14h45, Debrecen Arena, patinoire d'entraînement.
Pendant que Marie-Jade et Romain se changent, j'en profite pour interroger leur entraîneur.
- Romain, ton opinion de coach : ce sont des élèves faciles ?
- Très faciles ! Leur grande qualité c'est que ce sont de très gros travailleurs, ça facilite beaucoup les choses ! Ils sont tous les deux très intelligents, ils écoutent, ils ont une excellente perception de ce qu'ils font. Quand je les ai en cours il n'y a pas de souci, et quand ils sont seuls, ils travaillent intelligemment, ils ne se contentent pas de répéter.
- Que considères-tu qu'ils peuvent améliorer ?
- Ils sont déjà parmi les meilleurs juniors mais ça reste un quand même un couple très récent, il n'y a qu'un an et demi qu'ils patinent ensemble. Il existe une connexion qui vient par le travail bien sûr, mais aussi qui s'améliore avec les années. Ils vont passer seniors la saison prochaine. C'est un grand pas qu'il va falloir franchir. L'an dernier, comme ils n'avaient commencé qu'au mois d'août, ils n'avaient pas pu concourir en juniors. Je les avais mis en junior en France, ils ont été vice-champions de France...
- Voilà où je les ai vus en live pour la première fois, à Megève en 2014 !
- Exact, c'était leur première saison. Maintenant l'objectif, c'est de devenir les bons dauphins de Gabriella et Guillaume sur le plan international dès la saison prochaine, donc il va falloir gagner en maturité, gagner en amplitude pour obtenir de bonnes places en championnat d'Europe et du Monde.
Le coach se sauve, appelé par d'autres obligations, et c'est au tour des patineurs de répondre à mes questions.
- Comment vous sentez-vous après cet entraînement ?
Marie-Jade : Bien ! On a hâte d'être à demain !
- Un entraînement entre une SD et une FD c'est quelque chose de spécial ou ça se passe normalement ?
Marie-Jade : Les éléments changent mais on a à peu près la même technique d'entraînement, les twizzles sont placés de la même façon. Notre danse courte et notre danse libre ont vraiment des musiques très différentes, donc le but est de se mettre dans l'esprit de la FD. Après avoir fait de la short dance et de la valse pendant deux jours on a tendance à "rester dedans", et il faut passer à une ambiance rock'n roll.
- A propos de rock'n roll et de FD, je viens de vous voir vous entraîner et j'ai été impressionnée par le porté à la fin du morceau "While my Guitar gently Weeps". Il est absolument spectaculaire. Il a un nom ?
(Eclat de rire)
Marie-Jade : Non !
Elle consulte son partenaire qui confirme : Non, pas de nom spécial...
Marie-Jade : Au départ c'est Romain [Haguenauer] qui l'a créé pour Tiffany Zahorski et Alexis Miart, mais Tiffany est beaucoup plus grande que moi. Vu notre différence de taille à Romain et moi, c 'est beaucoup plus facile.
- Tu mesures combien ?
- 4 pieds 11. Chez vous ça fait combien ?
Romain : 1 mètre 50.
- Hier en conférence de presse, Romain tu as dis que vous vouliez vivre vos programmes plutôt que les jouer. Ce n'est pas donné à tout le monde et c'est généralement l'apanage des patineurs très talentueux et pleins de sensibilité. C'est dans votre caractère ?
Romain : Je dirais qu'en fait c'est l'école dans laquelle nous sommes qui nous apprend à patiner comme ça.
Marie-Jade : C'est vrai, c'est ça.
Romain : Tout ceux qui s'entraînent comme nous à Montréal ont cet état d'esprit. Pour nos coaches, il est important d'humaniser les programmes. L'école tient à ce que nous comprenions ce que nous faisons, à ce que nous vivions vraiment nos programmes.
Marie-Jade : Gabriella et Guillaume sont un peu les ambassadeurs de ce courant en danse sur glace. On essaie de s'en inspirer.
- On ne va pas passer le Réveillon sur le fait que vous soyez mariés vu que tout le monde ne vous parle que de ça...
(Nouvel éclat de rire)
- Mais ça fait une différence pour exprimer ses émotions sur la glace, d'être un vrai couple, ou pas ?
Marie-Jade : Au début c'est être tout le temps ensemble qui nous a rapprochés. Mais par le suite je pense que ça n'a pas d'influence. Il y a de très bons couples sur la glace qui ne sont jamais sortis ensemble. Regarde Gaby et Guillaume. Je pense qu'on peut faire passer les émotions d'une comédie romantique sans être en couple dans la vie.
- Vous l'avez bien expliqué hier en conférence de presse, d'un côté vous êtes un couple dans la vie, et de l'autre vous travaillez ensemble sur la glace. L'un n'interfère pas avec l'autre.
Marie-Jade : Exactement.
- Dans la foulée, tu es devenue française ?
