Trophée de France - Danse Libre

© Myriam Cawston - S.I.G.
© Myriam Cawston - S.I.G.

Que n'a-t-on pas encore dit sur Papadakis/Cizeron ? Quel superlatif n'a-t-on pas utilisé ? 

 

Je connaissais déjà Olafur Arnalds - musicien islandais auteur des musiques de la série britannique "Broadchurch" -, et son morceau "Happiness does not Wait", qui clotûre la danse libre des Français. En effet,  le bonheur n'attend pas et dès qu'ils entrent sur la glace pour le warm-up, on accède à une autre dimension. Mais Papadakis/Cizeron m'auront fait découvrir Aldo Lopez-Gavilan, pianiste et compositeur cubain qualifié par The Times de "formidable virtuose". Oddudua ? C'est le titre du morceau majeur choisi pour cette FD,  ainsi qu'un roi, devenu Dieu du peuple africain Yoruba. Oddudua symbolise la toute-puissance, l'aptitude à modifier et à reconstruire, à volonté,  la réalité physique. Son nom signifie l'essence de la réalité, ou le réservoir de l'existence. Tout-puissants, pour l'instant, Gabriella et Guillaume le sont. Ils devancent les Américains Hubbell/Donohue de près de 19 points au classement général. Quant à leur aptitude à se renouveler, à créer chaque année sur la glace un nouveau joyau, elle est incontournable. La danse sur glace est déjà marquée à jamais de leur empreinte. Je parlais, lors des Masters, d'une musique non-mélodique et la mélodie, ce sont eux qui la créent,  avec leurs gestes, leurs attitudes, leur incroyable fluidité, leur inimitable aptitude à masquer les difficultés. 115.24 points sur la FD, c'est un score très élevé, peut-être trop, le "star factor" est passé par là, comme pour tous les champions de ces dernières années. Mais comment ne pas les classer loin devant leur concurrents ? Quand je pense que je craignais que ce programme ne parle pas à tout le monde... La réaction du public de Bercy a été éloquente. lls remportent cet ex-Trophée Bompard devenu Trophée de France haut la main, avec un score total de 193.50 points. J'attends avec impatience de les voir directement confrontés au Canadiens Virtue/Moir, de retour sur le circuit.

 

Si Hubbel/Donohue ont énormément progressé depuis deux saisons, leur danse libre de cette année,  sur des musiques d'Ingrid Michaelson et Bootstrap, même si elle est très bien construite, a pour moi un goût un peu trop sucré. Il est très danseur, elle est plus athlétique,  tout en restant gracieuse. Mais je les vois dans un registre plus joué que ressenti,  là où on veut me vendre une réelle authenticité.  J'apprécie l'ensemble, j'admire la technique, mais je ne suis ni émue,  ni conquise. Leurs skating skills sont excellents, le programme est très bien patiné (à l'exception d'une toute petite erreur sur les twizzles) et ils décrochent leur Season Best avec 107.81, ainsi que la deuxième place du général avec 174.58 pts.

 

Les Canadiens Gilles/Poirier, qui n'étaient que 4èmes après la danse courte, remontent d'une place (106.04) et sont également troisièmes du général, i.e.  médaillés d'argent. Leur Tango Argentin ("Con Buena Onda") est intelligemment construit pour exploiter au maximum leurs qualités. Le tout est dansant, enlevé, et souligné par de très beaux costumes, mais peut-être pas assez "caliente" comparé au véritable esprit de cette danse. Qu'ils soient battus sur les PCS (de même que Hubbell/Donohue) par les Russes Ilinykh/Zhiganshin me laisse pantoise. Score final de 170.78 pour une danse libre très bien exécutée, sans temps mort, et truffée de difficultés de bout en bout.

