

Skate Info Glace : C'est dommage, car cette année à nouveau, ce troisième quota était à leur portée.
Stanick : C'était largement jouable d'aller chercher ces trois quotas, en tout cas sur le papier. Mais en patinage, comme dans tout sport, rien n'est jamais garanti, et c’est aussi ce qui en fait la magie et la beauté. Parfois, cela nous sourit, parfois un peu moins. Ce n’était pas catastrophique, loin de là. Il y a beaucoup de belles choses à retenir. Célina et Jean-Hans ont montré des points de satisfaction très intéressants. D’ailleurs, c’est ce que j’ai souligné lors du débrief avec eux : il faut se focaliser sur ces aspects positifs et ne pas rester bloqués sur les points négatifs. Nous savons ce qui n’a pas fonctionné, l’analyse a été faite. Maintenant, l’important est de s’appuyer sur le positif pour avancer.
Skate Info Glace : Pour revenir aux trois couples français, Célina et Jean-Hans, Ambre et Samuel, Dania et Théo, peu de nations peuvent se targuer d’avoir gagné quatre médailles en Grand Prix avec trois couples différents.
Stanick : C'est ce qui est un peu rageant. Sans mauvais jeu de mots, c'est une catégorie très dense chez nous. Nous avons des problèmes de riches, ce qui n’est pas le cas dans toutes les disciplines. Nous pouvons nous en réjouir. Nous avons en France une école de formation solide et un véritable savoir-faire en danse. Il faut le souligner et le préserver.
Skate Info Glace : Dans les autres catégories, quelle est votre analyse des forces et axes d’amélioration de l’équipe de France junior ?
Stanick : C’est une équipe en pleine construction. Aux championnats du monde, nous attendions des confirmations pour certains, tandis que pour d’autres, l’objectif était avant tout d’acquérir de l’expérience. Tous n’avaient pas les mêmes objectifs. L’année dernière, François Pitot jouait le podium, et la déception avait été immense pour lui, car c’était vraiment à sa portée. Ce n’était pas le cas cette année pour Gianni Motilla et Ilia Gogitidze. Ils étaient là pour engranger de l’expérience et passer la qualification pour le programme libre. Ils y sont parvenus. Le niveau est extrêmement relevé, et malgré une erreur chacun, ils ont réussi à se qualifier. C’est un signe positif. Leur niveau actuel n’a rien à voir avec celui du début de saison. Ils ont énormément progressé. Nous arrivons ici avec des patineurs qui sont dans la course, et le creux que nous redoutions est peut-être bien moins important que prévu. Ilia va passer senior, mais Gianni a encore quelques années devant lui, au moins une. Il a du potentiel. C’est un patineur qui fera des quadruples. Il a encore des progrès à faire en composantes et en confiance en lui. Il était là pour acquérir de l’expérience, et sa progression sur la saison est vraiment très intéressante. Son triple Axel, qui n’était pas validé en début de saison, est désormais intégré dans les deux programmes.
Skate Info Glace : Et chez les dames ?
Stanick : Stefania Gladki est extraordinaire. C’est un métronome. Elle se place pour les années à venir, cela va être une cliente sérieuse. C’est génial d’avoir Stefania dans l’équipe, c’est un véritable moteur et un bel exemple. Eve Dubecq était là pour l’expérience. Ce n’était pas évident pour elle de se lancer dans une compétition de ce niveau, mais quand on est aux championnats du monde, c’est qu’on mérite sa place, qu’on a réalisé les minima. Elle a tenu son rang. Elle a réalisé un bon programme, avec un retournement sur le flip, mais une belle combinaison. Sans triple-triple, c’est extrêmement difficile. Nous savons qu’avec une combinaison triple-triple, les composantes suivent. La note technique agit comme un aspirateur à composantes. Heureusement ou malheureusement, c’est un autre débat. Nous sommes très satisfaits de son comportement et de sa progression tout au long de la saison. Elle fait de bons entraînements, elle a de réelles qualités, c’est une très belle patineuse. Il lui reste du travail sur certains acquis techniques, mais elle a su régler des soucis en cours de saison. Sa progression est indéniable.
Skate Info Glace : Terminons par les couples.
