© S.I.G. / Olivier Brajon
© S.I.G. / Olivier Brajon

Internationaux de France 2018

23 novembre

Programme Court Messieurs - Black Friday : -20% sur les PCS !


(Cliquer sur le nom des participants vous fait accéder à la vidéo de leur programme)


Depuis quand n'a-t'on pas vu deux Français dans le premier groupe d'un programme libre ? Romain Ponsart, 4ème (84.97) à deux points de Nathan Chen (86.94), Kevin Aymoz en embuscade (6ème, 81 pts). C'est une surprise, et elle est excellente. 

 

Le Canadien Nicolas Nadeau nous fait l'honneur d'inaugurer la glace. La musique "crooner" de la B.O. de "Nuits Blanches à Seattle" lui va bien. Nicolas est grand, élégant, c'est un bon glisseur. Par contre, sa technique ne l'a pas accompagné à Grenoble. Chute sur son triple Axel, un quadruple boucle piqué qui devient double et sera donc invalidé, un deuxième double boucle en répétition, ses TES oscillent péniblement de -5 à un maigre +1. Il sera la lanterne rouge, 11ème de ce court avec un total de 61.46 points. Lors du tirage au sort du libre, on apprend qu'il sera forfait au programme libre. 

 

Même musique pour le programme court de Romain Ponsart que pour Kevin Aymoz dans son programme libre. Deux styles différents, une même émotion. "In this Shirt" des Irrepressibles souligne l'élégance de Romain et la chorégraphie, imaginée par nul autre que Guillaume Cizeron, est un vrai travail d'orfèvre, fait pour mettre en valeur tous les points fort du patineur : glisse, maintien du corps, port de tête, profondeur des carres. Le talent du meilleur danseur sur glace du monde pour un des rares patineurs individuels du circuit à posséder une vraie âme de danseur. Romain disait hier, en conférence de presse, que le changement de notation allait au détriment de l'évolution technique, ce avec quoi je suis d'accord. Mais ce changement se montre aujourd'hui à son avantage. Il ouvre son programme avec un très beau quadruple boucle piqué, net et sans bavure, pour poursuivre avec un triple Axel tout aussi propre. Son contenu technique est légèrement différent de celui annoncé, son quad n'étant pas suivi du triple boucle piqué prévu. Mais il a le bon réflexe de placer une combinaison triple Lutz/triple boucle piqué après sa pirouette sautée/allongée. Excellent résultat que cette 4ème place du court, avec un total provisoire de 84.97 points. Il sera, avec Jason Brown,  le seul patineur à réaliser un sans faute cette après-midi. 

 

Kevin Aymoz n'est pas très grand, mais il prend dix centimètres de plus dès qu'il est sur la glace, et pas seulement à cause des patins. La musique le soulève littéralement. "Horns" de Bryce Fox lui va comme un gant, il entre immédiatement dans la peau du personnage, énergique,  malicieux, à l'aise et déterminé. On s'attend à voir les petites cornes de l'héroïne de la chanson lui pousser sur la tête ! Le quad boucle piqué est un peu accroché et son triple Lutz/triple boucle piqué lui vaut une petite salve de négatifs. Rien de catastrophique. Le triple Axel passe bien et il a gagné en vitesse dans ses pirouettes. Un seul mot pour décrire l'ensemble, ou plutôt deux : de feu ! On a envie de se lever et de danser. Je ne le trouve pas très bien payé en composantes mais je suis  partiale et je l'assume ! Chacun de ses programmes, qu'il soit en réussite technique ou non, m'emporte. Il est 6ème avec 81.00 points.

 

L'ambiance retombe très nettement avec Keiji Tanaka, qu'il veuille bien m'excuser. Le Japonais est un patineur élégant, aidé par sa haute taille. Son interprétation de "Memories" par Gary Moore est plutôt bonne. Mais la musique est lancinante, les notes aiguës et étirées sont plus aptes à provoquer une otite que l'enthousiasme. J'ai du mal à comprendre comment on peut lui offrir des PCS supérieurs à celles de Kevin, mais deux grosses erreurs, sur le quad Salchow et et le triple Axel (main) le relèguent au huitième rang (79.35). 

 

Où est passé le Daniel Samohin, champion du Monde junior 2016, et septième des Euros la même année ? Si la musique romantico-lyrique de Il Divo, "Senza Parole" sied à son patinage, la chorégraphie, elle ne suit quasiment pas les accents et les notes. Dommage car c'est le registre artistique qui pourrait le sauver, puisque sa technique est aux abonnés absents. L'Israëlien, entraîné par son père Igor, chute sur le quadruple boucle piqué d'entame de programme et la sanction est immédiate : huit -5 sur neuf possibles. Il est toujours dangereux de se lancer dans un saut qu'on n'a pas testé au warm-up. Les TES piquent aussi du nez sur sa combinaison triple Lutz/triple boucle piqué, retourné et en sous-rotation.  Il n'y a que la séquence de pas et la pirouette combinée avec changement de pied pour l'empêcher de complètement sombrer. Il est 10ème avec 72.33 points.

 

Dmitri Aliev à des lignes magnifiques, une glisse impeccable, il utilise tout son corps pour patiner et s'exprimer. Lui aussi va souffrir d'une technique déficiente sur la très jolie "Modigliani Suite" de Guy Farley. Le quad Lutz devient triple, il précipite l'entrée de son quadruple boucle piqué, chute et ne peut le combiner avec le triple annoncé. Pas de quartier, toute la ligne des TES est à -5. Ses pirouettes sont bizarrement lentes. En clair, ce n'est pas son jour. Du tout. Un patineur de la classe d'Aliev, second des championnats du Monde Juniors 2017, médaille d'argent des championnats d'Europe l'an dernier, n'est pas à sa place au 9ème rang d'un programme court de Grand Prix. Il ne peut, hélas, s'en prendre qu'à lui-même. Connu pour être combatif, il devrait avoir à coeur de se rattraper demain et de faire oublier son petit score de 75.15 points. 

