@ Rumi Hirakiuchi

Quelques surprises, dans la danse rythmique de vendredi, avec un couple qui plonge au classement alors qu'on l'attendait (peut-être) en lice pour une médaille. Il ne remontera pas au classement lors de la danse libre. Une compétition à rapidement oublier pour eux !

Madison Chock et Evan Bates prennent, sans surprise, l'avantage dans la danse rythmique, avec une avance de plus de trois points (89.15). Je n'arrive toujours pas à me faire au montage musical chaotique des trois morceaux de Queen utilisés. Freddy Mercury doit se retourner dans sa tombe assez souvent pour être au ras du quad Axel. Mais la qualité technique de cette RD est brillante, tout comme l'interprétation. La médiane de Madison n'est que de niveau 3 contre 4 pour Evan, cependant TES comme GOEs sont élevés à juste titre : une majorité de +4 pour les premiers, et dix fois 9.75 pour les seconds, on est sur du très haut niveau. Au contraire de celui de leur danse rythmique, le montage musical de leur libre sur un medley de Pink Floyd est parfait. Le thème sur le temps, inspiré de "La Persistance de la Mémoire" de Dali (et sa célèbre "montre molle") est très bien interprété. Les Américains sont moins rapides que leurs concurrents directs, mais leur finesse de glisse est remarquable et la difficulté dans les enchaînements des éléments l'est tout autant. Mention spéciale à leur position de départ, intenable musculairement parlant pour le commun des mortels ! La séquence de pas chorégraphique a été modifiée depuis le début de la saison, pour devenir encore plus complexe, tout en conservant sa légèreté. Si les twizzles, trois séries à des vitesses différentes, sont de niveau 4, d'autres éléments peuvent encore être améliorés : séquence sur un pied et diagonale de niveau 3 pour les deux partenaires. Ceci n'empêche pas le couple de remporter le libre (132.46) et une très belle médaille d'or (221.61), Madison et Evan prenant ainsi leur revanche sur les Canadiens Gilles/Poirier qui les avaient battus l'an dernier. 

@ Rumi Hirakiuchi

Charlène Guignard et Marco Fabbri sont seconds ce vendredi, avec une RD qui s'est encore affinée (85.82). Ils sont sans doute, à ce jour, les meilleurs techniciens du circuit. Sur des chansons de Bonnie Tyler et Phil Collins, aussi difficile que soit leur programme, truffé d'originalités chorégraphiques, ils s'amusent sur la glace. Il est vrai que le disco engendre rarement la mélancolie, surtout lorsqu'il est représenté au deuxième degré. Je ne suis pas certaine que l'écart de points avec Chock/Bates soit mérité, en particulier sur les composantes. Ils obtiennent des niveaux 3 sur le pattern et la médiane, et tous les deux un niveau 4 pour leurs twizzles. Leur libre est monté sur quatre bandes originales de films différentes : "Emily" d'Abel Korzeniowski, "Flamingos" de Cinematic Orchestra, ""The Theory of Everything" de Johan Johansson, et "The Dresmaker" de David Hirschfelder. Mais le tout est sans rupture de rythme. De minuscules accrocs vont faire baisser certains niveau, 3 sur la circulaire et 2 sur la séquence sur un pied pour Marco. L'écart sur les composantes est cette fois très réduit, moins d'un point de moins que le couple américain. Ils conservent leur deuxième place (129.69), et remportent l'argent (215.51). 

@ Rumi Hirakiuchi

Piper Gilles et Paul Poirier patinent leur RD sur "No More I Love Yous" de The Lover Speaks et "Addicted to Love" de Robert Palmer. L'exécution de la première partie est un peu lente par rapport au rythme de la musique, mais la seconde est menée tambour battant. C'est aujourd'hui leur première confrontation directe avec Chock/Bates et elle ne tournera pas à leur avantage, ce qui est somme toute logique compte tenu de leur différence de niveau technique. Pas qu'il soit mauvais, loin de là ! Mais Paul, en léger déséquilibre, n'obtient qu'un niveau 2 pour sa médiane. Leurs composantes sont de 0.03 points supérieures à celles des Italiens. Une paille ! Ils sont 3èmes avec un total provisoire de 85.17, soit dans le même point que Charlène et Marco. Ce qui promet un joli duel pour le lendemain. L'écart va rester minime, mais tourne quand même en faveur des Italiens. "Les Hauts du Hurlevent" qu'ont choisi les Canadiens pour leur danse libre est un thème sombre et dramatique. Je trouve leur interprétation trop mièvre, et leurs costumes d'un coloris trop clair. Bien sûr, l'oeuvre d'Emily Brontë est romantique, mais elle est aussi cruelle et violente, dimension qui manque au programme. Séquence sur un pied de niveau 3 pour les deux patineurs, twizzles de niveau 4, diagonale de niveau 3 pour elle, 2 pour lui. Je tire mon chapeau à Piper qui a récemment vaincu un cancer des ovaires. Revenir à ce niveau après une maladie aussi grave est exceptionnel. Le couple canadien reste troisième (128.41/213.58) et empoche la médaille de bronze. 

