Masters Villard de Lans 2018 - Jour 1

Part 2

Programme Court Juniors Messieurs

Nous savons, depuis plusieurs saisons déjà, que la relève du patinage junior masculin est assurée par Adam Siao Him Fa. Il le confirme brillamment ici, à Villard, sur les très belles musiques de Two Steps from Hell ("Arkangel" et "Star Sky"), et Dan & Deryn Cullen ("Flying"). En effet, il vole... De triple Axel, triple Lutz/triple boucle piqué, en triple flip, avec 76.60 points, soit 10.64 devant son premier poursuivant, Xavier Vauclin, des niveaux 4 sur deux de ses pirouettes, et pas un seul GOE négatif, il prend aisément le large.

Les Français ont décidément des goûts musicaux éclectiques, on le verra de nouveau chez les Seniors. Le Grenoblois Xavier Vauclin a choisi "In Line" de Robert Skoro, thème bluesy-rock sur lequel il est à l'aise et très expressif. Il ne commet qu'une seule petite erreur, mais qui lui coûte cher (les fameaux nouveaux -4 et -5) : une sous-rotation de son deuxième triple boucle en combinaison. Le reste du programme est propre avec un joli triple flip, un double Axel bonifié et des pirouettes, toutes de niveau 4 et lui vaut la seconde place avec un score de 65.96 points.

Douze participants dans cette compétition messieurs juniors et cinq d'entre eux sont des élèves de Brian Joubert ! Brian est en route pour une très belle carrière d'entraîneur : en bord de glace il est calme, ferme, réfléchi, mais toujours souriant. On le connaît fin technicien et, au vu des programmes de ses élèves, il est évident qu'il leur laisse une grande liberté d'expression, chacun ayant un style différent. La meilleure des méthodes pour faire éclore d'excellents patineurs. Après Adam Siao Him Fa en tête, c'est un autre de ses poulains qui s'empare de la 3ème place provisoire, Landry Le May (63.65). Joli thème que "It's a Man's World" de James Brown et Landry sait mettre à profit son sens artistique pour l'exploiter, ce qui n'est pas offert à tous les juniors, peu d'entre eux osant déjà exprimer leur sensibilité. Côté technique, son triple Axel est magistral, mais hélas réceptionné sur deux pieds. Suivent une combinaison triple boucle piqué/triple boucle piqué et un triple flip, pénalisé pour carre douteuse.

Toujours aussi artiste et sensible Maxence Collet, mais également toujours en difficulté avec sa technique. Après Benjamin Clementine et Aaron la saison dernière, il patine aujourd'hui sur la délicate et magnifique musique de l'Islandais Olafur Arnalds "This Place was a Shelter", extraite de l'album "For Now I am Winter". Il ne maîtrise pour l'instant pas le triple Axel et se contente d'un double. Sa combinaison triple/triple devient double Lutz/triple boucle piqué et son triple flip, qui aurait dû lui rapporter un bonus, est mal réceptionné et dégradé. Un point de déduction pour temps dépassé n'arrange hélas pas son score. Il est 4ème avec 58.78 points.

Avec 54.67 pts, Tom Bouvart d'Annecy prend la 5ème place sur "I Wanna be like You" (extraite du "Livre de la Jungle" par Robbie Williams et Olly Murs, tempo un peu trop rapide pour son patinage. Dans une tenue qui a appartenu à son entraîneur et qui lui va très bien, Antonin Herreboudt, autre élève de Brian Joubert, se classe 6ème avec un score de 53.64. Sur "The Sound of Silence" par Distrubed, popularisé dans les patinoires par James/Ciprès, il passe un bon double Axel mais est en sous-rotation sur le second saut de sa combinaison triple boucle piqué/triple boucle piqué. Sa pirouette assise avec changement de pied est loupée donc invalidée, mais il réussit un joli triple flip (avec bonus). Pas très en réussite non plus, Lofti Seirir. Il vient de changer d'entraîneur et a sans doute besoin de se rôder. Avec un thème andalou qui enchaîne Farruca par Romero, Lobato et Magdalena, il termine 7ème avec 48.19. Le classement est complété, dans l'ordre, par Vincent Mimault de Poitiers sur "Next to Me" de Imagine Dragons (42.42), Mathieu Gomez, Théo Belle et Ian Vauclin.

Danse Rythmique Juniors

Les règles ont changé, et la danse n'est plus courte. Elle est rythmique. Dans le cas des juniors, le rythme en question est de 96 battements par minute, (112 pour les seniors), avec plus ou moins 2 battements par minute. Amusez-vous à compter, c'est vite très compliqué. Il y a d'autres différences, mais nous ne sommes pas là pour un cours magistral, donc rébarbatif ! Tout est ici, (en anglais) pour ceux qui souhaitent se documenter en détail. Le thème imposé aux danseurs juniors est, cette année, le Tango Argentin (Tango Romantica pour les seniors). Le choix est sévère pour des jeunes gens car c'est, par définition, une danse d'improvisation, dans laquelle les pas ne sont pas prévus en séquence, guidés par le partenaire masculin, qui se sert de son buste et de son poids (non de ses bras), pour entraîner la danseuse dans une direction inopinée. Bel exercice de machisme en des temps où il n'est (enfin) plus dans le ton de dominer les femmes. Mais, bien entendu, en 2018, l'exercice n'est plus à prendre au premier degré ! J'ai craint un instant que nos juniors s'égarent dans des interprétations ultra-académiques sur des musiques d'un classique éculé. J'ai eu tort de m'inquiéter. Des huit couples engagés, aucun n'est tombé dans les poncifs et les clichés. Au contraire !

