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Championnats du Monde 2021

Stockholm - 27 mars 2021

Danse Libre


Sinitsina/Katsalapov sacrés, mais derrière eux, des surprises...

 

Ils se connaissent par coeur et cela se voit. Dans cette danse libre sur "Andante" d'Einaudi et "Songs My Mother Taught Me" de Dvorak, tout leur est d'une apparente facilité. Victoria Sinitsina et Nikita Katsalapov remportent leur premier titre mondial, après avoir gagné les championnats d'Europe l'an dernier. Nikita, qui par le passé, patinait beaucoup parterre,  reste enfin debout et, dans la foulée, ne massacre plus ses twizzles. Victoria a trouvé sa place, elle s'est forgé sa propre existence aux côtés d'un partenaire qui l'a longtemps totalement éclipsée. Leur patinage est précis,  léger, doux,  sans tomber dans la guimauve, ni dans une théâtralisation excessive,  typiquement russe. Leurs lignes sont très belles. Les deux jeunes gens jouent sans doute encore trop de leur beauté, mais j'aimais ce programme l'an dernier, et je l'aime toujours. Tout n'est pas parfait c'est certain, en témoignent les niveaux 3 de la séquence sur un pied de Nikita, ainsi que de la serpentine,  mais leur victoire dans ce libre, comme dans la compétition est indiscutable. Derniers à passer sur la glace, ils empochent 133.02 points pour la danse libre et 221.17 au total.

 

Sur trente-deux couples présents à Stockholm, onze sont entraînés à l'Ice Academy de Montréal. Soit presque un couple sur trois ! On peut être surpris de voir Madison Hubbell et Zach Donohue patiner sur des thèmes romantiques, compte-tenu de leur physique puissant, mais ils s'en sortent bien. Tout est étudié dans leur libre sur le célèbre "Hallelujah" de Jeff Buckley, suivi de la version de K.D. Lang, pour adoucir, arrondir leur patinage. Et ça marche. Ils sont fluides, très connectés. Il n'empêche que l'ensemble a un arrière-goût d'artificiel. Je ne suis pas totalement séduite. La forte personnalité des deux danseurs semble gommée par cet ensemble trop lisse. Séquence sur un pied niveau 3 pour les deux, twizzles de niveau 3 pour Madison, circulaire niveau 2, autant de points de perdus. Avec un total de 214.71, ils décrochent une médaille d'argent pour la seconde fois de leur carrière, mais ne sont que troisièmes de cette danse libre (128.66).

 

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Mais qui est donc second de ce segment de la compétition ? A la surprise générale, y compris à la leur, Piper Gilles et Paul Poirier jouent les trouble-fête dans la bagarre russo-américaine prédite. Ils participent aux championnats du Monde pour la huitième fois de leur carrière ! (18èmes en 2013) Tout vient à point à qui sait attendre. Et en effet, ils ont attendu    pour être reconnus, Piper en pleure de joie dans le Kiss & Cry. Leur danse libre est à leur image : délicate, originale, recherchée, intellectualisée. Ils ont choisi pour thème cette année "Both Sides Now" de Joni Mitchell, chanson inspirée de l'essai de l'écrivain canadien Saul Bellow "Henderson the Rain King", qui traite des illusions que nous entretenons avec la réalité. Un peu abstrait pour le grand public, peut-être. Piper est toujours techniquement inférieure à Paul, mais le gros écart des débuts s'est considérablement réduit. Moins emportée que par le passé,  je ne retrouve pas l'émotion de leur "Vincent", hommage à Van Gogh. Mais ils ne commettent aucune erreur flagrante, leur programme est très propre. Ils sont seconds du libre (130.98) et médaillés de bronze avec 214.35, soit très près du score d'Hubbell/Donohue.