 

Si on a retrouvé Elena Ilinykh lors de la danse courte, la voilà qui nous file de nouveau entre les doigts. J'espérais mieux d'elle et de son partenaire au lendemain de cette SD très réussie. Les Russes n'ont pas l'air convaincus par leur thème Bollywood sur les B.O. de "Slumdog Millionaire" et "Ram-Leela". Des costumes trop chargés, des erreurs sur les twizzles pour les deux patineurs, une vitesse moindre comparée à la veille, des mimiques exagérées et parfois à contre-temps,  gâchent l'impression d'ensemble. Une lourde chute de la jeune femme sur un banal pas de liaison et un porté en courbe trop long,  leur valent deux déductions. Très généreusement notés sur les PCS (les plus élevés de la compétition après ceux de Papadakis/Cizeron...), Ilinykh/Zhiganshin prennent la 4ème place de la danse libre (98.68) et du classement général (167.40). 

 

C'est un très bon classement qu'une 5ème place pour les Israëliens Isabella Tobias et Ilia Tkachenko. Le Pas de Deux du "Casse-Noisette" de Tchaïkovsky, ultra-classique,  est peu adapté à leur patinage. Ilia est trop sautillant pour un Prince, Isabella trop tonique pour une Fée Dragée,  et leurs portés sont trop athlétiques pour un thème, l'adage,  qui demande amplitude des gestes et émotion romantique. A leur actif, ils ont la vitesse d'exécution et une bonne aisance sur la glace, mais leurs séquences de pas ne seront que de niveau 1 et 2. Leur score pour la danse courte est de 95.16 et de 156.86 pts au total général.

 

Marie-Jade Lauriault et Romain Le Gac sont 6èmes (92, 70 avec 1 déduction pour porté trop long - total 150.07) ce qui signe un excellent début en Grand Prix pour des danseurs encore Juniors l'an dernier. Leur danse libre sur un medley de chansons d'Elton John est agréable à regarder bien qu'un peu générique. J'espère de ces deux excellents patineurs aussi toniques que pétillants, plus d'originalité dans le futur. 

 

La 7ème place de la danse libre et du classement général revient aux Ukrainiens Alexandra Nazarova et Maxim Nikitin. Sur des extraits de la B.O. de "Micmacs" par Raphaël Beau (dont un emprunté à un programme de Nathalie Péchalat et Fabian Bourzat, Fabian étant leur chorégraphe), leur danse offre une large palette de thèmes et d'idées. La performance est de bon présage pour le futur même si le patinage est encore assez lent et un peu scolaire. 145.39 pts au total, 88.78 pour la SD, ce qui est assez bas.

 

Les Tchèques Cortney Mansour et Michal Ceska, sur la bande Originale du Parrain, terminent 8èmes avec 85.23 pts et 140.92 au total général. De jolies choses dans leur programme, les carres et la glisse sont bonnes mais il manque une bonne dose de liant entre les éléments. Ils ne patinent ensemble que depuis deux ans et ne peuvent que s'améliorer.

 

Le troisième couple français, Lorenza Alessandrini et Pierre Souquet, patinent sur deux morceaux de Max Richter : "The Trees" et "Summer" - ce dernier étant une reprise des Quatre Saisons de Vivaldi -; et sur un extrait de la bande son de "Love Actually". Leur porté rotationnel est,  pour moi,  le moment fort du programme, en tout cas le plus esthétique et réussi,  dans un patinage de bon niveau. L'interprétation de Pierre est sobre quand celle de Lorenza est un brin outrée mais le couple est équilibré et fait preuve d'une vraie maturité. Ils sont avant-derniers mais remportent leur Season Best avec 81.94 dans cette FD et 120.12 pts au total.

 

Les Biélorusses Viktoria Kavaliova et Yurii Bieliaïev ferment ce classement avec 68.23 pts et 115.04 au général, ce qui est un score faible mais logique au vu de leur prestation. Pas moins de quatre morceaux par deux auteurs différents, Daniel Pemberton et Nina Simone, composent une danse libre qui manque cruellement de chorégraphie. Mais les jeunes gens mettent visiblement du coeur à ce qu'ils font et leurs efforts n'en sont que plus louables. Ils ont la chance de participer à deux Grand Prix cette saison. 

 

Sur place : Kate Royan