Geoffrey Brissaud, et sa nouvelle partenaire Evguenia Lopareva, de Lyon Glace Patinage (Baraban), sont les premiers sur la glace. Première surprise. Ils sont excellents. Belle glisse, maturité précoce, gros talent. Les juges ne s'y trompent pas en les créditant de 53.29 points, ce qui les placent en tête quasiment jusqu'à la fin de la compétition. Une seule erreur sur le porté en ligne droite, leur vaut deux -1 de la part de deux juges. Un couple capable de faire des merveilles, à surveiller de près.

Deuxième association russo-française avec Alisa Kuzina et Mathieu Couyras, eux aussi Lyonnais, mais CSG (Charlemagne). Niveau technique, mais aussi artistique, on redescend d'un cran. La jeune fille a la maturité physique d'une senior, avec tout ce qu'une danseuse sur glace russe peut avoir de spectaculaire, et tend à éclipser un peu son partenaire qui, pourtant, lui est supérieur techniquement. Leurs composantes sont basses et les GOE majoritairement négatifs. Ils terminent 7èmes de cette première partie du concours avec 38.74 points. Les Belfortains Ninon Terreaux et Alric Baumgartner ne les battront pas avec un score de 28.43. Mais ils sont encore très jeunes.

Les premiers Villardiens à se présenter aujourd'hui sont Lila-Maya Seclet-Monchot et Renan Manceaux. A leur glisse, leur chorégraphie, à la découverte du choix musical - le célèbre extrait de la B.O. du Parrain, "Parle plus Bas" en version instrumentale, additionné du "Dernier Tango à Paris" -, on sait immédiatement d'où ils viennent. Aucune erreur possible, ce sont bien des élèves de Karine Arribert, assistée de Viola Zahklyupana (une des quatre ex-partenaires de Jérémie Flemin). Il est agréable et rafraîchissant de constater que Villard reste LE grand club spécialiste de la recherche musicale, de l'originalité et de la créativité en matière de danse sur glace. Le public est toujours surpris, jamais déçu. Lila-Maya et Renan sont 4èmes avec un score encourageant de 49.92.

Au tour de Marie Dupayage et Thomas Nabais avec le premier "pur" tango de l'après-midi. "Paris Texas" de Gotan Project et ""Juguete Rabioso" de La Chicana. On est à fond dans le thème, c'est glissé, élégant, l'interprétation est remarquable pour des juniors. La technique pêche encore un peu, ce qui explique des notes qui ne montent pas assez (à mon goût, s'entend). 47.99 leur valent la 5ème place provisoire. Les gagnants du thème le plus original sont définitivement Lou Terreaux et Noé Perron, sur une incroyable version de "Au Suivant" par un artiste que je ne connais pas du tout : Siri Vlk (un parent éloigné de celui qui parle dans nos iPhones ?). Rythmé, punchy, le second vrai tango de la journée. Où s'entraînent-ils déjà ? Ah oui, à Villard de Lans ! Là aussi la technique pêche un peu, mais les composantes ne sont pas mauvaises et la danse libre promet d'être une jolie bagarre. 44.37 et le 6ème rang pour eux.

Restons avec des locaux et pas n'importe lesquels : Loïcia Demougeot et Théo Le Mercier. "Codigo de Barras" par Bajofondo. Je les trouve un tout petit peu plus lents que d'habitude, mais à peine. Et nous sommes en tout début de saison. Chez eux, comme chez tous leurs camarades vertacomicoriens (c'est ainsi que l'on nomme les habitants du Vercors !), il y a de la pépite à façonner, du diamant à polir, de la graine de vrai danseurs sur glace. On peut compter sur leurs entraîneurs pour continuer de leur concocter des programmes qui collent au millimètre près à leur personnalité rayonnante. Ils prennent la tête avec un bon total provisoire de 57.37, malgré une petite erreur dans la série de twizzles.

Natacha Lagouge et Corentin Rahier sont toujours juniors, mais ils ont tout, absolument tout de seniors en puissance. La sûreté et pureté de glisse (bon d'accord, Natacha va chuter, mais cela arrive aux meilleurs !), la justesse d'interprétation, ici sobres, fiers, le regard farouche. Et la technique. Même si Natacha vacille sur une suite de pas, ce qui se solde par une chute spectaculaire (on espère d'ailleurs qu'elle ne s'est pas blessée) dont elle a du mal à se relever, ils ont, de très loin, les meilleures bases techniques de la compétition. Ce ne pourra pas être reflété par les notes, ils ne sont que 3èmes de cette danse rythmique avec un total de 51.32 points. Ils obtiennent cependant la meilleure note de composantes de la compétition : 27.14. Ils sont pour moi LE couple qui incarne l'avenir de la danse sur glace française.