Interview parue sur le site Annecy-Infosports en septembre 2012
Propos recueillis par Kate Royan et Mehdi Bouzzine 25/09/2012 ©
Nous les suivons avec une attention toute particulière depuis longtemps et au moins une fois par an, nous leur faisons subir un « interrogatoire » en règle. Ils s’y prêtent toujours aussi gentiment ! A une semaine des Masters d’Orléans, voici l’interview Septembre 2012.
Annecy-Infosports : Vous êtes maintenant à Détroit depuis plus d’un an. Qu’est-ce qui a été le plus difficile dans votre adaptation ? Et le plus facile ?
Nathalie : La vie aux USA est, de manière générale, plus facile qu’en Russie. Les formalités administratives sont plus simples. Notre quotidien est plus simple au niveau de la nourriture par exemple. Nous habitons à 5 minutes de la patinoire. Cette dernière est un grand complexe qui abrite 3 pistes de glace, une salle de musculation, 2 salles de danse et un pôle médical (pour soigner les bobos du quotidien). Grâce à l’anglais nous pouvons profiter des cinémas, de la télévision, et discuter avec tout le monde. Le plus difficile dans le fait d’avoir quitté Moscou, est d’avoir dit au revoir à nos entraîneurs, à ma famille russe, à nos amis russes. Et aussi, les évènements culturels nous manquent beaucoup : comme aller au Bolchoi, au musée…
Fabian : Personnellement l’adaptation s’est faite facilement. La qualité de vie étant bien meilleure, je ne regrette pas grand chose de la Russie.
A.I : Au long de votre carrière, qu’avez-vous changé dans vos routines quotidiennes (entraînement sur et hors glace, préparation des compétitions) ?
Fabian : Depuis 3 ans le travail a été intensifié au niveau hors glace et sur glace de manière a être mieux physiquement. « Bien dans son corps bien dans sa tête », c’est a peu près le mot d’ordre aujourd’hui.
A.I : Pouvez-vous nous dire quel est le point fort de votre partenaire, ainsi que son point faible ? Désolés mais, « Nathalie parle trop », « Fabian est grognon » ne sont pas admis, car on est déjà au courant !
Nathalie : Point fort de Fabian : c’est un « visionnaire ». Il a beaucoup d’idées artistiques (notamment pour les portés) et il sait les mettre en place grâce à
son expérience. Point faible : il préfère souvent la qualité à la quantité. Je m’explique : pour travailler le physique, on fait beaucoup de programmes en entier lors des entraînements. Lui va
préférer en faire moins, mais très bien, alors que moi, je veux en faire le maximum même s’il y a des erreurs. On a chacun notre façon de se mettre en confiance.
Fabian : Son point fort c’est que c’est une bosseuse et une grande organisatrice. Elle maintient clairement les planifications à jour et cela évite à notre couple de se
disperser sans savoir où l’on va. Son point faible… Elle est opiniâtre [NDLR : on note qu'il n'a pas dit "têtue" ], ce qui n’aide pas toujours à avancer aisément.
A.I : Vous êtes connus pour avoir travaillé avec des intervenants particulièrement éclectiques. Qu’aimeriez-vous encore explorer ou inclure dans vos programmes à l’avenir, que ce soit en compétition ou exhibition ?
Nathalie : Notre équipe de chorégraphes restera la même jusqu’à ce que l’on raccroche les patins. Nos chorégraphes nous ont apporté tout ce que l’on cherchait et comme tu le
soulignes, ils viennent de milieu très différents.
Laurie Aiyvigan : danses de salons, danses latines,
comédie musicale, jazz, contemporain…
Kader Belmokhtar : Hip Hop
Julien Cottereau : clown et metteur en scène
Antonio Najarro : Flamenco, Tango.
Grâce à eux, nous avons pu explorer beaucoup, beaucoup de thèmes très différents. Et nous continuerons de le faire, avec eux, parce qu’ils ne sont pas seulement des intervenants. On se comprend,
on va dans la même direction, il y a un feeling professionnel et amical qui s’est installé. Ils nous apportent plus que des mouvements, ils nous donnent une véritable gestuelle, ils mettent des
mots sur les émotions, nous emmènent dans leur monde. Ce sont des personnes de confiance et nous sommes très reconnaissants d’avoir pu construire des projets artistiques ensemble.