Marie-Jade : Pas encore ! On espère...
- Je croyais que le mariage donnait automatiquement la nationalité française...
Romain : Ce n'est pas si simple ! Il reste tout un tas de démarches à faire.
- Parce que vous ne résidez pas en France ?
Romain : Entre autres. Il faut avoir été mariés quatre ans, ou seulement trois si on peut prouver qu'on a vécu ensemble avant. Il y a aussi la possibilité d'immigration pour fait exceptionnel, par exemple représenter sportivement la France, qui réduit le délai d'attente à deux ans. On en a déjà parlé avec la fédération pendant les championnats nationaux juniors à Poitiers.
- Il doit être possible de faire jouer cette exception, beaucoup d'autres l'ont déjà fait.
Romain et Marie-Jade : On espère que ça va marcher !
- Autre sujet, qui a choisi le thème des Beatles pour la FD ?
Romain : A la base, on avait en tête un rock and roll, on avait envie de faire des acrobaties. Puis Marie-France nous a parlé d'un spectacle du Cirque du Soleil qui passe en ce moment à Las Vegas. Ils ont ré-orchestré toutes les musiques des Beatles et font des merveilles là-dessus. J'ai pu voir quelques vidéos, c'est vraiment magnifique et les musiques sont très très belles.
Marie-Jade : On a hésité entre "Come Together" et "Get Back" pour la seconde partie de la FD. Mais on voulait qu'il y ait un lien entre les différentes parties musicales, on ne voulait pas d'un medley. Dans "While my Guitar gently Weeps", le personnage observe les gens, veut les rassembler et "Come Together" reprend exactement le même thème. Mais il y a un changement dans l'émotion. Le début est un peu nostalgique, mélancolique, puis la suite est au contraire pleine d'espoir.
- Vous préférez battre Parsons/Parsons ou McNamara/Carpenter ou les deux ?
(Rires)
Marie-Jade : Dans le groupe de tête, les six ou huit premiers couples, on est tellement proches en termes de points, que ce n'est plus une question de qui est le meilleur, mais de plutôt de qui patine le mieux au moment où il faut.
- Vous avez des héros ? Parmi les patineurs seniors actuels ou ceux qui ne patinent plus ?
Grand sourire de Marie-Jade : J'avoue avoir un gros faible pour Tessa [Virtue] et Scott [Moir] ! Ils dégagent quelque chose quand ils patinent... Ca attire l'oeil. Tu ne peux pas passer à côté. Et aussi Patrick Chan avec sa glisse infinie... [NDLR : le terme est très joli et on ne peut mieux adapté]
- Ca reste très canadien tout ça !
(Rires)
- Et toi Romain ?
- Je ne sais pas si j'ai vraiment des préférés. J'en aime beaucoup, je m'inspire de plusieurs. Evidemment Tessa et Scott sont incontournables, j'aime bien aussi les Américains Davis/White. Chez les Russes, j'aimais beaucoup Ilinykh/Katsalapov, et puis bien sûr il y a Nathalie et Fabian. J'aime prendre un peu chez chacun, j'essaie de prendre les meilleurs choses chez tout le monde.
Marie-Jade : Et il y a Gaby et Guillaume...
Romain : Ce sont vraiment les patineurs les plus sympathiques que j'ai jamais vu.
- Avec le retour de Tessa et Scott, il va y avoir beaucoup de monde à Gadbois... Comment ça va se passer ?
Marie-Jade : Je pense que ça va très bien se passer. [Elle insiste sur "très bien"] On est déjà douze couples, et ça ne peut qu'inspirer tout le monde. On s'entend tous très bien.
Romain : En fait, on est vraiment une famille. C'est le mot qui décrit le mieux l'ambiance. Tout le monde se respecte, tout le monde se souhaite bonne chance, on se félicite après les compétitions.
Marie-Jade : On est toujours contents pour les autres quand ils réussissent.
- Vous avez autre chose à me dire ?
Cri du coeur de Marie-Jade : On est contents d'être là !!
(Rires)
- Et vous avez toujours le sourire comme ça ? Tout à l'heure Romain [Haguenauer] et Pascal [Denis] m'ont dit que oui...
Marie-Jade : On essaie de ne pas se prendre la tête. Vu le nombre d'heures qu'on passe sur la glace, le nombre d'heures qu'on passe ensemble... Je pense que ça ne vaut pas la peine d'aller chercher des détails, de se creuser la tête.
Romain : On aime rester positif. Si quelque chose ne va pas, on se dit que ça passera, que ça ira mieux demain.
Marie-Jade : On ne peut pas changer ce qui est arrivé, alors on respire un bon coup et c'est reparti.
- C'est une excellente philosophie ! Je peux vous souhaiter bonne chance pour demain ?
Romain : Sans problème, on n'est pas superstitieux !
Propos recueillis par Kate B.R. 18/03/2016 - © S.I.G