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Comme chez leurs aînés, les années 80 servent de thème à la danse rythmique de cette saison. Les juniors français nous dispensent, heureusement,  des costumes néon-fluos en vogue à l'époque et prisés par certains de leurs adversaires dans les récents Challengers et Grand Prix. Pas d'ophtalmie des glaces pour le public, merci à eux. Autre point positif : les gens de ma génération n'ont aucun mal à identifier les musiques choisies ! 

Célina Fradji et Jean-Hans Fourneaux, du club de Villard de Lans, prennent l'avantage dès jeudi avec un score de 63,75 points. Leur Rhythm Dance sur "Still Loving You" de Scorpions et "Back in Black" d'AC/DC est très bien construite, le tempo lent de la première musique les démarquant nettement de leurs concurrents. A part quelques soucis pour Célina sur les twizzles, les notes sont globalement positives, les patineurs font preuve d'une belle aisance  et le couple prend une option sérieuse sur la victoire. Tout aussi à l'aise mais moins techniques, les Lyonnais Ambre Perrier-Gianesini et Samuel Blanc-Klaperman, se classent second avec 59.14. Ils évoluent au son de "I need You" et "I'm so Excited" des Pointer Sisters, deux morceaux sans temps mort. Les deux jeunes gens manque clairement d'unisson, mais le rythme est soutenu avec une apparente facilité. Camarades d'entraînement de Fradji/Fourneaux, Eva Bernard et Amedeo Bonetto patinent sur "Dirty Diana" et "Thriller" de Mickaël Jackson. Villard de Lans n'étant jamais où on l'attend, les musiques choisies pour la RD de cette saison sont plutôt "classiques disco" mais toujours exploitées à la note près. 53.69 leur permet d'accéder à la troisième place provisoire. 

Dania Mouaden et Théo Bigot, les Chalonnais, sont une des révélations de ces Masters et pour moi un vrai coup de coeur. Nettement plus jeunes que leurs adversaires du dernier groupe, avec une excellente glisse et une surprenante maturité, ils loupent le podium provisoire de peu avec 51.75 points et de meilleurs composantes que les Lyonnais. La bataille pour la troisième marche du podium s'annonce rude ! "Last Night a D.J. saved My Life" de Indeep, "Wot" de Cap'tain Sensible, et "Walk like an Egyptian" des Bangles : là non plus pas de temps mort. Comme pour leurs adversaires, ce sont les twizzles qui leur font perdre quelques points.

Villard de Lans retrouve sa grande tradition d'originalité musicale dans la danse libre avec deux morceaux inédits pour Fradji/Fourneaux : "Partida" et "Porto Dio" de Rascasuelos, spécialistes des Tangos Vivos, mélange d'Astor Piazzolla et d'Osvaldo Pugliese. La gestuelle vertamicorienne s'est arrondie, adoucie, et les patineurs sont convaincus et convaincants. Les portés sont assurés, les lignes fluides, ils ont beaucoup de personnalité et tout pour devenir d'excellents seniors. Leur séquence chorégraphique est néanmoins invalidée par tout le jury. Ce qui ne les empêche pas de remporter ces Masters haut la main avec une danse libre notée 95.12 et un total de 153.87.

Barbara Piton a concocté un petit bijou de danse libre à Mouaden/Bigot sur deux musiques qui, à priori, n'ont rien à voir l'une avec l'autre, mais qui, en fait, se complètent parfaitement : "Baïana" de Barbatuques, groupe brésilien de percussions corporelles, et "On the Run" de Yello, groupe suisse de musique électronique célèbre dans les années 80 et 90. Dania et Théo sont parfaitement dans le rythme, très souples, très fluides. L'accélération de fin de programme est spectaculaire. Ils terminent seconds de la danse libre (85.20) et remportent une médaille de bronze méritée avec un total de 138.86. 

Perrier-Gianesini/Blanc-Klaperman repartent avec l'argent (141.34) après une prestation moins marquante qu'hier, sur un thème mélancolique : "Oracle" de Berlinist. Une chute d'Ambre au beau milieu de la circulaire,  et la ligne de grades d'éxécution négatifs qui en résulte,  les envoient au 4ème rang de la danse libre (82.20) mais ils sauvent la seconde marche du podium grâce à leur avance de près de 6 points dans la danse rythmique. Ce sont Louise Duprat et Tahory Taddei-Dugue, de Vitry, qui terminent 3èmes du libre (84.16). Sur un très bon montage de deux chansons de Barbara Pravi (2ème au concours Eurovision en 2021) : "Prière pour l'Espoir" et "Lève-toi", le jeune couple présente un très bon programme, l'un de mes favoris de la journée. Ils sont quatrièmes du classement final (135,91) devant les Villardiens Bernard/Bonetto, en délicatesse avec leurs twizzles. 

A noter : onze couples juniors se sont affrontés dans cette compétition d'un très bon niveau. La relève de la danse sur glace française semble assurée. 

Lou Terreaux et Noé Perron ont quitté Villard de Lans pour retourner dans leur ville natale, Belfort. Pas sûr qu'ils gagnent au change pour l'instant ou est-ce la blessure de Lou (qui porte une collier cervical hors glace) qui les handicape ? Je trouve qu'ils ont perdu le feu qui les animait il y a quelques années et leur permettait de talonner les meilleurs éléments du club. Nous voici en plein disco avec "What a Feeling" d'Irene Cara et "Maniac" de Michaël Sembello. Flashdance n'a pas trop mal vieilli. Les Belfortins se perdent néanmoins en route et terminent bons derniers avec des GOEs qui plafonnent à 2 (et une majorité de 1), des composantes qui ne montent guère plus haut, et un total de 59.53.