A.I : Votre participation aux Jeux de Sotchi est-elle toujours soumise à vos résultats internationaux cette saison et début 2013/2014, ou vous sentez-vous désormais confortés dans vos chances d’accéder au podium ?
Fabian : Au jour d’aujourd’hui, la participation à Sotchi n’est pas soumise à quoi que ce soit. Nous prenons les années une par une et même si nous avons grande confiance en la saison à venir, nous ne savons pas ce que le futur nous réserve. En tout cas, notre envie d’y aller et de prendre une médaille est clairement plus présente dans nos esprits qu’elle ne l’était les années passées.
A.I. : L’après Sotchi, c’est à l’étude ? Des projets précis ? Avez-vous un plan de carrière commun style shows, ou directement des plans individuels ? Dans le patinage ou ailleurs ? Ou un mix du tout…
Nathalie : Après la compétition, on fera des galas pendant quelques mois. De mon côté, j’aimerais pouvoir me construire une vie « normale » après ça : travailler pour une institution ou une entreprise sportive comme le CNOSF par exemple. Même si nous préparons nos reconversions aujourd’hui, cela reste des projets à moyen terme. L’important pour nous deux, c’est de finir en beauté notre carrière, pour la suite on verra en temps voulu. En tout cas, je rentrerai en Europe !
Fabian : Absolument aucune idée. Pour le moment je reste focalisé sur nos objectifs. La reconversion ne m’effraie pas. Mais chaque chose en son temps.
A.I. : Vos entraîneurs viennent d’ »écoles » de danse sur glace différentes, la russe pour Anjelika, la britannique et la lyonnaise pour Pasquale. Vous avez développé votre propre créativité et votre propre style, mais vous sentez-vous plus proches d’une de ces écoles ? Aimeriez-vous qu’on parle un jour d’une école Péchalat/Bourzat ?
Fabian : Je pense que la force de notre couple est justement d’avoir pu assimiler les qualités de ces différentes écoles. Notre maturité nous a permis d’en prendre le meilleur. Une école Péchalat/Bourzat, pas sûr… Mais si seulement l’avenir de la danse sur glace pouvait devenir un peu moins lisse et monotone, alors nous aurions réussi quelque chose d’extraordinaire en laissant une marque de fabrique Péchalat/Bourzat.
A.I. : On vous laisse choisir la danse courte pour la saison prochaine, vous prenez quoi ? (On est dans l’abstrait, vous n’êtes pas obligés de prendre la même)
Nathalie : le Charleston me plairait bien, et ca tombe bien, je crois que c’est au programme pour la saison prochaine… Sinon, j’aime le Folklore. Il permet d’avoir des programmes variés et d’élargir les choix artistiques. Si les danses imposées n’étaient pas à inclure dans le programme court, j’adorerais avoir comme thème les 80’s ou le hip hop : pour le coup de frais !
Fabian : Personnellement j’ai suffisamment confiance en notre expérience pour savoir que, quelle que soit la danse choisie, nous pourrons en faire quelque chose de très personnel et très enlevé. On a bien réussi avec la Polka cette année ! C’est ce que j’aime dans la SD : on ne choisit pas, on doit s’adapter, c’est un challenge artistique !
A.I. : Cette saison, c’est la Yankee Polka qui est sortie du chapeau. Comme son nom l’indique c’est une danse américaine par définition. C’est par esprit de contradiction que vous avez choisi le French Can Can ? Plus sérieusement, on dit de la Yankee Polka qu’elle requiert une grande profondeur de carres, un toucher de glace léger, de l’énergie et de l’enthousiasme. Ca doit bien vous aller tout ça non ?
Nathalie : Je ne pense pas qu’on ait l’esprit de contradiction, c’est juste qu’on aime tordre des thèmes pour pouvoir accéder à un angle artistique qui nous correspond le mieux possible, tout en restant dans les limites du règlement. La Yankee Polka requiert de l’énergie, de l’enthousiasme et de la dextérité au contraire des carres profondes [NDLR : oups, Kate a mal fait ses devoirs...]. C’est une danse légère, très entraînante. Nous, on aime bien les danses imposées « longues ». Un tour de piste et beaucoup de pas, de changements de positions, etc. Comme le Tango Romantica ou la Golden Waltz et cette Polka ! Rien à voir avec la Rumba de l’an passé.
