Bruno Massot
S.I.G. : Bruno, particulièrement ému à l’issue de votre prestation ?
Bruno Massot : Oui, j’apprécie beaucoup plus ces Championnats d’Europe que ceux de l’an dernier. Je savoure cette médaille. Cette première place du libre, c'est une super satisfaction, c’est juste génial ! En fait c’est ma première médaille d’or [NDLR : petite médaille du libre], je suis très heureux et j'apprécie enfin ces championnats comme j’aurais dû les apprécier l’année dernière.
S.I.G. : Pourquoi un double Axel lancé et non pas un triple Salchow dans le programme court ?
B.M. : Notre stratégie est de conserver le triple Axel lancé, nous ne souhaitons pas changer la construction du court et du libre. Le quadruple Salchow est toujours d'actualité, on sait qu’il va revenir. Ici on a joué la sécurité, on veut être prêts pour les Championnats du Monde. Aljona est toujours blessé, toujours cette douleur présente, on a donc voulu un programme technique allégé, tout en faisant propre. C’est incroyable, parce que même allégé, ça nous permet de gagner le long ! On a tellement travaillé sur la chorégraphie et l’interprétation pendant la blessure, avec quelques modifications... Nous n'effectuons les sauts lancés que depuis une semaine. Il faut encore faire attention, ça ne fait que quelques jours qu’Aljona réalise le triple Salchow lancé sur un pied. Mais les Championnats du Monde sont dans deux mois et cette performance lui donne confiance pour se soigner et continuer de s’entraîner. Nous sommes ambitieux, nous voulons vraiment intégrer ce triple Axel et le quadruple Lutz lancés dans nos programmes.
S.I.G. : Aucun regret de n’avoir mis qu'un triple Salchow en lieu et place du double Axel lancé dans le programme court ?
B.M. : Non aucun. Avec Aljona blessée, on savait que ces championnats seraient difficiles. En plus de la blessure, il y a trois semaines j’ai été malade, puis ça a été le tour d'Aljona ! Notre préparation a été particulièrement tronquée. Mais on s’est dit "allez, on va à ces championnats, on a envie de se battre, de montrer qu'on est là". On prend notre temps afin d'être à notre maximum pour les Championnats du Monde. Ici on a été faciles sur nos prestations.
S.I.G. : Faciles ? La construction des programmes c’est loin d’être facile !
B.M. : Oui mais nous étions plus sereins et du même coup nous avons réussi à faire passer l’émotion. C’est ce que l’on espérait et souhaitait aujourd'hui. Avant de débuter notre prestation, j’ai dit à Aljona : "on va faire passer quelque chose". Je crois que c’est ce qu’on a réussi, c’était l’objectif ce soir et nous sommes heureux de l’avoir atteint. Finir avec une médaille d’argent au général et surtout une or au libre c’est juste génial.
S.I.G. : Trois Français sur le podium, quel est votre sentiment ?
B.M. : Vanessa et Morgan ont réalisé un programme magnifique. Je leur avais déjà dit que ce libre allait cartonner. Se retrouver sur le podium avec eux, c’est juste magique. Voir les drapeaux allemand et français, c'est une belle émotion. Je suis vraiment heureux pour eux, ils le méritent. Ils se battaient pour cet instant depuis un long moment eux aussi !
S.I.G : Merci de votre gentillesse et de votre patience. Félicitations !
Vanessa James et Morgan Ciprès
Morgan arrive en premier en zone mixte. Il se déchausse et je découvre que ses chaussures sont retenues solidement par d’épais et larges rubans adhésifs.
S.I.G. : Bonjour Morgan ! C’est quoi ce scotch autour de tes bottines ?
Morgan : Peu de temps avant les Championnats d’Europe, les attaches de mes chaussures ont lâché et je ne voulais pas en changer avant la compétition. Je ne sais pas si je pourrai en changer avant le Mondial, en plus je n’aime pas trop ça...
S.I.G. : La préparation pour ce prochain Mondial ?
Morgan : On est déjà dedans. Cette année on a cru en nous, surtout notre équipe, et là on a construit quelque chose de grand. La Fédération nous soutient et j’observe qu’il en est de même pour le public et les juges. On a maintenant de vraies ambitions pour continuer sur cette route. Aujourd'hui on a prouvé qu’on était capables de toucher le sommet et on souhaite continuer sur le même chemin.
