© Olivier Brajon
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Les Etats-Unis, forts de cinq médailles la semaine dernière, annoncent la couleur avec une Isabeau Levito en pleine forme qui s'assure d'une bonne avance sur ses concurrentes (71.25 points). Serait-elle fan d'Alina Zagitova... : robe largement inspirée de celle de la championne Olympique de 2018, en moins contrastée, même thème ou presque avec un cygne blanc au lieu d'être noir, et de Camille Saint Saëns, au lieu de Piotr Ilitch Tchaïkovski. Peu surprenant à la lecture des noms de ses entraîneurs et chorégraphes : Evegni Platov, Yulia Kuznetsova, Slava Kuznetsov, Otar Japaridze, Zhanna Palagina. Tout ce beau monde travaille à Mount Laurel au New Jersey. Le programme est joli, même si très convenu. Il est surtout net et sans bavure. La patineuse est élégante, légère. Difficile, toutefois, d'ignorer ses carres bruyantes. Elle passe sans problème double Axel, triple flip, triple Lutz/triple boucle piqué avec bonus, et tous ses éléments sont de niveau 4. A noter la façon particulière dont elle lance son Lutz, qui pourrait faire croire à un boucle. La technique est solide et le patinage digne d'une senior. D'autant plus que la jeune fille semble très bien supporter la pression. Elle supporte visiblement moins bien l'altitude et termine son programme à bout de souffle. Raison de plus pour admirer sa prestation. Isabeau est battante et dure au mal, tout cela dès ses quatorze ans !
La Sud-Coréenne Chaeyeon Kim patine sur le Concerto N° 2 de Rachmaninov. Le grand compositeur, aussi dépressif que russe, n'est pas mon meilleur ami... Je trouve ses oeuvres sinistres. Le thème est ambitieux pour une junior, mais également pesant, voire écrasant. La jeune fille, dont le patinage est fluide et appliqué, s'en sort cependant très bien. Dotée d'une excellente glisse, elle entame son programme avec une jolie combinaison triple Lutz/triple boucle piqué, suivi d'un double Axel et d'un triple flip bonifié. Le juge N° 8 est décidément fâché avec la pirouette sautée assise gratifiée d'un 0 en GOE, comme celle de l'Américaine, quand d'autres montent la note à 5. Elle est seconde avec 66.90.
Deuxième du premier Grand Prix Junior ici même la semaine dernière, Kaiya Ruiter (Canada), entraînée par Scott Davis, prend la 3ème place (63.17) sur le très "radio-friendly" Opportunity de Sia. Un quarter (1/4 de tour manquant) additionné d'une care douteuse lui vaut une volée de GOE négatifs sur sa combinaison triple Lutz/triple boucle piqué, mais le reste des difficultés techniques est net. J'ai un faible pour son côté pétillant et son enthousiasme évident, et je la trouve légèrement sous-notée en Skating Skills.
Niina Petrokina (Estonie), passée très tôt dans la compétition, prend une bonne quatrième place (59.26) sur la chanson "Je n'attendais que Vous" de Garou, interprétée par Masha Mnjoyan. Expressive et délicate, elle ne passe qu'un double flip (le triple est obligatoire), mais sa combinaison et son double Axel sont correctement exécutés. Eloignée des patinoires pendant deux longues années, Niina réussit pour l'instant parfaitement son retour.
Découverte de la journée : la Belge Nina Pinzarrone, 4ème avec 58.40. Ses sauts montent peu, mais ses rotations sont très rapides. A quatorze ans, la jeune fille a déjà des lignes très esthétiques et une bonne qualité d'expression. Une sous-rotation du triple boucle piqué de sa combinaison lui fait perdre des points, mais le reste des éléments sont bons. Thème de sa prestation : les Parapluies de Cherbourg hurlés à pleins poumons en suraigu par Marie Oppert en anglais et français. A défaut d'être agréable à l'oreille, programme et patineuses sont très intéressants à regarder. La chorégraphie de Benoît Richaud y est sûrement pour quelque chose ! Et la note est excellente pour une toute nouvelle recrue que les juges ne connaissent pas encore.
Ahsun Yun (Corée du Sud) a le désavantage de patiner première du premier groupe. Dommage car ses notes auraient pu être plus élevées, en particulier en Skating Skills. Sur une version piano-trash de "Teen Spirit" de Nirvana, elle éclate son triple flip en simple (elle est coutumière du fait), ce qui vaut invalidation, mais son double Axel d'entrée de programme est impeccable. 5ème du général la semaine dernière, elle est aussi 5ème de ce court avec 57.73.
Tout chez Josephine Lee, coachée par Noami Nari Nam, évoque immédiatement le patinage américain. Dans tout ce qu'il a de sage, appliqué, sophistiqué, et parfois un peu (beaucoup) trop sirupeux. Tout est délicat, joli, et sans aucune originalité. D'accord, nous sommes ici en présence de juniors... Tout ce sucre répandu sur "Please Don't Make Me Love You" de Kate Shindle, extrait de la bande originale du film Dracula, n'empêche pas Josephine d'être une patineuse très prometteuse. Mais elle commet de nombreuses erreurs techniques, à commencer par le massacre de sa combinaison d'entame qui se solde en triple boucle piqué/simple boucle piqué et en GOEs négatifs. Dommage car c'est une combinaison qu'elle a passée sans problème lors des compétitions américaines d'été. Je suis toujours sur mes gardes lorsque que je vois un patineur ou une patineuse exécuter moult mouvements de bras pas forcément utiles. Serait-ce destiné à détourner l'attention de ce qui se passe au niveau des pieds, i.e. approximations de carres ? Les juges s'y laissent rarement prendre, c'est encore le cas aujourd'hui. Josephine empoche 51.30, ce qui la place au 5ème rang.
