Nous avons échangé avec Patrick Chan, triple champion du monde et médaillé d'argent olympique, au sujet de sa vie après sa retraite sportive. De la paternité à ses réflexions sur la nouvelle génération, Patrick Chan nous donne un aperçu de son univers.
Solène : Comment allez-vous ?
Patrick : Je suis bien occupé ; ma vie a complètement changé. Je suis maintenant père d'un fils de deux ans, Oliver, et je travaille également en dehors du patinage. C'est un grand changement par rapport à ma vie antérieure, mais c'est aussi très stimulant, et je suis enthousiaste à l'idée de ce que l'avenir me réserve.
Solène : Votre fils patine-t-il ?
Patrick : Il a d'abord commencé à patiner dans le salon (rires). Nous mettons de la musique, et il patine sur le parquet. Nous avons ensuite trouvé des patins et l'emmenons désormais à la patinoire. Lorsque ma femme Liz (NB : Elizabeth Putnam, ancienne patineuse canadienne en couple artistique) est sur la glace avec ses élèves, j'emmène parfois Oliver patiner pour 10 ou 15 minutes. Il y a des jours où il adore ça, et d'autres où il déteste être sur la glace. Mais c'est tellement amusant à observer, et il commence à regarder les vidéos de mes programmes. Si l'on m'avait dit il y a dix ans que j'aurais un fils qui me regarderait à la télévision, j'aurais eu du mal à le croire. Mais il adore ça, et il pointe du doigt l'écran en disant "Papa !". Il aime la musique et se donner en spectacle. Il n'est pas timide. Il tient cela plus de Liz que de moi.
Solène : Quels ont été vos projets professionnels depuis votre retraite sportive ?
Patrick : Après la pandémie, je me suis lancé dans l'immobilier. C'est un secteur difficile et actuellement, avec les taux d'intérêt élevés, cela a ralenti. Étant donné la nature fluctuante du marché, j'ai récemment changé de cap et pris un nouveau poste dans le secteur des services financiers. Ce sont des choses que j'aurais aimé apprendre alors que j'étais encore en compétition. Je n'ai pas étudié pendant ma carrière de compétiteur. L'un de mes regrets est de ne pas être allé à l'université comme Nathan Chen l'a fait. Je n'étais honnêtement pas assez doué pour gérer autant de choses simultanément. Je suis du genre à paniquer dans des situations comme celle-là. Je n'ai donc jamais été à l'université, ce qui s'est avéré être un obstacle lors de ma recherche d'emploi. Heureusement, grâce à des amis et bien sûr au patinage, j'ai pu avoir des opportunités. Le fait d'avoir une certain renommée m'a aidé. Je suis actuellement en stage, donc je commence en bas de l'échelle, mais c'est bien tant que j'ai l'opportunité d'apprendre et de grandir.
Solène : Dans le patinage masculin actuel, quels sont vos patineurs préférés ?
Patrick : J'ai évidemment regardé les programmes d'Ilia Malinin au Skate America. Au Skate Canada, j'étais ravi de voir Junhwan Cha. J'adore sa façon de patiner. J'avais aussi hâte de voir Wesley Chiu, Conrad Orzel et Liam Kapeikis. Nous sommes dans une période de transition enthousiasmante depuis l'ère de Yuzuru Hanyu. Tout le monde commence à évoluer. Il y a très peu de patineurs qui restent ; même Michal Brezina a pris sa retraite (rires) et est maintenant entraîneur. Nous assistons à l'émergence d'une nouvelle génération de patineurs qui cherchent à devenir les prochains grands talents. J'ai eu la chance de vivre des moments comme celui-ci, après les Jeux Olympiques de 2010, et j'ai hâte de voir qui sera la prochaine grande star du patinage.
Solène : Quelle a été votre réaction lorsque vous avez vu le quadruple Axel d'Ilia Malinin ?
Patrick : Oh, mon Dieu. Je me suis pincé. Je n'en revenais pas. Je me souviens que quelqu'un m'avait demandé si c'était faisable. Je lui avais dit : "Vous êtes fou ? C'est impossible". Ilia a réalisé l'impossible, ce qui est un exploit à son âge. Il sera intéressant de voir si cette année, il l'inclut dans ses programmes. Pourquoi le faire maintenant alors qu'il n'en a pas besoin ? Peut-être vaut-il mieux le garder pour les Jeux Olympiques dans quelques années, plutôt que de le tenter maintenant et de risquer une blessure ? La stratégie doit changer pour les athlètes et leur manière d'aborder l'entraînement et la compétition.
Solène : Avec le recul sur votre carrière et en voyant l'évolution du patinage masculin, avec des sauts comme le quadruple Axel, que pensez-vous de l'équilibre entre les aspects techniques et artistiques ?
Patrick : Après les deux premières Olympiades, j'avais les bonnes armes techniquement et artistiquement ; c'était l'équilibre parfait pour devenir un champion du monde et olympique. Mais après 2014, c'est là que les choses ont changé. Yuzuru et moi avons été les catalyseurs de cette évolution du patinage, et Nathan en est le résultat. Ce fut un grand saut de mon niveau à celui de Yuzuru, puis Nathan a été le niveau suivant. Quand je suis allé aux Jeux Olympiques de 2018, je savais que je n'avais plus le niveau techniquement ou artistiquement pour être champion olympique. Je savais dès le départ dans l'avion pour les Jeux Olympiques qu'il faudrait un miracle. C'était difficile pour moi d'intégrer que je pourrais toujours patiner sans la possibilité d'être champion, c'était très difficile à accepter à l'époque. Maintenant, je le vois avec plus de recul et il s'agit en fait de l'évolution du sport. C'est incroyable que maintenant nous ayons quelqu'un qui réalise un quadruple Axel. C'est vraiment enthousiasmant pour tous ceux qui suivent le patinage de voir cela.
Solène : Patinez-vous souvent ?
Patrick : Avant les galas Stars on Ice, je m'entraîne deux ou trois fois par semaine. Je ne patine pas juste pour le plaisir ; je dois avoir une raison pour monter sur la glace. Je n'ai jamais vraiment eu un esprit créatif. Dites moi ce que je dois faire, et je le ferai. De plus, je n'ai rarement le temps, avec les engagements parentaux et professionnels. Quand j'ai du temps libre, c'est généralement à la maison pour préparer le dîner et faire des choses de la vie de tous les jours.
Solène : Quel est votre rôle au Skate Canada cette année ?
Patrick : En tant qu'ambassadeur des athlètes, je fais le pont entre eux et le public. Il n'y a malheureusement pas beaucoup d'interactions avec les patineurs qui sont en compétition, et bien sûr, ils doivent rester concentrés. Donc je les aide et j'interagis avec le public et je partage mes propres expériences avec les fans.
Solène MATHIEU - Skate Info Glace