Trophée Bompard 2013



Impressions à chaud...

 

par Kate ROYAN ©

Programme long couples

 

Encore récemment, je n'aurais pas parié un kopeck sur l'avenir de Vanessa James et Morgan Ciprès. J'avais tort. Non seulement ils progressent mais leurs programmes sont travaillés, soignés, construits pour exploiter au maximum leurs qualités. La très jolie musique d'Angels and Demons, et celle, plus sombre, de Requiem for a Dream, sont d'excellents supports à leur talent. Très bon début de programme, même s'ils s'essouflent en seconde partie, Morgan en particulier. Mais leur programme est techniquement chargé et sa blessure l'a sans doute empêché d'acquérir la condition physique nécéssaire à tenir un programme long. Vanessa, elle, paraît en pleine forme et son sourire fait plaisir à voir. Le porté final est original et superbe. 


Manque d'unité et de synchronisme pour les Américains Denney/Coughlin mais, très en progrès techniquement,  ils sont le seul couple de la compétition à n'avoir commis aucune erreur majeure dans le court et le libre. Côté artistique, c'est joli et assez creux. Pas de réelle interprétation, et la musique du Fantôme de l'Opéra commence à s'user dans les patinoires... 

 

Beaucoup trop d'erreurs pour Bazarova/Larionov qui ont complètement loupé leur TEB. A l'exception de très beaux portés, leur programme libre sur les Danses Polovtsiennes de Borodine ne m'inspire guère plus que leur court, même s'il convient nettement mieux à leur style. J'ai de très loin préféré le libre de Duhamel/Radford, mais je n'y ai pas retrouvé le véritable esprit d'Alice au Pays des Merveilles. Alice trop athlétique et un chapelier pas assez déjanté. Techniquement par contre, c'est l'artillerie lourde, au sens non-péjoratif de l'expression. Des difficultés comme s'il en pleuvait, jusque dans le plus petit détail, tout ce que j'aime !

 

Au chapitre des bourdes, les moins pardonnables sont peut-être celles de Pang/Tong dont l'expérience devrait prévaloir. Mais justement, peut-être les corps accusent-ils la fatigue après tant d'années. Dommage car leur libre est plein de poésie et de délicatesse. 

 

Résultats libre couples

RESULTAT FINAL COUPLES


 

par Kate ROYAN ©

Programme Long Hommes

 

Sur la musique de Sherlock Holmes, Michal Brezina nous refait les Incorruptibles. Chorégraphie identique, construction de programme recyclée, avec toujours les mêmes travers : lenteur, préparations de sauts qui s’éternisent, corps vrillé, bras en hélice. Irrégulier  à l’intérieur d’un même programme. Une combinaison quad salchow/doucle boucle piquée, un joli triple axel.  Puis deux gamelles, et deux triples zappés. Où est passé ce talent brut qui ne demandait qu’à être façonné il y a quelques années ?  Pas la grande forme pour Nan Song non plus. La combinaison triple/triple en ouverture est impeccable. Hélas, c’est un quad/triple (boucles piquées) qui étaient prévus. 2ème quad placé à la place du triple lutz : retourné. Une camel spin pas belle, une séquence de pas pesante, deux pieds par ci, un déséquilibre par là. Le tout sur la très émouvante musique de Mission pendant que Song rate définitivement la sienne.

 

Pour Amodio, jamais les titres « Happy » et « la Vie en Rose » n’ont été aussi peu appropriés. Le programme est mal construit, le patineur est tendu, visiblement stressé. Par terre sur le premier quad, par terre sur le triple axel, épuisé à mi-parcours, des triples deviennent des doubles, le soutien du public n’y fera rien, il va boire le calice jusqu’à la lie et jusqu’à la fin. Ce qui devait être un retour en grâce après des Masters loupés et une sixième place à la Coupe de Chine se mue en calvaire. Lui faire prendre l’air, revoir sa préparation, lui offrir une vraie stabilité ? Il y a sûrement une solution et il est urgent de la trouver. Pas grand chose à dire de Han Yan dont le montage musical découpé à la tronçonneuse façon Hannibal (après tout c’est la BO du film…) ne sert pas vraiment le talent. Beaucoup d’erreurs que ne compense pas une jolie combinaison quadruple/triple boucle piquée.

 

Ces Messieurs seront beaucoup tombés, et le Japonais Yuzuru Hanyu, en Roméo sans sa Juliette, ne va pas échapper à la règle. J’ai été surprise par ses sauts, souvent sans amplitude, lui que je trouvais si léger et si tonique par le passé. Et où est passée la chorégraphie, point fort de son programme court ? Tout ceci ne l’empêchera pas de finir sur la deuxième marche du podium. Mais j’attends plus de lui que cette prestation en demi-teinte.