Seoyoen Ji (Corée du Sud) était 4ème au premier Grand Prix ici-même la semaine dernière, devant sa compatriote Ahsun Yun. Supposée rentrer à Colorado Springs, aux Etats-Unis où elle s'entraîne avec Tammy Gambill et Drew Meekins, avant de revenir en Europe disputer le Grand Prix Junior de Kosice en Slovaquie, elle s'est vue refuser l'embarquement à l'aéroport de Lyon-Saint Exupéry, i.e. l'entrée aux USA. N'étant pas citoyenne américaine, et en raison des restrictions sanitaires etc... le couplet devenu habituel. La fédération internationale a donc accepté qu'elle participe à ce second Grand Prix en lieu et place du troisième. Mademoiselle Ji, ou plutôt son entourage puisqu'elle a quinze ans, devait pourtant bien se douter qu'il ne serait pas si simple de rejoindre la terre de l'Oncle Sam. A circonstances exceptionnelles, cas exceptionnel. Oserai-je dire que la très rigide I.S.U. a fait de gros progrès ? Seoyoen nous gratifie de la troisième "Danse Macabre" de l'après-midi. Celle-ci a au moins l'avantage d'être la version d'origine. Mais qui aurait cru que Saint Saens était si populaire chez les juniors ? L'absence de combinaison et un tripe flip a carre douteuse ne permettent pas à la patineuse de se classer plus haut que 8ème (50.88). Pour le moment...
© S.I.G. 2021/22 - Sur place : Kate Royan
© Olivier Brajon
"Splat Fest". En anglais (U.S.) l'expression désigne une compétition où tout le monde tombe, littéralement, la "fête du floc" ! Elle désigne assez bien ce qui se passe en cette belle fin d'après-midi à la patinoire du Forum. Ces Messieurs tiennent beaucoup moins bien sur leurs patins que leurs homologues féminines.
Même le Canadien Wesley Chiu, qui prend la tête avec une grosse longueur d'avance (76.26 points), ne présente pas un programme propre. Du tout. Mauvaise carre sur le triple flip, réception de combinaison bancale, une pirouette et la séquence de pas de niveau 3. Wesley reprend la musique "Vincent" par Govardo, mise à l'honneur en danse par ses compatriotes Piper Gilles et Paul Poirier. Pas de comparaison possible puisqu'il ne s'agit pas de la même discipline et que nous sommes ici en catégorie juniors. Le patineur est élégant, fluide et rapide, ce qui sauve l'ensemble.
Derrière lui, avec 63.23, le Britannique Edward Appleby, surprend, car il est peu connu, mais il n'est guère plus en réussite. Il est victime d'une chute sur sa combinaison et commet une erreur sur une pirouette. Son programme sur "Don't You Know" de Kungs est, comme beaucoup d'autres ce soir, très "radio-friendly" pour être politiquement correcte, et trop variété/bateau pour dire ce que je pense vraiment. La chanson aurait mieux sa place dans un gala, encore faudrait-il qu'elle soit patinée par un ténor/senior de la spécialité.
L'Estonien Arlet Levandi patine sur le "Carmen" de Stromae, dans un costume sans rapport avec la musique, mais le choix est néanmoins original et courageux. Arlet est le fils de la vice-championne du Monde 1984 Anna Kondrashova. Elle est aussi son entraîneur et il a pour chorégraphe Benoît Richaud. Son programme est sans doute mon préféré de la soirée, même s'il est loin d'être parfait, mais je salue vraiment l'originalité et le soin apporté au montage. La musique est très difficile à patiner et le pari est réussi. Arlet commet une seule grosse erreur sur le flip qui est invalidé, ce qui le place au troisième rang avec 61.73.
Axel Ahmed prend la 8ème place (49.85) au son de "Diego Libre dans sa tête" de feu Johnny Hallyday. Grand et solide, expressif, l'élève de Laurent Depouilly, est agréable à voir patiner. Il reste de gros progrès à faire, par exemple sur le triple Lutz combiné à un double boucle piqué instable en réception, ou le flip à qui il manque 1/4 de tour et sur lequel il chute. Mais dans la semi-débâcle qu'a été ce programme court Messieurs, Axel s'en tire plutôt bien et je le trouve même sous-noté.
Pas de chute pour Corentin Spinar (12ème), mais les sauts ont du mal à passer, sauf le double Axel agrémenté d'un bonus. Le choix musical est original et ambitieux : "Survival" de Muse, délicat à interpréter avec son rythme scandé allant crescendo. Le triple Lutz va très haut, trop haut peut-être pour être combiné au boucle piqué, et le flip est reçu sur la mauvaise carre. Corentin améliore cependant considérablement son meilleur score de programme court remporté ici même il y a deux ans : 46.76, au lieu de 37.32.
© S.I.G. 2021/22 - Sur place : Kate Royan
© Olivier Brajon