Sans surprise...
Piper Gilles et Paul Poirier, en tête de la danse rythmique hier, conservent leur avantage. Avec un peu plus de 3 points sur leurs poursuivants (129.71), Chock/Bates, ils remportent leur première Finale de Grand Prix avec 215.64, soit moins qu'au Grand Prix d'Espoo où ils avaient obtenu 219.49, leur record personnel. A noter qu'il s'agit de leur première sélection à cette compétition en treize ans de carrière. Tout vient à point à qui sait attendre. On reste, bien sûr, assez loin des niveaux et des notes qui récompensaient les programmes de Papadakis/Cizeron, et en-dessous de celles de Hubbell/Donohue ou des Russes Sinitsina/Katsalapov, même s'il est délicat de comparer des jurys différents, surtout lorsque le système de notation ne cesse d'évoluer. Le montage musical des Canadiens, sur trois extraits du "Evita" d'Andrew Lloyd Weber chantés par Madonna, est pour le moins curieux. La première partie fait mal aux oreilles, la seconde - le très classique "Don't Cry for Me Argentina"- est dans sa version d'origine, et la troisième est remixée façon Pierre et le Loup joué par un orchestre de foire. Heureusement, le programme est très bien patiné. On pourra encore et toujours reprocher à Piper de ne pas avoir assez de carres, mais à la longue, on s'est habitués. Les twizzles du couple sont superbes, de niveau 4 pour tous les deux, de même que leurs portés. La circulaire n'obtient qu'un 2 et la séquence sur un pied est niveau 2 pour Piper contre un niveau 3 pour Paul. Les GOEs sont en moyenne à 4, et le/la juge N°8 leur octroie un 10.00 en présentation, tandis que le/la N°9 appuie sur la touche 9.75 pour les trois composantes. Une très bonne prestation donc, et à la lecture des notes dans le K&C, Piper en perd la couronne de fleurs qui vient de lui être offerte par l'organisation. A noter que dans sa biographie I.S.U. la jeune femme cite "jouer de la flûte" parmi ses passe-temps. Premier ou second degré ? En anglais, Piper signifie... joueur de flûte. Je parie pour le second puisque figure aussi au titre de ses hobbies "monter les chevaux de Monty Python". Les patineurs s'amusent avec l'I.S.U. de temps en temps !
Tout va mieux, beaucoup mieux que lors de la RD pour Madison Chock et Evan Bates. On retrouve la finesse de leur patinage et sa fluidité. Seul bémol : la gestuelle née pour leur programme "Serpent" il y a deux saisons reste la même. Sur "Souffrance" du groupe électro nantais (!) Orange Blossom, et "Les Techtoniques" de la chanteuse et violoncelliste québécoise Jorane Pelletier, les Américains obtiennent un sévère niveau 1 pour leur diagonale, élément qui sera à très vite retravailler. Twizzles et portés sont de niveau 4, la séquence sur un pied est de niveau 3. Les composantes ne descendent pas en dessous de 9.25 et montent jusqu'à 9.75. Là, aussi, un très bon programme. Ils sont médaillés d'argent avec 126.45 pour la danse libre et 211.94 au total. En conférence de presse, Madison explique : "Après le Skate America, nous avons décidé de faire évoluer notre prestation et nous avons continué après le NHK. Nous avons imaginé que notre programme représentait l'esprit du feu et l'esprit de l'eau."
Je ne vais pas faire semblant, j'aurais tellement aimé qu'ils gagnent ! A domicile, avec deux très bons programmes, les meilleurs techniciens du plateau... Mais on savait depuis la RD que ce ne serait pas le cas. La saison 2022/2023 appartient visiblement à l'Amérique du Nord, pas aux Italiens. Le jeu des chaises musicales à la longévité n'a pas fonctionné. Chock/Bates sont sur le circuit danse depuis plus longtemps : 2008 pour Evan et 2009 pour Madison avec d'autres partenaires. Guignard/Fabbri sont arrivés en 2010, après une carrière en individuel pour lui (18ème junior mondial en 2007) et trois autres associés pour elle, dont son frère. En leur honneur, la régie de la Palavela monte le son à fond (ce qui est un record car il est déjà à la limite du supportable sans cela). Les deux partitions musicales utilisées, "My Love will Never Die" de AG, et "Mephisto's Lullaby" de l'Israëlien Yair Alberg Wein, servent particulièrement bien le patinage précis et élégant des Italiens. Le maquillage spectaculaire de Charlène, volontairement "diabolique" lui donne un air délicieusement inquiétant. Twizzles de niveau 3 pour elle, 4 pour Marco, séquence sur un pied 3 pour elle et 2 pour lui, circulaire niveau 2, c'est peu pour d'aussi fins techniciens. Beaux joueurs, ils se disent néanmoins heureux de leur résultat et de leur médaille de bronze (122.29/206.84).
Lilah Fear et Lewis Gibson gagnent une place par rapport à la RD. Les Anglais sont charmants et divertissants, leur enthousiasme n'est jamais pris en défaut, ils sont formidablement chaleureux et généreux, mais qu'ils puissent obtenir des GOEs supérieurs aux Italiens, même si ce n'est que de quelques poussières, me dépasse un peu... Sur "Born This Way" et "Million Reasons" de Lady Gaga, ils sont dans leur élément. Ca déménage ! Le programme est intelligemment construit pour masquer leurs défauts et l'énorme succès qu'ils remportent auprès du public est un facteur d'influence. Twizzles de niveau 4, médiane de niveau 2, séquence sur un pied de toute beauté mais avec quelques petits accrocs (niveau 2 pour Lilah, 3 pour Lewis), une déduction pour porté trop long en début de prestation, ils sont 4èmes avec 120.15 et 200.90 au total.
Kaitlin Hawayek et Jean-Luc Bkker, après s'être un peu trop inspirés de tout le monde en général et de Papadakis/Cizeron en particulier, ont enfin trouvé leur style propre. Leur libre, dansé sur "Requiem" et "Sofia" du Norvégien Askjell Solstrand, est romantique sans être sirupeux, doux sans être ennuyeux. Ils le jouent plus qu'ils ne le vivent mais c'est quasiment un phénomène culturel d'Outre-Atlantique. Le programme commence par une séquence sur un pied très réussie (niveau 3) et particulièrement difficile sur un tempo lent. Les twizzles et les portés méritent leur niveau 4 et valent peut-être un peu plus que les GOEs accordés. Eux aussi avancent d'un rang par rapport à la RD en finissant 5èmes avec 118.56 et 198.06 au classement général.
Pas de chance pour Laurence Fournier-Beaudry et Nikolaj Sorensen : une chute sur le porté en courbe en milieu de programme et les deux déductions qui en découlent, les envoient direct au dernier rang du libre et du classement final (112.99/195.16). Ils sont puissants et énergiques, leurs mouvements sont amples, et ils sont de bons interprètes mais toujours dans le même registre hispanisant. J'ai toujours un peu peur que le poids des faux-cils de Laurence l'entraîne vers l'avant, mais elle a la plus belle tenue de la journée, avec une longue jupe noire fendue jusqu'à la hanche, et un boléro/gilet de dentelle incrustée de brillants qui évoque fidèlement la parure d'un torero. La chute commune est vraiment dommage car ils sont techniquement et artistiquement supérieurs aux deux couples qui les précèdent.
Par Kate ROYAN pour Skate Info Glace