
A l’issue du World Team Trophy, nous avons rencontré Fabrice Blondel, manager de l’équipe de France pour faire un bilan de la saison et évoquer les perspectives de l’année olympique.
Skate Info Glace : Quel est votre objectif pour l’épreuve par équipe aux Jeux Olympiques ?
Fabrice Blondel : L’objectif principal, c’était de se qualifier pour l’épreuve par équipe, ce qui est fait. Nous avons trois catégories qualifiées. Même si la catégorie couple n’est pas qualifiée directement, nous pourrons compléter l’équipe avec un couple, c’est autorisé. Ensuite, l’objectif sera de passer la qualification après le programme court, car seules cinq équipes participeront au programme libre. L’ambition de classement final se situe entre la troisième et la cinquième place. La troisième place, évidemment, fait rêver, et elle est envisageable. Il n’y aura pas les Russes, et nous ne sommes pas très loin des Italiens en termes de performances. Nous avons trois possibilités de médaille : par équipe, chez les messieurs et en danse.
Skate Info Glace : Quelle sera la composition de l’équipe ?
Fabrice Blondel : La stratégie va jouer un rôle important. Nous pourrons choisir parmi les patineurs qui participeront à l’épreuve individuelle, avec la possibilité d’effectuer deux remplacements entre le programme court et le programme libre. Cette option ne sera envisageable que dans deux catégories, puisque nous n’aurons qu’un seul couple et qu’une seule représentante chez les dames. Nous pourrons envisager un changement chez les messieurs et en danse si nous le souhaitons. C’est une stratégie qui a été utilisée par les Américains à Pékin avec Chock/Bates et Hubbell/Donohue.
Skate Info Glace : Quel est votre bilan de la saison d’Adam Siao Him Fa ?
Fabrice Blondel : Adam a connu une saison difficile. Nous avons eu l’impression de courir après le train toute l’année. Le World Team Trophy a été compliqué pour tout le monde : Ilia Malinin double deux sauts, Yuma Kagiyama tombe deux fois, Shun Sato et Daniel Grassl s’en sortent pas mal, mais globalement, ils étaient tous fatigués. Cette compétition arrive un peu tard dans la saison. Adam a montré aux Championnats du Monde qu’il restait dans le coup, même si nous savions qu’il n’était pas à 100%. Il y a toujours eu un petit souci physique à gauche à droite, et c’est ce qui rend la saison complexe. Là, notre objectif est vraiment qu’il se repose, avec une à deux semaines de repos forcé, puis un renforcement intensif de la cheville pour repartir sur de bonnes bases. L’an dernier, il a eu du mal à se remettre de sa blessure, car les piliers essentiels comme le repos, la récupération, le sommeil, n’étaient pas encore totalement optimisés. Nous travaillons dessus. Nous savons qu’Adam est capable du meilleur. Il signe une belle saison avec sa victoire au Grand Prix de France et une qualification pour la finale, même s’il n’a pas pu y participer. Il termine quatrième aux Mondiaux, à un rien du podium.
Skate Info Glace : Et côté Kévin Aymoz ?
Fabrice Blondel : Pour Kevin, ce que nous trouvons dommage sur le World Team Trophy, c’est qu’il n’avait pas raté le quadruple boucle piqué une seule fois sur tous les entraînements. Ces erreurs dans le libre changent toute la composition du programme. Malgré cela, il place ses deux Axel, il reste lucide, il ne remet pas un troisième triple boucle piqué, il se bat jusqu’au bout, et c’est là le vrai progrès de Kevin cette saison. Il a entamé un vrai travail de préparation mentale, c’est l’élément marquant de son année. Il a un préparateur mental qui lui convient parfaitement. Au Skate America, il y est allé sans pression. Les États-Unis lui réussissent bien. En Finlande, c’était un peu plus compliqué, mais il termine quand même deuxième, il ne lâche rien. La finale du Grand Prix, c’est vrai, il est passé un peu à côté, mais il a rebondi aux Championnats de France Élites. Les Championnats d’Europe restent pour lui un point compliqué, mais il s’est relancé à Milan avec une très belle compétition, et il a enchaîné avec un très bon Championnat du Monde où il termine cinquième, ce qui est excellent. Nous sommes très contents de sa saison, même si elle a connu des hauts et des bas. Il se bat, il se met moins de pression sur les objectifs, il aborde les compétitions différemment. Et clairement, aux Jeux Olympiques, il peut jouer le podium. Il en a les moyens. Nous avons vu aux Mondiaux qu’Adam et Kevin n’étaient pas loin du podium.

