La dernière compétition de ce Grand Prix nous aura offert son lot de musiques "cheesy". Expression venue des U.S.A. où les fromages (cheese) n'ont aucune saveur, et qui signifie fade, mièvre. Pourtant farouchement opposée au retour des Russes sur le circuit pour raison de dopage étatisé et d'invasion de l'Ukraine, une fois l'attrait de la nouveauté des autres couples mondiaux passé, j'avoue rester sur ma faim techniquement parlant en l'absence des ténors de la spécialité. Malgré ces deux points négatifs, j'ai tout de même vu de très jolis programmes.
A commencer par celui des vainqueurs, Lia Pereira et Trennt Michaud. Je grogne quand même en entendant les premières notes de la B.O. de Gladiator, devenue un classique éculé. Il faut être Kevin Aymoz pour dépoussiérer ce thème dont tant de patineurs ont usé et abusé. A force d'entendre "Now We Are Free", je connais les paroles par coeur, sans avoir la moindre idée de ce qu'elles signifient : mélange de latin, hébreu, et d'une langue inventée par la chanteuse Lisa Gerrard pour "parler à Dieu". Tout un programme. Or, celui des Canadiens est finalement très réussi. Il manque de l'expression, de la sensibilité, mais les patineurs sont bien en carres, le rythme est rapide, la chorégraphie soignée. Lia chute dans la combinaison de sauts et Trennt trébuche à la réception du triple Salchow parallèle. Les notes du porté groupe 3 (niveau 4) varient de -1 à +3, ce qui a le mérite d'être original. Mais le reste des éléments est correctement, voire très bien exécuté. Ils remportent logiquement le libre (128.70) et leur premier Grand Prix (194.67).
Je reconnais deux qualités aux Italiens Sara Conti et Niccolo Macci : ils patinent avec tout leur coeur et ils ont de très belles lignes. Mais pourquoi choisissent ils toujours des musiques aussi vieillottes ? Mais ils prennent visiblement du plaisir à les patiner. Nous voici donc avec "Cinema Paradisio". D'accord, cela aurait pu être pire ! Côté expressivité ils sont très supérieurs aux Canadiens. Côté technique, ils le sont sans doute aussi à la base, mais ils vont, à leur tour, commettre des erreurs. Niccolo retourne un des doubles Axel de leur combinaison, puis Sara retourne la réception du triple Salchow lancé. Il n'y aura pas d'autre problème notable mais les grades d'exécution restent moyens, tandis que leurs composantes sont 10 dixièmes plus haut que celles des vainqueurs. Total du libre : 124.15 (season best). Total général : 189.46, et une médaille d'argent. La Bergamasque et le Milanais ont, à mon avis, un potentiel supérieur à celui de leurs aînés Della Monica/Guarise ou Marchei/Hotarek. Mais il leur faudra sans doute un peu de temps (et des thèmes moins ringards) pour l'exploiter à sa juste valeur.
Je croise le couple Kovalev dans un couloir une demi-heure avant le début de la compétition, et Camille me semble nerveuse et crispée, tandis que son mari est aussi impassible que d'habitude. Dès les six minutes d'échauffement, tout le monde est concentré, mais beaucoup plus détendu. Ce libre sur le thème de James Bond, est clairement celui qu'il fallait aux très bons patineurs qu'ils sont devenus. Timing parfait. En James Bond's girl, la très réservée Camille se montre épanouie et sexy. Pavel, espion qui venait du froid, est tout aussi crédible. Leur triple twist lancé est de niveau 4, mais, heurté en réception, se voit gratifié de quelques grades à 0 et d'un négatif. Camille atterrit le triple flip lancé sur deux pieds mais ne se démonte pas. Le triple Salchow lancé est réceptionné sur l'avant de la lame, ce qui empêche l'effet de glisse, mais il est tenu. Ils obtiennent de bonnes composantes et un total de 113.84 points. Ils sont médaillés en Grand Prix pour la seconde fois de leur carrière, en bronze cette année avec un score total de 127.88.
Sur le "Top Gun" de Plazas/Fernandez, pardon, mais je m'ennuie ferme. Le programme n'est pas à proprement parler mauvais, il est simplement sans aucun relief. Ils ont tout de même des portés spectaculaires qui tendent à réveiller l'ensemble. L'une, l'autre, ou les deux, retournent successivement triple Salchow parallèle, triple flip lancé, triple boucle lancé. Avec cinq éléments de niveau 4 sur 11, et des composantes tout à fait correctes, ils auraient pourtant dû réaliser un meilleur score. 109.74 les maintiennent au 4ème rang du libre, pour une même place au final (168.20), ce qui est finalement un très bon résultat.
La bonne affaire du jour va aux Français Océane Piegad et Denys Strekalin, 5èmes du libre en passant la barre des 100 points (100,98) et 5èmes au général (153.81). Océane a décidément eu raison de passer de l'individuel au couple. Elle est sans peur, solide comme un petit soldat, et très déterminée. "Hyper déter" comme diraient les ados et les jeunes adultes. Et aussi gracieuse que fiable. Denys, fidèle à lui-même, est un formidable porteur à la glisse nette et assurée. Il y a encore des erreurs qui coûtent cher dans ce programme sur les subtiles "Silhouette" de Aquilo et "Blancs Nuages" d'Einaudi, musiques très adaptées à leur style romantique, sans pour autant être édulcoré. Triple Salchow parallèle désynchronisé et en sous rotation, chute sur le saut lancé. Mais c'est le métier qui rentre et Océane a été si souvent blessée... Ce petit bout de femme est dotée d'une volonté incroyable ! Derrière eux, Anna Valesi et Manuel Piazza (96.62), dont j'aime beaucoup les deux versions de "Chasing Cars", l'une par Sleeping at Last et l'autre par Fleurie, ont de très bonnes bases de patinage, mais une avalanche d'erreurs va faire dégringoler leurs notes. Ils sont pourtant plus à l'aise que lors du programme court. Ca ne suffira pas, l'aspect technique prenant du plomb dans l'aile d'entrée. Triple Salchow parallèle chahuté et en sous rotation, chute au milieu de la séquence de sauts, porté qui monte péniblement et retombe comme un soufflé, les deux sauts lancés retournés en réception. Les GOEs prennent une sérieuse claque et les Italiens se seront que 6èmes au final (150.57). Avec trois chutes, donc trois déductions, et de nombreuses autres erreurs, Oxana Vouillamoz et Flavien Giniaux sont 7èmes : 90.01 pour le libre, et 141.57 au total. "Valhalla Calling" de Miracle of Sound est un choix musical que je vois, encore une fois, comme très Bruno Massot-esque, mais il leur va très bien. Ces deux jeunes gens, fort bien encadrés avec l'addition à leur team de Gaylord Lavoisier, ont, de toute façon, un très fort potentiel qui saura certainement être mis à profit.
A noter le forfait des Américains Kam/O'Shea, suite à une chute d'Ellie à la fin de l'entraînement, sa tête ayant heurté la glace.
Kate Royan - Skate Info Glace