Stanick : Nous sommes très contents pour Romane Télémaque et Lucas Coulon. Louise Ehrhard et Mathis Pellegris n'ont pas démérité. Leur préparation a été un peu compliquée en raison d’un problème de genou. Ils ont obtenu le feu vert des médecins, sous certaines conditions et avec une préparation restreinte. Ils ont plutôt bien tenu. Il y a eu de grosses erreurs techniques qui ont coûté cher, et à ce niveau-là, cela ne pardonne pas. Il faut aussi accompagner les athlètes dans les moments plus compliqués. Nous sommes très heureux qu’ils aient réussi à patiner et à assurer les niveaux. C’est un couple qui est aux portes de la finale du Grand Prix depuis deux ans. Leur 13e place ne reflète pas leur véritable niveau, mais nous savons pourquoi. Quand il y a des erreurs, il faut les analyser et en tirer les bonnes leçons.

Skate Info Glace : Revenons à vous. Quel a été votre parcours depuis votre arrêt de la compétition ?
Stanick : Quand j’ai arrêté ma carrière, j’ai fait quelques galas, mais pas de longues tournées. J’avais des projets de famille et partir plusieurs mois avec Holiday on Ice ou sur un bateau de croisière n’était pas envisageable. En parallèle, j’ai monté ma propre entreprise d’événementiel, spécialisée dans la glace. Aujourd’hui, je suis cadre à la Fédération. J’ai une autorisation de cumul de deux ans du ministère pour gérer cette transition. Je ferai le point dans quelques mois pour voir si je continue ainsi ou si je dois faire un choix. Mais pour l’instant, il n’y a pas de contre-indication et tout se passe très bien. Cela fait un an et demi que j’ai rejoint la Fédération, parce que j’ai trouvé un environnement en accord avec mes convictions et ma vision de l’évolution du patinage. J’ai senti qu’il y avait des signaux positifs qui m’ont donné envie de me rapprocher de la Fédération, dont je m’étais éloigné ces dernières années. Et effectivement, il y a une bonne énergie, beaucoup de bienveillance et des projections intéressantes. Le DTN fait un travail formidable, avec une ligne très juste et très humaine, et je crois que c’est salué par de nombreux entraîneurs. Les choses avancent dans la bonne direction, mais il reste énormément de travail. Nous avons du pain sur la planche. La relève est un sujet clé. Nous savons qu’il y a un train à prendre, enfin, le deuxième train, car le premier, nous ne l’avons pas pris.
Skate Info Glace : Qu’entendez-vous par là ?
Stanick : Nous avons pris un peu de retard sur certains points, avec des contraintes liées à la scolarité, aux heures de glace, aux infrastructures. Évidemment, nous devons en tenir compte. Néanmoins, nos voisins européens, qui font face à des contraintes similaires, parviennent à mettre des solutions en place. Nous aussi, et il ne s’agit pas de dire que tout est à refaire, car nos résultats montrent bien que le travail porte ses fruits. Il y a de la qualité chez les entraîneurs, de la volonté, de l’envie. Certains doivent composer avec des situations difficiles au quotidien, et nous allons essayer de trouver des moyens pour améliorer cela. L’objectif est de professionnaliser certains secteurs afin de devenir plus compétitifs.
Skate Info Glace : Vous avez également travaillé sur la patinoire du Grand Palais à Paris.
Stanick : Mon entreprise est spécialisée dans l’exploitation de patinoires éphémères. Nous avons participé à toutes les éditions du Grand Palais. C’est un lieu extraordinaire. Quand une patinoire est installée sous la verrière du Grand Palais, avec cet éclairage et cette mise en scène, c’est une superbe promotion pour les sports de glace. Lorsque j’ai créé mon entreprise, dans le cadre de ma reconversion, j’avais à cœur de contribuer à la promotion des sports de glace et au développement des patinoires mobiles. Nous comptons 26 000 licenciés, mais trois à quatre millions de pratiquants. Ces patinoires éphémères permettent aussi à des scolaires de découvrir la glace, alors qu’ils n’en auraient pas l’occasion pendant l’année. La FFSG a rencontré l’organisateur et un partenariat a été mis en place pour permettre aux patineurs de l’équipe de France, ainsi qu’à des clubs, de venir patiner. Adam Siao Him Fa a pu bénéficier de l’ouverture de la patinoire avant le public et faire son programme.
Skate Info Glace : En parlant d'Adam, quel regard portez-vous sur le patinage masculin actuel senior, en tant qu'ancien patineur ?