On entre dans un tout autre univers avec leurs anciens partenaires d'entraînement Marie Dupayage et Thomas Nabais. Aerosmith ! Il fallait oser ! Ce n'est pas moi qui m'en plaindrait,  Steven Tyler et ses camarades étant mon groupe favori de tous les temps. "Saint John" et "Cry me a River" se démarquent royalement du disco classique et des slows très "cheesy" des années 80. La fin du programme dépote vraiment, même si les patineurs sont en manque de vitesse et d'expression. Pas encore rôdés ? Ils obtiennent de meilleurs grades d'exécution que Demougeot/Lemercier qui passeront quelques minutes après eux, mais ce sont les composantes qui pêchent un peu. Un total de 71.58 les classe 3èmes. 

Natacha Lagouge et Arnaud Caffa ont choisi trois chansons de Bon Jovi : "You Give Love a Bad Name", "Let's Make it Baby" et "King of the Mountain". Le répertoire du groupe américain comportait des morceaux sans doute plus faciles à patiner et le changement entre les deux premiers morceaux est abrupt. Mais Natacha et Arnaud ont la musique et le rythme dans la peau. Leur joie de patiner fait plaisir à voir. Ils perdent des points sur la séquence rythmique finale et leur score est de 61.82 pour une 4ème place. 

Loïcia Demougeot et Théo Le Mercier ne semblent pas aussi à l'aise que d'habitude sur deux partitions musicales qui ont du mal à se marier : "Apache (Jump on It") du Sugarhill Gang et "Why Can't We live Together" de Sade. Leur objectif est de se rapprocher de Lopareva/Brissaud en terme de points, or ils vont plutôt s'en éloigner avec des niveaux 1 sur la séquence de pas et la séquence rythmique. Surprenant pour des danseurs de ce niveau. Ils sont seconds avec 72.66 points.

Evgeniia Lopareva et Geoffrey Brissaud ont l'une des danses rythmiques les plus originales de cette saison : "Sans Contrefaçon" de Mylène Farmer. Le programme est d'une cohérence exemplaire, avec une chorégraphie millimétrée et une interprétation soignée. On a dû beaucoup visionner le clip de la chanson du côté de Montréal. Emigré au Canada depuis maintenant un an, le couple ne cesse de progresser. Ils sont tous deux très en forme pour ce début de saison et leur récente deuxième place à l'Autumn Classic les a visiblement mis en confiance. Si leurs twizzles et leur porté sur place sont de niveau 4, leur médiane, de niveau 2, reste à améliorer. Mais les deux jeunes gens, dorénavant chefs de file de la danse sur glace française, sont sur une trajectoire ascendante et très motivés. 

Nous retrouvons tout ce beau monde pour la danse libre dès le lendemain. Demougeot/Le Mercier déclarent forfait, Loïcia étant gênée depuis plusieurs semaines par une contracture au dos, ce qui explique leur manque d'aisance la veille. Le thème choisi par Terreaux/Perron est nettement moins enjoué que leur RD : "Solitude" de Sofiane Pamart et "Je suis Malade", interprété par Dalida. Lou surjoue un peu dans le registre dramatique, éclipsant un partenaire plus sobre et meilleur technicien. 97,37 ajoutés aux points d'hier leur offrent un total de 156.90 et la 4ème place finale. 

Sur "River" de Bishop Briggs, Lagouge/Caffa sont plus éloquents que sur leur RD. Le style musical leur va comme un gant et la seconde partie du programme sur "Best Part" de H.E.R. est toute en douceur et très bien dansée. Certains niveaux restent à améliorer : diagonale, pirouette, porté et twizzles chorégraphiques, séquence sur un pied. Mais l'ensemble est très agréable à regarder, Natacha et Arnaud se donnant à fond dans leur programme. Ils gagnent une jolie médaille de bronze (165 au finish),  après s'être classés 3èmes de ce libre (103.18).

Dupayage/Nabais ne cessent de m'enchanter ! Dans des costumes noirs, modèles de sobriété, Marie et Thomas savent la seconde place à leur portée. Leur danse libre est bâtie de manière très originale avec une musique lente (la Sonate pour deux Pianos en Ré Majeur de Mozart interprétée par un duo légendaire : Murray Perahia et Radu Lupu) en deuxième partie, ce qui souligne leur grâce et leur sensibilité. La première, sur le piano et les violons de "Mechanisms" par le Moscovite Kirill Richter, est toute aussi subtile. Avec 5 niveaux 4 sur les dix éléments, ils obtiennent un score de 107.55, grevé d'un point pour dépassement de temps, et une très belle médaille d'argent (179.13).

Virage à 180° pour Lopareva/Brissaud qui patinent leur danse libre sur trois morceaux de Rachmaninov. Définitivement à l'aise dans tous les registres, capable de choix éclectiques, le couple assoit aujourd'hui sa réputation de sérieux et de créativité. Chorégraphié par Guillaume Cizeron, le programme est ambitieux, difficile, et magistralement exécuté. Geoffrey, qui s'est blessé aux ligaments du genou pendant l'entraînement, n'est peut-être pas aussi confiant que sa partenaire, mais leur prestation est de très grande qualité. Certains niveaux me semblent un peu bas (saut chorégraphique assisté, séquence de pas et porté chorégraphiques), mais je ne suis pas encore familière de la nouvelle réglementation. Le patinage des Lyonnais est puissant, mais aussi très fluide. Leur couverture de glace est remarquable. Ils remportent très logiquement ces Masters avec un libre à 116.42 points et un total général de 197.56. Les voici tout proches de la barre fatidique des 200. Il y a gros à parier qu'ils la franchiront cette année. 

Par Kate Royan - S.I.G.