Je retrouve Kevin après son programme libre pour recueillir ses impressions.
Solène : Félicitations pour ce programme libre ! Comment te sens-tu ?
Kévin : Il y a du positif et du négatif. Ce n'était pas propre. On n'aura jamais la perfection à 100%, il y aura toujours des progrès possibles, mais j'ai pris beaucoup de plaisir sur la glace. Quand j'ai démarré les six minutes d'échauffement, je ne faisais qu'un avec la glace. J'ai fait ce que j'aimais faire et c'était génial. J'étais stressé, comme habituellement pour une compétition, mais moins qu'au programme court. Je me suis dit : "OK tu as raté le programme court, mais aujourd'hui tu n'as pas besoin de stresser. Tu ne peux rien faire de plus. Vas-y et amuse-toi". C'est seulement la deuxième compétition de l'année pour laquelle je me sens prêt. Par contre ma lame s'est coincée dans mon pantalon. J'ai failli mourir ! J'ai eu si peur. C'est un moment du programme où je peux normalement me reposer mais c'était impossible là ! Mais j'ai réussi le triple Axel juste après, incroyable !"
Solène : Tu as semblé très calme pendant l'échauffement, comme si tu savais que tout allait bien se passer...
Kévin : Parce que j'aime ce programme ! J'ai adoré mes six minutes d'échauffement, vraiment. Dans le top trois des grands plaisirs de la vie, il y a la galette des rois, les cadeaux de Noël et les six minutes d'échauffement de Tallinn (rires). Je n'ai vraiment jamais senti autant de connexion entre la glace et moi.
Solène : Quand pars-tu pour Pékin ?
Kévin : Oh la question piège, je n'ai pas suivi mon planning ! Ce n'est pas moi qui le gère, sinon au bout de deux mails je commence à paniquer et ça se ressent sur glace. Je pense que je pars à Paris vers le 26-27 janvier pour le test PCR avec l'équipe de France et aux alentours du 30-31 janvier pour Pékin, donc une dizaine de jours avant les épreuves.
Solène : Quels sont tes plans d'ici là, mis à part ne pas attraper le COVID ?
Kévin : C'est le plan principal ! En temps normal on me dit "Kevin, entraîne toi sur les quadruples". Là on me dit "Kévin, ne choppe pas le COVID". Je suis le seul de mon club à ne pas l'avoir déjà attrapé. C'est à la fois très bien parce que je peux patiner, mais je suis du coup le plus à risque. Cela me fait peur. Je n'ai évidemment pas envie de ne pas pouvoir aller aux Jeux Olympiques à cause de cela ! Si j'ai une gastro, j'y vais, pas de souci ! Mais s'il s'agit du COVID, je n'aurai pas le droit. C'est un stress à gérer en plus. Pendant toute ma carrière, on m'a dit de gérer ce que je pouvais gérer et de laisser de côté ce que je ne pouvais pas gérer. Mais normalement ce petit truc que tu laisses de côté n'est pas censé te faire autant de mal. De l'extérieur ça ne se sent pas, mais il y a une tension, les athlètes ne sont pas bien. On ne vit pas notre carrière à fond. Je ne vais pas faire du patinage jusqu'à mes 50 ans. Une carrière dure environ 10 ans. Je me dis "C'est quoi ce coup du sort ? Pourquoi ça tombe sur les années où je suis là ?". J'espère que le monde entier va reconnaître que c'est un stress immense pour tous les athlètes et qu'on est très forts mentalement.
Propos recueillis par Solène Mathieu - S.I.G. ©