 

On reconnaît immédiatement la patte de Stéphane Lambiel dans le programme de son poulain letton, Deniss Vasiljevs. L'élève n'a pas le même gabarit que le maître - qui vit presque aussi fort ce programme que s'il était lui-même sur la glace, pour le plus grand bonheur des caméras qui nous le repasseront en boucle pendant l'attente des notes. Il est grand (1m72), svelte et fait déjà preuve d'une vraie présence malgré son jeune âge (19 ans). J'ai un faible pour sa sensibilité évidente et son sens de l'expression. Et une aversion totale pour son pantalon jaune brillant, sa chemise à jabot violette et sa veste noire pailletée. Il fallait oser, je salue quand même son audace ! Le mélange donnerait de l'urticaire au plus acharné des fans de disco version années 70. Mais le standard des célèbres "Temptations", ici interprété par Phil Collins (excellente version d'ailleurs), sert une chorégraphie extrêmement bien construite pas Salomé Brunner. Le premier saut, un triple flip, est de toute beauté. L'entrée de son triple Axel est un peu longue et le saut est en sous-rotation manifeste. Ce sera la seule erreur d'un programme bien exécuté, comprenant un très belle combinaison triple Lutz/triple boucle piqué. Personne ne s'étonnera que ses meilleurs éléments soient la séquence de pas et les pirouettes. Il flotte comme un petit parfum de clonage dans son style de patinage, mais Stéphane a trouvé chez Deniss, un terrain propre à développer des qualités qu'il a, lui-même,  toujours possédées et su exploiter tout au long de sa carrière de patineur. Difficile donc, d'imaginer ce team prendre une autre direction. Et le résultat est on ne peut plus correct : une seule erreur de commise, 5ème place, 82.30 points. 

 

Alexander Samarin a un physique d'araignée (n'étant pas arachnophobe, de ma part c'est un compliment), physique tout en longueur et en finesse,  araignée qui a su tisser sa toile en catégorie junior. En senior, les choses sont plus compliquées."Dave not Dave" de Cold Blood irait mieux à Kevin Aymoz qu'au Russe un brin inexpressif. La technique est là, les difficultés passent sans gros problème. Il bouscule un peu l'ordre annoncé en attaquant par un quadruple Lutz, au lieu de la combinaison prévue (avec triple boucle piqué), d'une amplitude remarquable. La combinaison est exécutée en deuxième intention, mais en quad/double, ce qui lui fait perdre des points. S'y ajoute un déséquilibre sur la pirouette assise avec changement de pied. Il prend la seconde place avec 90.86 points. 

 

Tout le monde attend le champion du monde en titre, Nathan Chen. En témoignent les applaudissement qui saluent son arrivée. Je ne suis pas convaincue par son choix musical, "Caravan" de Duke Elligton, mais peu importe. Tout commence très bien avec un triple Axel. Le quad flip/triple boucle piqué passe à la trappe, le premier saut étant à la fois en sous-rotation et en faute de carre, assorti d'une chute. Une rangée de -5 plus tard, il place un quadruple boucle piqué/triple boucle piqué correct, sans briller. Son meilleur élément sera la pirouette sautée assise. Difficile d'être à la fois Mister Quad (ce qui ne sert plus à rien de toute façon) et étudiant à plein temps à Yale, surtout quand votre coach est à l'autre bout du pays. Nathan est venu patiner à Grenoble pendant ses vacances de Thanksgiving.  Il est là avec ses cours d'espagnol à réviser,  il a des examens dans deux semaines. Finir 3ème du programme court est finalement un exploit dans de telles conditions (86.94) !!

 

La surprise vient de Jason Brown. Oh on le connaît déjà artiste, danseur, on a déjà pu admirer son talent et son extraordinaire touché de glace. Où et comment découvrir les vertus d'un programme sans quad, ultra-propre. Pas une poussière, pas un cheveu qui dépasse. Triple flip, aux petits oignons si j'ose dire... Six fois +5, deux fois + 4, un anecdotique + 3. Triple Axel impeccable. Triple Lutz/triple boucle piqué bonifié. D'autres +5 sur la séquence de pas et les pirouettes. "Love is a Bitch" par Two Feet est clairement une musique sur laquelle il sait s'exprimer. Il est tout aussi clair qu'il se fait plaisir. Personne ne l'attendait en tête mais c'est fait, il y est, avec 96.41, soit près de 6 points de plus que Samarin. Je suis partagée entre l'admiration pour son patinage incroyablement fluide, pour son élégance innée, et le regret de ne voir dans ce programme aucune prise de risque. Ah oui, c'est vrai, elle n'est plus récompensée.

 

Des risques, Boyang Jin en prend. Ca ne va pas lui porter chance. Son quadruple Lutz finit dans la barrière, amputé du triple boucle piqué qui devait suivre. Quadruple boucle piqué combiné à un double, ce n'est pas ce qu'on attendait non plus. Le programme n'est même pas sauvé par un triple Axel réussi. Pourtant, l'homme aux lames dorées ne manque ni d'audace, ni de potentiel, ni même de sens artistique. Sur le célèbre "While My Guitar Gently Weeps" des Beatles, composé par George Harrison, il aurait pourtant matière à exploiter tout ce qui fait la qualité de son patinage. Aujourd'hui il ne sera que 7ème avec 79.41, gâchant ainsi ses chances d'accéder au podium. 

 

© S.I.G. - Sur place : Kate Royan