Skate Info Glace : Kévin semble avoir trouvé une dynamique d’entraînement qui lui convient, même si le fait de s’entraîner seul une partie de la semaine peut étonner au premier abord.
Fabrice Blondel : Il faut que Kévin soit bien dans sa vie personnelle, dans son équilibre global, pour qu'il performe. Son préparateur mental travaille beaucoup là-dessus et nous avons constaté que cette organisation lui convenait. Effectivement, il passe presque la moitié de la semaine seul, mais si cela lui convient, cela nous convient aussi. Il a 27 ans, il sait ce qu'il fait. Cette saison, il a beaucoup progressé sur la condition physique, au-delà du travail mental : il a répété davantage ses programmes, il s’est mieux préparé physiquement. Aux Championnats du Monde, il était bien, il n’était pas fatigué. La technique, il l’a. Maintenant, il va essayer de travailler le quadruple Salchow pour la saison prochaine. Il l’a fait à l’entraînement récemment.
Skate Info Glace : Comment avez-vous géré l’annonce du partenariat entre Laurence Fournier-Beaudry et Guillaume Cizeron, au sein de l’équipe de France ?
Fabrice Blondel : Nous avons communiqué le plus possible, avec le DTN, dès que nous avons pu, notamment avec les entraîneurs d’Evgeniia et Geoffrey, ainsi que de Théo et Loïcia. Cela s’est fait à la fin des Championnats d’Europe. Nous leur avons assuré que les moyens financiers ne changeraient pas, que l’accompagnement resterait le même. Ensuite, cela reste du sport : que le meilleur gagne. Ce que nous avons surtout cherché à faire, c’est de les garder motivés. Evgeniia et Geoffrey ont commencé à faire des podiums. Alors oui, ils peuvent se dire qu’il y aura peut-être moins de place pour eux, mais d’autres pays sont capables de mettre deux couples sur un podium. Pourquoi pas nous, en France ? Les Américains ont réussi. Il n’y a pas de raison que nous n’y parvenions pas aussi. Concernant Théo et Loïcia, leur véritable objectif n’est pas 2026. 2026 est plutôt pour acquérir de l’expérience et c'est vrai que c'est ultra important, mais la vraie cible est 2030.
Skate Info Glace : Que pensez-vous des débuts de Laurence Fournier-Beaudry et Guillaume Cizeron ?
Fabrice Blondel : J'ai vu quelques vidéos, cela a l'air très très bien.
Skate Info Glace : Quelle a été votre réaction à la cinquième place d’Evgeniia Lopareva et Geoffrey Brissaud à la danse libre du World Team Trophy ?
Fabrice Blondel : Le programme libre n’a pas donné le résultat que nous espérions, mais c’est vrai qu’il y a eu des petites erreurs: un léger souci sur les twizzles, un autre sur la one foot. Cela fait deux niveaux perdus, ce qui peut vite coûter cher à ce niveau-là.
Skate Info Glace : On entend ici et là que les points baisseraient pour faire de la place à Laurence et Guillaume.
Fabrice Blondel : Non, je n’y crois pas. Est-ce que le panel technique du World Team trophy pense à cela ? Franchement, je ne pense pas. Je ne crois pas qu’ils aient cette idée en tête. Et puis, il n’y a pas de place à faire pour Guillaume et Laurence. Il y a de la place pour tout le monde. L’an prochain, il y a de la place pour deux couples français sur le podium des Championnats d’Europe.

Skate Info Glace : Qu’avez-vous pensé de la saison de Lorine Schild ?
Fabrice Blondel : Lorine a fait un Grand Prix de France un peu plus difficile que l’année précédente, mais elle a signé un bon Grand Prix en Finlande. Les Championnats d’Europe ont été compliqués avec une blessure à la cheville. Et quand cette cheville allait un peu mieux, il y a eu un autre souci au pied. Malgré cela, c’est une vraie compétitrice. Elle réalise un programme court quasi sans faute aux championnats d'Europe, même si le libre a été un peu plus compliqué. Entre les championnats d’Europe et les Mondiaux, Malika Tahir a fait un gros travail avec elle, avec des remises en question sur certains sauts, sur la préparation, sur la planification du repos. Lorine a été solide aux Championnats du monde, elle a très bien géré la pression avec cet objectif d’aller chercher le quota olympique. Nous sommes très satisfaits, elle a bien évolué, elle commence à s’affirmer. Son programme court au World Team Trophy avec 63 points était vraiment solide : toutes les pirouettes et les séquences de pas sont de niveau 4, elle a le triple-triple avec le Lutz. La différence entre 63 et 70 points va maintenant se jouer sur les composantes et les GOE, donc nous allons continuer à travailler là-dessus. Elle commence aussi à se faire une réputation : au World Team Trophy, les Américains sont venus nous féliciter pour elle, cela m’a fait plaisir. Il faudra néanmoins rester vigilant, comme pour tous, sur la cheville et le pied, c’est le nerf de la guerre.
