec le mental.

 

 

Skate Info Glace : Sur quoi avez-vous progressé cette année ?

Jean-Hans : Sur la prise de vitesse dans les programmes et la puissance. Nous nous engageons plus dans les éléments qu’avant. Nous étions très précautionneux auparavant.

Célina : Nous avons progressé dans notre manière d’aborder les compétitions. Avant, nous y allions sur la retenue, sans nous donner à notre maximum, ce qui était frustrant, pour nos entraîneurs et pour nous. Cette année, dès le début, nous avons décidé de nous donner à fond, quitte à ce qu’à un moment dans le programme, cela devienne plus difficile. Nous avons beaucoup travaillé avec Karine sur la puissance, mais ce n’est pas encore suffisant. Globalement, nous avons gagné en maturité dans notre patinage. L’an dernier, si nous avions dû passer de juniors à seniors, nous n’aurions pas eu le niveau. Maintenant, nous sommes prêts pour cette transition. Nous savons que cela va être difficile, mais nous avons le niveau pour évoluer en senior. 

 

Skate Info Glace : Vous êtes devenus champions de France juniors pour la première fois cette année. Quelle importance avait ce titre pour vous ?

Jean-Hans : Ce n’était pas un objectif majeur, mais mentalement, cela a fait du bien. Après deux années où nous l’avons manqué, cela nous a relancé pour la deuxième partie de la saison.

 

Skate Info Glace : Quel est votre meilleur souvenir de cette saison ?

Célina : Ah, j’aurais bien aimé que ce soit cette danse libre ! Comme celle de l’année dernière à Taipei ! Je dirais que la danse rythmique aux championnats de France reste un moment marquant. Je ne sais pas pourquoi, mais tout semblait hyper facile, nous étions parfaitement synchronisés, c’était la meilleure danse rythmique de notre vie, avec un record de points.

Jean-Hans : Je pense aussi au Grand Prix d’Ostrava.

Célina : Gagner un Grand Prix change beaucoup de choses. On sent qu’il y a une attention particulière, notamment de la part des médias. Il y a l’interview avec Ted Barton, les photos… Ayant souvent terminé à la deuxième ou troisième place, j’ai ressenti une belle différence cette fois-ci.

 

Skate Info Glace : Avez-vous des idées de musique pour la saison prochaine ?

Célina : Nous aimons proposer des choses variées, mais nous avons remarqué que, comme beaucoup de couples, nous nous sentons particulièrement à l’aise sur des programmes libres plus lyriques, plus contemporains. C’est un style qui nous correspond bien, qui met en valeur notre connexion sur la glace. Mahil est très performant dans le montage de ce type de programme. Cette année, c’est lui qui a construit notre programme libre, tandis que Karine s’est occupée du programme court. Mahil et Karine se complètent très bien. Il est possible que nous restions dans cette direction, mais nous voulons tout de même apporter notre touche personnelle pour nous démarquer. En senior, il faudra absolument se distinguer. Nous allons être très nombreux, donc il faudra proposer quelque chose qui capte l’attention et nous permette de nous faire connaître.

 

 

Skate Info Glace : Savez-vous déjà si votre classement mondial vous permettra d’obtenir des Grands Prix Senior ?

Célina : Je ne sais pas, mais nous l’espérons. Nous avons un bon classement, mais nous ne sommes pas trop renseignés. Karine préfère avancer étape par étape, sans nous monter la tête ni nous donner de faux espoirs. Nous ne sommes pas du tout du genre à parler de résultats. Avec Karine, c’est travail, travail, travail, travail. Elle ne nous a jamais parlé des compétitions à venir l’année prochaine, mais par contre, elle nous dit souvent : "Si nous travaillons cela, c’est pour les compétitions senior." Tout est toujours pensé dans une démarche de progression technique.

 

Skate Info Glace : C’est la fin de la saison junior, mais j’imagine que vous poursuivez avec le ballet ?

Jean-Hans : Oui, nous avons une compétition de ballet dans un mois et demi avec notre équipe.

Célina : Karine a déjà commencé à monter le programme, donc nous devons apprendre les pas rapidement. Il y a beaucoup de chorégraphie, mais c’est moins stressant. C’est différent. Mais le programme de ballet dure sept minutes !

 

Skate Info Glace : Vous avez partagé sur les réseaux sociaux que vous appréciez beaucoup le dos nu que porte Paul Poirier pour sa danse libre. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Célina : Ce costume est magnifique. Pour beaucoup d’hommes, assumer un dos nu peut être difficile, car ce n’est pas quelque chose que l’on voit souvent. Le dos nu est souvent associé aux femmes. Le fait que Paul prenne ce “risque” nous paraît complètement naturel. Cela ne nous a absolument pas choqués. Je ne me suis même pas posé la question. Je trouve cela sublime. Je suis aussi totalement fan du costume pour l’aspect symbolique : nous sommes tous pareils, chacun peut porter ce qu’il veut. Et puis, c’est notre couple préféré. Ce sont nos plus grandes inspirations en tant que patineurs. D’ailleurs, un juge français, lorsqu’il a vu notre danse rythmique sur YMCA pour la première fois, nous a dit : "Il y a un côté décalé et amusant, qui rappelle Gilles et Poirier." Cela nous a fait très plaisir !

 

© Alice Alvarez / Le dos nu de Paul Poirier
© Alice Alvarez / Le dos nu de Paul Poirier

 

Solène Mathieu - Skate Info Glace

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