Stanick : Le niveau est exceptionnel. Stratosphérique. Les difficultés techniques sont bien plus élevées qu’il y a quelques années. Je pense qu’une barrière psychologique a explosé. À mon époque, nous travaillions les quadruples, y compris l'Axel, que j’avais presque réussi. Tous les patineurs les travaillaient, mais seulement pendant un mois l’été. Puis, en rentrant, nous arrêtions, car ce n’était pas nécessaire. Il y avait cette idée que ce n’était pas impossible, mais pas indispensable non plus. Aujourd’hui, tout cela s’est libéré. Les programmes intègrent de plus en plus de quadruples, et on commence à voir un meilleur équilibre avec le reste. Les meilleurs parviennent à construire un programme techniquement exigeant tout en conservant une véritable dimension artistique. Nathan Chen a été le premier à intégrer autant de quadruples tout en proposant un programme abouti. Il était aussi danseur. Dès l’âge de 10 ans, il faisait six à huit heures de danse au sol par semaine. Cela promet un championnat du monde et des Jeux olympiques formidables. Cela nous impose aussi d’être encore plus professionnels. Préparer un athlète de très haut niveau pour ces échéances, c’est du réglage de Formule 1. Cela passe par une multitude de détails du quotidien, dont l’hygiène de vie. Et cela, bien plus qu’avant.

Skate Info Glace : Avez-vous vu évoluer ces exigences en termes de préparation ?
Stanick : Oui, et ce serait inconcevable de ne pas prendre en compte cette évolution. Je ne dis pas que c’était plus facile avant, mais l’exigence actuelle est différente. Les séquences de pas ne sont plus les mêmes, le niveau technique a évolué, et il faut être capable de digérer tout cela avec la charge d’entraînement que cela demande. Pour les entraîneurs, il devient essentiel de développer une expertise encore plus pointue en planification. Ils doivent gérer les phases et les cycles d’entraînement, ajuster l’intensité, le volume, la récupération. Il faut savoir choisir les pics de forme dans la saison. Ces évolutions demandent d’être encore plus professionnels.
Skate Info Glace : Vingt ans après, quel regard portez-vous sur votre carrière ?
Stanick : On dit que le temps a cette beauté de ne laisser que les jolies choses, que les bons souvenirs. Une carrière doit servir de socle. Elle m’a permis de devenir la personne que je suis aujourd’hui, avec mes qualités et mes défauts. Les hauts et les bas m’ont construit. Ma carrière s’est déroulée en deux phases : espoir junior, car j’étais très jeune à ce niveau, puis un gros creux avant une seconde vie. Nous parlions d’hygiène de vie, d’équilibre et de préparation mentale. S’il y a une chose qui est ressortie de ma fin de carrière, c’est que travailler avec un préparateur mental a été extrêmement utile. J’ai regretté de ne pas l’avoir fait plus tôt.
Skate Info Glace : La plupart des patineurs travaillent avec des préparateurs mentaux maintenant.
Stanick : Il est essentiel d’y être sensibilisé le plus tôt possible. La préparation mentale est aussi importante que les pirouettes, la chorégraphie ou les sauts. À un moment de la carrière, c’est même l’élément clé. En situation de stress, monter sur la glace est déjà un défi. Et exécuter trois ou quatre tours, arriver à cloche-pied sur une lame de couteau, ce n’est pas naturel. Il ne faut pas l’oublier. Le travail mental, c’est apprendre à gérer cette pression et à se concentrer pour exécuter ce que l’on maîtrise. Cela ne s’improvise pas, cela se travaille, avec des routines, des exercices spécifiques. Plus on commence jeune, plus on en prend conscience tôt, plus cela devient un réflexe intégré à l’entraînement. Ce n’est alors plus un effort, mais un outil que l’on peut utiliser au moment où on en a besoin. Il est crucial de sensibiliser les athlètes, car ce sont eux qui doivent faire le choix de s’investir dans cette démarche. On ne peut pas leur imposer ce travail, c’est une démarche personnelle.
Skate Info Glace : Beaucoup de patineurs de haut niveau parlent de leur préparation mentale, et donnent l’exemple aux générations plus jeunes.
Stanick : Ce qui était perçu comme une honte il y a quelques années est devenu une nécessité. C’est une excellente chose que des champions comme Léon Marchand expliquent que la préparation mentale fait partie intégrante de leur quotidien. Cela permet aux jeunes de s’identifier et d’en comprendre l’importance.
Skate Info Glace : Quel est le meilleur souvenir de votre carrière ?
Stanick : Je pense à ma deuxième médaille aux championnats d’Europe. Avant cela, il y avait eu beaucoup de moments compliqués, des périodes difficiles à traverser. Cette médaille avait donc une signification particulière.
Solène Mathieu - Skate Info Glace
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