CHAMPIONNATS D'EUROPE 2022
Tallinn, Estonie - 14 janvier 2022
Programme Libre Messieurs
Après une soirée pleine de rebondissements, Mark Kondratiuk remporte le titre européen pour sa première participation. Celui en qui on ne croyait pas vraiment, couronné aux championnats nationaux russes à la suite de ce que beaucoup ont considéré comme un concours de circonstances, se révèle être le nouveau champion d'Europe. Il décroche simultanément très probablement sa place dans l'équipe russe pour les Jeux Olympiques. Son programme est quelque peu chaotique et il est souvent difficile de le suivre, mais le contenu technique est solide avec trois quadruples (boucle piqué et Salchow) et deux triples Axel.
En conférence de presse, sa timidité crève les yeux. Il s'excuse presque d'être là. En attendant l'arrivée des autres patineurs, il s'assoit et admire sa médaille comme s'il n'y croyait pas. Il raconte : "Je suis content de ma performance technique, mais j'ai trouvé que cela avait manqué d'émotion. Je ne sais pas comment cela a été perçu par les juges et spectateurs, mais c'est mon ressenti. Les titres c'est cool, cela me rend heureux quelques jours puis je reprends le travail. Cela me donne de la confiance et je ne veux pas penser à la pression et la responsabilité que cela engendre, c'est plus simple. Pour la suite de la saison, je dois travailler sur ma régularité, continuer de patiner comme je l'ai fait aujourd'hui, et peut être augmenter le niveau de difficulté mais je ne saurais pas dire à quel horizon." Sur une éventuelle sélection à la compétition par équipe aux Jeux Olympiques : "Je patine. La Fédération décide. Chacun son travail". Il est ensuite interrogé sur ses loisirs, notamment ses talents d'artiste : "J'ai fait quelques créations mais je manque de temps. Je ferai peut être une exposition cet été."
Comme à son habitude, Daniel Grassl nous présente la gamme de ses quadruples : Lutz, flip, boucle. C'est techniquement très fort et sans erreur importante en dehors de la carre douteuse de ses triples Lutz. Après une sixième (2019) et une quatrième place (2020), il est médaillé d'argent cette année. Il s'exprime devant les journalistes : "Je suis très heureux. A Graz il y a deux ans, j'étais très déçu, surtout que l'écart avec la deuxième et la troisième places était très faible. J'avais beaucoup de pression en venant. Je suis content de ma performance mais je sais que je peux faire plus. Les composantes notamment pourraient être meilleures."
Deniss Vasiljevs réussit le meilleur programme long de sa carrière et s'invite sur le podium en troisième place. Le public est stupéfait lorsqu'il réceptionne avec fluidité son quadruple Salchow. La plupart des tentatives aux entraînements, mais aussi aux précédentes compétitions, étaient chutées. Stimulé par cette réussite, Deniss patine sur un nuage, avec une force et une sérénité décuplées. En bord de piste, Stéphane Lambiel, son entraîneur, saute et exulte comme jamais. Cette chorégraphie qui ne nous avait pas convaincus lors des précédentes compétitions a aujourd'hui un parfum de victoire qui transforme complètement l'impression générale.
Très posé et réfléchi, il confie ses impressions : "J'ai reçu beaucoup de soutien du public estonien. Je suis heureux et fier que nous puissions partager notre passion pour le sport et l'art. Je n'ai pas encore bien réalisé. Je sais que j'ai fait le maximum de ce que je pouvais faire, j'étais à 100% aujourd'hui. C'est surtout cela que je vois et pas encore cette "beauté" (en désignant sa médaille). C'est bien sûr une étape importante dans mon parcours de patineur, mais je ne sais pas où le chemin va. J'y mets tout mon cœur et ce résultat me conforte dans mes choix et l'énergie que je mets à l'entraînement. Je vais cultiver cette émotion vers un nouveau chemin. Je vais aussi travailler sur la régularité technique, notamment sur la fluidité des réceptions."
Le patineur le plus malheureux de la soirée est probablement Andrei Mozalev, vainqueur du programme court, mais quatrième au classement final. Sur 1492 (Vangelis), il ne réalise pas un mauvais programme, mais la transformation du quadruple Salchow en triple, deux sous-rotations et la répétition du triple Salchow lui coûtent de nombreux points.
Evgeni Semenenko voit également la médaille s'échapper après une performance en demi-teinte. Pas d'erreur majeure, mais des réceptions peu assurées, un retournement et un double Salchow à la place du quadruple le relèguent en neuvième position du programme libre et cinquième position du classement général. Battu à nouveau par Andrei Mozalev, comme aux championnats nationaux russes, sa place aux Jeux Olympiques s'envole probablement.
Malgré la présence d'Eteri Ttutberidze en bord de piste pour un potentiel podium, Morisi Kvitelashvili passe à côté de son programme. La chute sur le quadruple Salchow, désaxé, ne le met pas dans de bonnes dispositions pour démarrer. Plusieurs erreurs suivent et Morisi quitte la glace dépité, conscient d'avoir laissé passer sa chance. Il est sixième.
Kevin Aymoz remonte en septième position grâce à une très belle quatrième place sur le programme libre. Il semble très serein en entrant sur la piste. Les deux quadruples boucles piqués sont réalisés, malgré des réceptions chahutées. Les deux triples Axel récoltent de beaux GOE. Kevin se fait peur en accrochant son pantalon avec son patin mais se reconcentre immédiatement. Il déguise de belle manière son retournement sur la combinaison finale avant de sauter de joie lorsque la musique s'arrête. Le fantôme de Graz est définitivement envolé et Kévin peut se concentrer en toute confiance sur les Jeux Olympiques.
Pour ses quatorzièmes (!) championnats d'Europe, Michal Brezina choisit la sécurité et enlève le quadruple Salchow. Il réalise ainsi un programme propre (on fermera les yeux sur la pirouette finale...) pour terminer en beauté sa carrière européenne (NB : les Jeux Olympiques restent à venir). Cinquième du libre et dixième au classement général, il quitte la glace les larmes aux yeux devant un public en standing ovation.
Sur place : Solène Mathieu - S.I.G. ©