Skate Info Glace : Et Léa Serna ?
Fabrice Blondel : Léa a également terminé sa saison de belle manière, avec une très bonne compétition à Milan. Mais, comme pour beaucoup de nos patineurs, il y a eu un souci à la cheville. Elle s’est blessée avant les Masters, elle est revenue, mais le Skate America a été compliqué. Le Grand Prix de France était un peu mieux, puis elle réalise un Championnat d’Europe correct. C’est sa deuxième saison à Oberstdorf, on sait que c’est un projet à long terme. Elle semble épanouie dans ce cadre. Cela commence à payer, j’ai vu de très belles combinaisons, Léa a un potentiel énorme. Pour nous, Léa et Lorine, ont les mêmes chances d’aller aux Jeux Olympiques. Il n’y en a pas une au-dessus de l’autre actuellement. Oui, Lorine est allée chercher un quota, elle a montré qu’elle était solide dans ces événements, mais nous remettons les pendules à zéro. Je souhaite cette émulation.
Skate Info Glace : Pour Camille et Pavel Kovalev, il va falloir aller chercher la qualification à Pékin en septembre.
Fabrice Blondel : Pékin en septembre sera effectivement une échéance cruciale. À l’heure actuelle, il ne reste que trois quotas disponibles, et cela s’annonce très compliqué. Il y aura les Russes, les Chinois, ainsi que les Américains qui viendront chercher leur troisième quota. Mais il est possible qu’une place soit remise en jeu si un pays y renonce pour une raison ou une autre. Nous préparons donc un vrai plan commando pour septembre. C’est une situation complexe, car il faudra qu’ils soient à leur pic de forme en septembre, puis couper et relancer la machine pour être en forme aux Jeux Olympiques, tout en restant performants sur le Grand Prix de France et les Élites. C’est un vrai défi de planification. Ils ne sont pas seuls, il faudra se qualifier et battre les autres Français. Il ne faut pas oublier qu’il y a deux ou trois ans, Camille et Pavel gagnaient des Challengers et faisaient des podiums. La blessure a cassé le rythme. Nous leur avons proposé de prendre un peu l’air, de faire des stages pour se relancer. Les couples restent notre discipline à développer. Nous savons que si nous voulons un podium par équipe, on ne peut pas être dixièmes en couple. Cela dit, toutes les équipes engagées n’auront pas nécessairement un couple, donc cela laisse une ouverture.
Skate Info Glace : Dans la perspective de la saison olympique, avez-vous prévu des adaptations de calendrier ?
Fabrice Blondel : Les Masters auront lieu fin août. Les deux saisons précédentes, nous avions mis en place une sorte de monitoring début septembre, ce qui avait été très efficace, notamment pour la danse. Mais nous avons eu beaucoup de retours indiquant que cela faisait trop : monitoring, Masters, Grands Prix, etc. Nous avons donc décidé de supprimer ce monitoring et de l’intégrer directement aux Masters. Mais nous nous sommes aussi rendu compte que cela arrivait un peu tard, surtout pour la danse. Alors, nous avons choisi de faire deux en un : avancer les Masters et organiser un stage autour, à l’image de ce que font les Américains. Cela permettra également de préparer la compétition en Chine à la mi-septembre. Concernant les messieurs, je pense que nous n'attendrons pas les Masters pour annoncer qui ira en Chine chercher le troisième quota.
Skate Info Glace : Quelles sont les chances du troisième patineur d’aller gagner une qualification olympique ?
Fabrice Blondel : Plutôt bonnes. Il y aura cinq quotas disponibles à Pékin, et que ce soit François ou Luc, ils sont capables d’aller chercher cette qualification. Ce serait vraiment intéressant pour l’expérience. Si cette qualification permet de préparer un patineur dès 2026, qu’il puisse vivre les Jeux, acquérir de l’expérience, puis arriver en 2030 prêt à faire une performance, ce serait idéal.

Solène Mathieu - Skate Info Glace
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