Tel, le Beaujolais, le nouveau Kovalev² est arrivé. Il fut un temps où, sous un coup de pression, quelque chose aurait craqué. Mais ni hier, ni aujourd'hui, même si Camille, humble en plus d'être devenue une jeune femme épanouie, bien dans sa peau, déclare : "on n'était que deux couples dans cette compétition". Oui, mais Keriven/Pierre les ont régulièrement battus par le passé. La victoire est large dans le libre, 102.82 contre 96.44, comme elle l'est au final : 157.44 contre 144.52. Le programme n'est pas exempt d'erreurs, comme cette combinaison triple boucle piqué/ simple boucle piqué, ou une chute inattendue dans la séquence de pas. Mais les sauts lancés, Salchow et flip sont réussis, et les portés et la pirouette sont parfaits. La musique; "The Curse" d'Agnes Obel dans une version revisitée , choix de Camille validé d'emblée par leur chorégraphe Dominique Deniaud, est superbe et leur va à merveille. "La malédiction", c'est un peu leur histoire, quand rien n'allait, mais les jours sont enfin meilleurs et ils l'ont tellement mérité. Ils se sont accrochés, jamais découragés. Pourtant il y aurait eu de quoi, entre les non-sélections inexplicables et les blessures, les incertitudes. Camille continue de minimiser, "on a juste fait notre job". D'accord. Mais rien n'est jamais gagné d'avance, même pas ces championnats. Le mot "plaisir" revient encore, on le voit ce plaisir qu'ils prennent à patiner. Il y a quelque chose d'émouvant dans ce bonheur trouvé après tant d'années d'efforts qui ne payaient pas ou si mal. Camille souffre d'une entorse à la cheville et, à l'entraînement, ne peut pas patiner de sessions de plus de 45 minutes. Sortie de Mixed Zone pour aller directement voir le médecin, elle garde le sourire. "Je fais avec, je m'adapte, pas question de faire une pause". Son entraîneur, Laurent Depouilly, symbole de gentillesse et lui aussi d'humilité, s'excuse de devoir envoyer son athlète aux soins avant de répondre aux médias. Incroyable. Mais représentatif de l'ambiance que lui et son épouse Nathalie font régner à Courbevoie. Des travailleurs acharnés avec un coeur gros comme ça. Bravo à toute l'équipe !
Ces championnats seront à oublier très vite pour Coline Keriven et Noël-Antoine Pierre. A l'entraînement, aux six minutes, tout passe. Pendant la compétition, rien ne va plus. Trop de stress. Mêmes erreurs que la veille. Descente du twist chahutée, chute sur le triple boucle piqué en sous rotation, triple boucle lancé, un saut rare, loupé. Quel dommage. Car le programme sur "U-Turn" d'Aaron est un bijou, depuis les costumes vert Véronèse jusqu'à l'orchestration en passant par la chorégraphie. Les élèves de Claude Péri sont loin de leur niveau réel et de leur excellent potentiel. Ce sont des choses qui arrivent dans une carrière de patineurs, ce n'est pas non plus une catastrophe. Mais la déception de Coline dans le Kiss & Cry et hors de la glace fait peine à voir. On la sent partagée entre chagrin et colère. Noël-Antoine semble plus philosophe. Victime d'une grave blessure au genou il y a trois ans aux mêmes championnats, c'est déjà un miracle qu'il ait pu reprendre sa carrière après une longue interruption, d'autant plus qu'il en en souffre toujours. Une carrière sportive de haut niveau sans blessure, ça n'existe pas ou que dans de très rares cas. Et tout le monde n'a pas la force mentale et la capacité physique de s'en remettre et de revenir. Rien que pour cela, le couple mérite de retrouver son meilleur niveau. Ils sont tout à fait capables de le faire. C'est tout ce que je leur souhaite pour la nouvelle année toute proche.
Sur place : Kate Royan - S.I.G. ©
© Kate Royan - S.I.G.