 

Si vous n’avez vu Patrick Chan qu’à la télé, vous avez tout raté. En live ? Extraordinaire. Il ne glisse pas, il vole. Son patinage est d’une finesse absolue. Il est né pour patiner, la glace est son élément, il l’apprivoise, comme il s’approprie la musique.  Tout a l’air facile, aérien. Parfait. Mais vraiment parfait. Seulement voilà, moi, la perfection m’ennuie assez vite. A force d’être lisse et serein et facile, il semble dépourvu de chair et d’émotion. Je ne peux pas faire autrement qu’admirer la prestation, elle vaut tous les superlatifs. C’est un moment inoubliable que de le voir ainsi tout exécuter sans fausse note, impeccable au cheveu près. Et du coup presque désincarné. Je salue le record de points historique, que je ne trouve pas usurpé, mais j’admire sans vibrer.

 

 

Il en va tout autrement de Jason Brown. Pour le côté subjectif, j’adore la musique irlandaise (j’adore aussi Vivaldi mais c’est justement parce que le grand compositeur italien me donne des frissons que je reproche à Chan de ne pas en faire autant). Ensuite j’adore cette spontanéité, ce plaisir de patiner qui émane de chacun de ses gestes.  Lui il vit et il vibre, c’est communicatif. La construction du programme, qui colle à la montée en puissance et en rythme de la musique, est tout simplement géniale. Et Jason tient l’accélération sans faiblir une seconde, ce qui est un exploit physique. A la fois explosif et contrôlé, doté d’une vraie personnalité, souple comme un chat, élégant, ses lames sont le prolongement naturel de son corps. Il a absolument tout pour devenir un très grand. Sauf  le quad. Mais ça viendra sûrement.

 

Résultats libre messieurs

RESULTATS MESSIEURS


par Kate ROYAN ©

Programme court couples 

 

Du bon, du très bon, du moins bon. On voit que certains programmes sont encore en rôdage. Pang/Tong à 1.62 points devant Duhamel /Radford avec des chutes pour tout le monde. Sur le triple boucle piqué pour Jian Tong, sur le triple lutz pour Meagan Duhamel. Sans faire injure à ceux qui les suivent et les précèdent, dès les premières notes de la Caliph d'Enio Morricone, on est dans une autre dimension. Si l'ensemble est un peu froid, l'aisance, elle, est indiscutable. Chez les Canadiens, sur une musique composée par Eric Radford lui-même, Meagan semble seulement accompagner son partenaire qui lui, vit à fond son programme. Je suis déçue par les Russes Bazarova/Larionov, sur un thème festif qui ne convient pas du tout à leur naturelle sobriété (d'aucun diront froideur), excellents patineurs, pas très bons acteurs. Mention bien à James/Ciprès et à leur programme rythmé qui change des musiques très classiques entendues jusque là. Le patinage est un peu lent, sur la retenue, mais Morgan porte toujours un bandage au poignet et se doit sans doute d'être prudent. On retrouve la patte d'Oleg Vassiliev jusque dans les costumes de Della Monica/Guarise, mais pas (encore ?) la haute technicité du maître de Sarajevo 1984. Denney/Coughlin s'en sortent honorablement, bien qu'un peu écrasés par leur musique. Et le grand sourire de la demoiselle est assez déconcertant sur un passage de la Tosca pas vraiment réjouissant. 

 

Au tour de ces messieurs maintenant !

 

 

RESULTATS

PROTOCOLES


par Kate ROYAN ©

Programme court Messieurs

 

Les notes de Chan crèvent le plafond, on ne s'en étonnera pas. Non seulement on en a l'habitude mais il arrive parfois que ce soit mérité. Il bat,  aujourd'hui, un nouveau record. Justifié ? Je ne sais pas.  Mais son programme court est superbe. Je ne suis pas fan de Rachmaninov qui me mine le moral, ni du Canadien que je trouve formidable technicien mais artiste un brin surcoté. N'empêche qu'un programme comme ce court, ça a une sacrée gueule. Le maître absolu es-glisse, très en jambes et en musique, vitesse supersonique, c'est du grand Chan et du bon.

 

Mon coup de coeur, et c'est bien sûr très subjectif, va pourtant à Hanuy. Moins propre que le Canadien, moins appliqué aussi, le patinage du Japonais reflète fraîcheur et bonne humeur. Un bon showman, fin technicien, irrégulier hélas. Mais dans un bon jour comme aujourd'hui, on peut dire qu'il est "seulement" à 3,15 points du record de Chan. Bien sûr, le thème choisi est très différent, bien sûr Gary Moore et sa guitare invitent plus à se faire plaisir que le piano de Rachmaninov. Difficile de comparer. 