Tout est intelligemment fait dans les programmes de Fear/Gibson pour masquer les faiblesses de Lilah, ses carres à plat en particulier. Et ça marche puisque les notes restent élevées malgré ce défaut de base plutôt rédhibitoire. Les Britanniques ont un avantage certain : ils savent mettre le public de leur côté, avec des danses toujours très rythmées et une interprétation généreuse qui nous embarque littéralement dans leur monde. Mais à la longue... j'ai l'impression de les voir patiner tous les ans la même chose. Pas de massacre à la tronçonneuse pour leur montage musical de RD sur deux morceaux d'Eurythmics, "Sweet Dreams" et "Here Comes the Rain Again". Le passage lent est très glissé, très fluide et par conséquent très joli. Mais Lilah pose les deux pieds sur la série de twizzles, ce qui vaut au couple une ligne de GOEs négatifs, assorti d'un niveau nul pour elle, contre 3 pour Lewis : gros manque à gagner, d'autant plus que l'erreur survient en tout début de programme, ce qui est facteur de stress. 76.24 les positionnent au 4ème rang de la RD, avec la deuxième note de composantes derrière Chock/Bates, ce qui est un brin ridicule. Leur libre sur "Rocky" est punchy comme il se doit, mais, encore une fois, il n'y a là aucune originalité pour ce couple plus "spectacle" que pure compétition. Tout est toujours très agréable à regarder, mais, aussi enthousiastes et attachants qu'ils soient, je commence à ne plus marcher dans la combine. Les niveaux sont bons, 4 pour les portés et les twizzles, 3 pour la séquence sur un pied de Lilah, 4 pour Lewis ; 3 sur la diagonale pour tous les deux. Ils restent 4èmes au classement général (126.03/202.27). 

Les grands perdants de cette Finale sont Laurence Fournier-Beaudry et Nikolaj Sörensen. On les espérait sur le podium et ils terminent 5èmes de la compétition (74.82/120.75/195.57). Si leur RD sur "Top Gun" est une vraie réussite, sauf lorsqu'ils commettent des erreurs comme aujourd'hui, leur FD sur "Notre Dame de Paris" m'a déjà perdue en route cette saison. Aussi bien patinée qu'elle puisse être (et ce n'est pas le cas ici), le thème me paraît trop bateau pour des danseurs de cette qualité. Vendredi, une perte d'équilibre de Nikolaj sur les twizzles, heurtant sa partenaire, leur coûte très cher avec des GOEs négatifs, un niveau 1 pour lui et un "S" pour rupture de contact. Des composantes basses n'aident pas à relever le total. La danse libre aurait pu les aider à remonter au classement, mais les niveaux posent problème : 3 pour la deuxième partie du combiné de portés, 3 et 2 pour la diagonale, 3 pour les twizzles de Nikolaj. 

Trois petits dixièmes séparent le TES de Laurence et Nikolaj de celui de leurs compatriotes Marjorie Lajoie et Zachary Lagha, champions du monde juniors en 2019. Le couple, sixième des deux segments de la compétition et du classement général (74.74/118.89/193.63) est jeune, volontaire, bourré de talent et promis à un très bel avenir. Ils se montrent éclectiques avec une RD très bien construite sur "Thriller" de Michaël Jackson et une danse libre aux lignes épurées très douce sur "Roses" du pianiste québécois Jean-Michel Blais. Les notes de la RD restent assez basses, de même que les niveaux (twizzles désynchronisés, médiane niveau 2 pour Marjorie) et c'est dommage car le couple peut faire mieux. Tout va mieux lors de la danse libre et le jeune couple se rapproche significativement de leurs aînés et camarades d'entraînement, "Lolo" et "Nik". Le chorégraphie colle parfaitement à la montée en puissance de la musique, le programme est beau et plein d'émotion. 2èmes lors du Skate America et du récent Grand Prix de Chine, Marjorie et Zachary sont parmi les danseurs à surveiller de près. 

Kate Royan - Skate Info Glace