Sept ans déjà qu'on les voit sur la glace. Le temps passe vite. Mais plus rien n'est pareil. Dans la Mixed Zone, ils sont détendus, souriants, diserts, et pas seulement parce qu'ils sont premiers (54.67) avec une avance conséquente sur leurs seuls concurrents (48.08). Une expression va revenir plusieurs fois dans la conversation : "on se fait plaisir sur la glace, à l'entraînement et en compétition". Et ça fait toute la différence. J'ai le souvenir d'une Camille anxieuse et défaitiste et d'un Pavel silencieux ou bougon, en stage à Chamonix, cherchant péniblement leurs marques sans les trouver. C'était il y a longtemps, mais l'image a perduré quelques années. Sans rien critiquer ni dénigrer du travail de Mehdi Bouzzine et Léonie Corbin, surtout pas, d'autant plus que je les ai vus à l'oeuvre de près, et qu'ils se sont donnés à fond, coeur et âme, le changement d'entraîneur a clairement été bénéfique aux époux Kovalev. Ce n'est ni une question de méthode ou de professionnalisme, mais seulement de... bol. Un bon coup d'air nouveau, donc frais, et c'est reparti. Dans le bons sens chez Laurent et Nathalie Depouilly à Courbevoie. D'ailleurs Camille aborde poliment et prudemment le sujet : "on est dans une meilleure ambiance". Ses magnifiques yeux bleus brillent au-dessus de son masque, et son mari a le sourire, malgré quelques ratés dans leur programme, sans réelle grosse erreur.
Camille : A l'entraînement tout passe, et là, crac, on fait encore des bêtises !
Votre serviteur : Camille, je t'ai toujours entendue dire ça , mais c'est la première fois que je te vois le faire avec un grand sourire (rires)
Décidément, tout a vraiment changé. Si Pavel est fidèle à lui-même, très calme et immense chaussé de ses patins, il est devenu plus bavard, il est beaucoup plus à l'aise. Chez Camille, la transformation est radicale. Elle ne baisse plus les yeux ni les bras, elle a pris confiance en elle, elle se sent bien dans ce qu'elle fait. "Moins de pression, plus de plaisir, ça passe tant mieux, ça ne passe pas, tant pis, on n'est plus en mode - je stresse il faut que j'y arrive à tout prix". Leur "Libertango", version The Swingle Singers est une réussite tant au niveau chorégraphique que de l'interprétation. Même si la retraite des parents de Camille (qui financent leur carrière) risque de leur causer des soucis pécuniers l'an prochain, ils comptent bien poursuivre une carrière qui décolle enfin. Camille aborde tous les sujets tabou, sans langue de bois. Une réelle métamorphose, déjà amorcée l'an dernier. Sur la glace, le triple twist est passé sans problème (mais obtient des GOEs négatifs chez deux juges), puis Pavel retourne un triple boucle piqué, "erreur qu'il ne commet ja-mais !" nous dit Camille en riant. Elle est obligée de poser la main sur la glace pour ne pas chuter à la réception, trop en avant, du triple Salchow lancé.
- Et je suis sortie de la pirouette parallèle dans le mauvais sens, ce que les juges surveillent de très près, dommage pour moi.
Et dommage tout court, car justement la synchronisation parfaite des pirouettes du couple est un de ses meilleurs atouts.
Le couple Keriven/Pierre est moins en verve que d'habitude. Ils ont repris leur programme court de l'an dernier sur un superbe chant corse qui leur va comme un gant. Ils sont, comme souvent en difficulté sur le triple twist (un des éléments les plus ardus à maîtriser) et la réception est heurtée, sauvée par un réflexe de Noël-Antoine. Coline loupe la réception de son triple boucle piqué et chute. Elle a quelques soucis avec sa pirouette qui écope de notes négatives. Mais leur triple Salchow lancé et ample, net, un des meilleurs que je les ai vus exécuter. Et leur porté final est superbe, d'ailleurs il leur vaut un niveau 4. Leurs composantes sont assez proches de celles de Camille et Pavel, mais les erreurs techniques les pénalisent durement sur le plan comptable.
Aucun autre couple ne participe à la compétition, Cléo Hamon ayant raccroché ses patins, et Denys Strekalin étant à la recherche d'une nouvelle partenaire.
Sur place : Kate Royan - S.I.G. ©