S.I.G : En effet, vous semblez être plus conscients de vos possibilités avec cette troisième place qui aurait, d'ailleurs, pu être meilleure. Votre prestation a été salués par une "standing ovation", vos concurrents n'étaient pas du tout en difficulté et vous battez, de loin, votre meilleur score !
Morgan : Je voudrais dire un grand merci au public qui était là ce soir. On n’a jamais connu quelque chose d’aussi fort, on voulait rester sur la piste c’était juste magique. (Arrive Vanessa, radieuse).
Vanessa : On a eu droit à cette standing ovation après notre prestation et même pendant qu'on était sur le podium, les gens criaient c’était magnifique.
S.I.G. : Succès international donc, il n'y a pas que les supporters français qui vous applaudissaient !
Vanessa : Oui mais on reste concentrés pour le reste de la saison car c’est la première fois que l’on patine très bien. Ici c’était encore mieux que pendant les Grands Prix. On le constate sur les notes aussi bien dans le programme court que le libre. Le score augmente de 30 points. Mais il s’agit d’un début et il faut s’installer dans la hiérarchie, continuer de travailler...
Morgan : L’objectif, ce sont les Jeux Olympiques.
S.I.G. : Votre réaction, Vanessa, après le programme court et le souvenir de l’année dernière ?
Vanessa : J’avais peur, j’étais stressée. Je me suis dis : "oui, il peut se passer la même chose, mais il faut y aller", et ça a fonctionné. Je n’ai pas de mots pour exprimer ce que je ressens ce soir, je suis tellement émue que je n’arrive même pas à pleurer. Je suis tellement fière de notre équipe qui nous soutient, parce que sans eux, nous ne serions pas là aujourd'hui. [Rires] Je suis heureuse que mon partenaire soit heureux "pour une fois" [rires]. J’en avais marre qu'il soit tout le temps énervé, oh Seigneur c’est super !! Merci à la fédération qui s’est tellement investie pour nous !
S.I.G. : Comment êtes-vous restés focalisés sur le programme tout au long de votre prestation, l'attente a été longue... Ce doit être facile de se laisser déconcentrer, non ?
Morgan : Personnellement, je n’ai rien donné de plus qu’à l’entraînement, c’était étape par étape. Chaque saut, chaque élément, chaque pirouette comptait. Derrière, il y avait une grosse concurrence et les quatrièmes ne sont pas loin. C'était une compétition énorme avec des médaillés olympiques et mondiaux. C’était dur, une grosse pression, on passait en dernier...
Vanessa : C’est la première fois qu’on passaient derniers d’une compétition mais nous avons bien géré ça. Nous avions fait des mises en situation avec nos profs, et en plus, en patinant sur une patinoire très très froide à Miami. Ici il faisait chaud.
S.I.G. : Question technique : vous avez abandonné la difficulté des deux bras en l’air lors du triple flip lancé, pourquoi ?
Vanessa : Oui, nous l’avons éliminée pour cette saison, il nous faut faire propre pour l’instant, mais nous avons bien l’intention de la remettre l’année prochaine. On veut juste être réguliers sur cet élément qui présente certaines difficultés dans la position surtout pour le flip.
S.I.G. : Le triple/triple, vous retravaillez cet élément ?
Vanessa : Nooooooon ! C’est mort ! [geste de la main qui coupe la tête]
Morgan : On en a trop bavé avec ça, c’est bon [rires]
Vanessa : C’était soit, lui soit moi ! Ou lui lui lui ! Et jamais ensemble !
Morgan : Triple/double/double, ça nous rapporte presque autant et c'est plus facile pour nous.
S.I.G. : La deuxième note est souvent aussi donnée à la notoriété, avec cette prestation vous devriez avoir montré aux juges ce dont vous êtes capables. Elle devrait monter dès les prochains Championnats du Monde...
Vanessa : Oui, il nous faut être réguliers ! Et ça va augmenter notre note en général. Il faut travailler !
Merci encore à Vanessa et Morgan pour leur disponibilité et leur gentillesse.
Propos recueillis sur place par Emmanuel Leroy