 

Très bonne prestation de Jason Brown, très expressif, qui semble, comme Hanuy, prendre beaucoup de plaisir sur la glace. Bien glissé, bien dansé, sur une très bonne construction de programme. Jason se démarque de ses compatriotes car il semble vivre ses programmes plutôt que seulement les jouer. Quand le quad salchow passe chez Amodio, il est beau. Là, il était atterri sur deux pieds. Dommage. Dommage que le triple axel, "by the book", ne puisse pas compenser. Un ralentissement trop visible sur la séquence de pas, un double lutz au lieu d'un triple sur la combinaison de sauts et les notes dégringolent. Mais les progrès depuis les Masters sont énormes. Et si quelqu'un peut interpréter la Cumparsita sur la glace sans tomber dans le classicisme et l'ennui c'est bien lui.

 

Je vais pudiquement passer sur le raté complet de Brezina, totalement aplati par une version musicale de Peer Gynt qui doit faire retourner Grieg dans sa tombe. Pas mieux pour Alexander Majorov. Quant à Nan Song, je l'ai hélas raté, faute de pouvoir être à la fois en salle de presse et dans la patinoire ! 

 

RESULTATS 

PROTOCOLES


par Kate Royan ©

Danse courte

 

Après Monko/Khalyavin chez qui on a du mal à retrouver la griffe du grand danseur qu'a été Zhulin, et un quickstep/foxtrot très classique mais sympathique des Canadiens Orford/Williams, on entre dans le vif du sujet avec Papadakis/Cizeron. A seulement 19 ans, Guillaume, déjà excellent en junior, est certainement l'un des meilleurs danseurs que la France ait connu. Prestence, élégance, excellente qualité de glisse, il a tout pour devenir un très grand. Gabriella, jusque là un peu en retrait, a énormément progressé. Beaucoup plus assurée, elle dégage une vraie personnalité sur la glace. Excellent débuts en senior avec un score de 58,10 points. Très rapides et solides, dans un bel esprit ballroom. Je ne suis pas très fan du dernier porté, trop complexe donc visuellement peu esthétique, mais on sait que l'acrobatie chiffre et ce sont les chiffres qui font avancer puis gagner.

 

En sport, comme partout, quand on n'avance pas, on stagne, puis on régresse. Coomes/Buckland, pourtant prometteurs les saisons passées, partent directement à reculons. Musique techno-urticante, lenteur, je n'ai aimé que leur porté rotationnel, acrobatique juste ce qu'il faut. Aucune faute pour Zhiganshina/Gazsi, sur une programme qui se veut amusant mais dont le bon goût est discutable. Leur expérience et leurs qualités techniques leur permettent de dépasser Papadakis/Cizeron, mais artistiquement et sur l'impresssion générale, pour moi il n'y a pas photo entre les deux couples. 

 

Vifs et légers, Ilinykh/katsapalov restent parmi mes grands favoris. Elle en faisait beaucoup trop, elle en fait à présent un peu moins. De jolie poupée elle est passée à très jolie femme, ce qui rend moins flagrant et donc plus supportable quand elle surjoue. Mais le talent de ces deux-là est indéniable. Deux vrais danseurs, deux vraies personnalités. Une bien meilleure prestation qu'à la coupe de Chine, et ils peuvent encore très largement s'améliorer d'ici Sochi.

 

Il faut être Nathalie Péchalat pour porter une robe cabaret rouge et noire et conserver sa classe ! Difficile de résumer mon impression de leur SD, sauf par : ça décoiffe. Les danses courtes, avec Péchalat/Bourzat, de toute façon, c'est toujours le cas. Mais là, c'est encore un cran au-dessus. Comment fait-on pour respirer en mimant les paroles des morceaux chantés ? Tout en fournissant un effort physique pareil ? Bel exercice, qui donne la mesure du plaisir qu'ils ont sur la glace. Le deuxième Finnstep, modifié depuis la Coupe de Chine, retrouve un niveau 4, plus conforme à leur qualité de patinage. 

 

Virtue/Moir, à 4,72 points devant les Français, pas sûre que l'écart soit totalement justifié. Force est néanmoins de reconnaître qu'ils sont exceptionnels de virtuosité. Leur danse courte est taillée sur mesure, chaque mouvement millimétré, ciselé. Formidable légèreté, tout coule sans le moindre effort apparent. Lui est absolument génial, expressif, avec la musique dans la peau et une aisance époustouflante. Elle, enfin moins glacée, est quasiment sublime. On ne voit pas qui pourrait les battre cette année, sauf erreur majeure de leur part et ce n'est pas dans leurs habitudes.Les quatre premiers couples battent leur 

"season best" sur cette danse courte. De bons moments en perspectives pour la danse libre demain !

 

RESULTATS 

PROTOCOLES