AI : Ce French Can Can, il est plutôt Moulin Rouge façon film de Renoir avec Gabin et Françoise Arnould ou façon Luhrmann avec Kidman/Mc Gregor ? Ou totalement façon Péchalat/Bourzat ?
Nathalie : Si on a à choisir, notre French Can Can est définitivement plus Jean Gabin que Mc Gregor ! On aime la cohérence, alors quand on choisi de patiner sur une figure de Paris, c’est pour faire du français à 100%. A la sauce américaine : non merci ! Le jour où on fera du blues ou du jazz, là on ira voir ce que les Américains nous proposent. Pour ce qui est de ce programme court, nous avons choisi comme thème « Paris ». La Polka est joyeuse et entraînante et la Valse de J. Dréjeac et H. Giraud chantée par Yves Montand (« Sous le ciel de Paris ») amène de la poésie, du romantisme. Les costumes apportent de l’authenticité même s’ils sont modernisés.
A.I. : Pour votre danse libre, vous avez opté pour les Stones. Votre medley comprend des morceaux qui s’étalent de 68 à 81, couvrant ainsi toute la période des 70s. C’est un choix d’époque délibéré ou seulement une question de mélodies ? C’est facile à monter un medley des Stones ?
Nathalie : Oui, c’est un choix, une fois que nous avons « aiguisé » (c’est à dire : défini ce que nous voulions en faire) notre projet sur les Stones, avec notre chorégraphe Laurie Aiyvigan, nous avons sélectionné ces morceaux pour l’époque et pour les mélodies. Ca n’a pas été facile : tout est chouette ! Et puis il y en a un paquet. Nous avons choisi les plus exploitables sur glace, ceux qui nous font danser ou nous mettent dans un « état » (comme « Angie »). Nous avons un programme des Stones basé sur le groove et les années Hippies, avec l’esprit que l’on connaît du groupe.
A.I. : Je vous ai vus vous entraîner cet été et j’ai eu le sentiment que vous aviez franchi un nouveau cap en matière d’assurance. Je vous ai trouvés une aisance et une présence encore plus affirmées, vous paraissez « faciles » (même si on sait parfaitement que ça ne l’est pas !). C’est d’être pris en sandwich (si j’ose dire) entre des Nord-Américains qui poussent et d’autres désormais prenables devant, qui vous donne cet élan ?
Fabian : La différence aujourd’hui n’est pas seulement due au fait que nous pensons que les 2 premiers sont prenables, elle vient surtout du fait que nous sommes confiants dans nos programmes ( les 2 ). Nous aimons énormément nos thèmes ainsi que nos chorégraphies, il est donc normal que nous soyons plus à l’aise. De plus, cette saison et jusqu’ aux JO, nous avons décidé de supprimer tous les galas l’été de manière à être mieux préparés en début de saison. Le travail ça paye. Mais au-delà de ça, je pense que nous avons franchi un cap dans notre technique qui est bien plus solide cette année. Certains progressent lentement mais sûrement quand d’autres passent des paliers de progression ! On a de la chance, on fait les 2 (rires).
A.I. : Vous venez de changer de club, passant de Castres où vous étiez licenciés (et Lyon où vous vous entraîniez quand vous êtes en France) aux Français Volants de Paris. Pouvez-vous nous dire pourquoi ? Etre licencié dans la patinoire où on s’entraîne, ça fait une différence ?
Nathalie : Quand on rentre en France, on s’entraîne à Lyon ou à Paris Bercy. Les lieux n’ont pas changé depuis notre expatriation. Mais nous avions peu l’occasion d’aller à Castres (c’est assez excentré). Au niveau des licences, peu importe, pourvu qu’on ait de bonnes relations avec les clubs et les entraîneurs qui nous accueillent ponctuellement. Si on a changé de club, c’est par choix personnel. Bercy nous a offert son soutien et on l’a accepté : ce club bénéficie d’une plus grande structure. On remercie chaleureusement le club de Castres de nous avoir accueillis : ce club nous a porté chance, et on est très contents de faire aujourd’hui partie du club mythique des Français Volants !