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Les grands perdants de ces Mondiaux sont sans aucun doute Madison Chock et Evan Bates,  champions des USA cette année. Ils ont conservé leur libre de l'an dernier : "Egyptian Snake Dance". Ce programme va rester dans les annales de la danse sur glace tant il est original, bien construit, un chef d'oeuvre visuel. Rien que le costume est Madison est un bijou.  J'aime les serpents, que je trouve magnifiques, mystérieux et fascinants.  Madison a t'elle été l'un d'eux dans une autre vie ? Elle est souple comme une liane,  toute en ondulations, spectaculaire. Elle ne quitte pas son partenaire des yeux, elle l'hypnotise. Evan a enfin pris du volume dans ce couple. Cet excellent danseur, à la tenue exemplaire et à la glisse ultra-fluide, s'est toujours montré réservé, en retrait de sa partenaire. Ce programme lui aura permis de s'affirmer, de se révéler. Le libre de Chock/Bates est sans doute mon préféré de toute la compétition, même s'il n'est pas aussi abouti et engagé que l'an dernier. Rien que la chorégraphie vaudrait une médaille à elle toute seule. Hélas, la médaille, ils la perdent sur une série de twizzles... Une hésitation d'Evan aura suffi. C'est cruel, mais c'est ainsi. Ils sont 4èmes du libre (127.54), et de ces championnats (212.69).

 

Je ne vois pas vraiment de cohérence ni de rapport entre "Primavera" de Ludovico Einaudi et "Cry Me a River" de Justin Timberlake, et je n'en voyais déjà pas l'an dernier. Alexandra Stepanova et Ivan Bukin, si. Tant mieux puisque ce sont eux qui patinent sur ces deux musiques. Pour une fois, leurs costumes sont noirs, simples,  sobres. Trop, même. En exécution, ils sont en deçà de leur niveau habituel. Rien de surprenant, entre une blessure au dos pour elle et la Covid pour tous les deux, leur entraînement a subi un sévère coup de frein. Alexandra est moins dans le surjeu que d'habitude, hélas ce n'est pas le cas d'Ivan. Pourtant le début du programme est doux et gracieux. La suite, sur la musique de Timberlake, part un peu dans tous les sens. Dommage ne pas avoir canalisé toute cette énergie dans un quelque chose de plus consistant. Ils commettent de petites  erreurs, qu'ils ont l'art de dissimuler, une de leurs forces. Leurs niveaux sont plutôt bons mais les notes ne monteront pas très haut. 125.75 pour ce libre, 208.77 au total, et une 5ème place. 

 

Si j'ai toujours pensé que Stepanova/Bukin étaient trop théâtraux, trop "in your face" (m-as-tu vu), les Italiens Guignard/Fabbri en sont l'exact contraire. Tout chez eux respire la classe, la grâce et la sobriété. Sur "Song for a Little Sparrow" d'Abel Korzeniowski (hommage à Edith Piaf), suivi d'un extrait de la BO. de "Atonement" de Dario Marinelli, ils exécutent un programme romantique et plein de charme. Le contraste avec leur Danse rythmique sur "Grease" et leur libre de l'an dernier sur "Space Oddity" de Bowie, est saisissant. Ils sont l'un des rares couples du circuit international à savoir évoluer dans toute une palette de registres différents avec le même bonheur. Je les aurais volontiers classés devant le second couple russe. Ils sont 6èmes du libre (124.16), et à la même place au général (205.20).

 

On passe en-dessous des 200 points avec Lilah Fear et Lewis Gibson. Depuis deux saisons, les Britanniques ont le vent en poupe, et surtout, la cote auprès du jury. Effet Gadbois ? Pas seulement. Il faut dire que leurs programmes sont enjoués et rafraîchissants, séduisants. Leur technique pure, elle, est moins attrayante : beaucoup de patinage à plat sur les carres, des difficultés évidentes à maîtriser certains éléments. Mais le programme est conçu avec une grande intelligence, afin de masquer leurs faiblesses. Le seul problème est... que ça se voit ! Comme la saison passée, vêtus de jolis costumes noirs et dorés, ils évoluent sur "Vogue" et "Like a Prayer" de Madonna. 22èmes en 2017, 24èmes au ras du couperet en 2018, 13èmes en 2019, ils font un grand bond en avant pour terminer à la 7ème place du libre et de la compétition (119.50/196.92).

 

Première sortie internationale et donc,  danse libre inédite,  pour les Canadiens Laurence Founier-Beaudry et Nikolaj Sorensen. Le thème est original et leur va à merveille : Danse holistique par Zola Dubnikova, une chanson de l'auteur-interprète des îles Feroe Eivor et un morceau de Glen Gabriel, compositeur et arrangeur suédois. Quasiment inconnus pour moi (sauf Eivor), j'ai l'impression de regarder un programme monté par Karine Arribert, ma référence en culture musicale ! Les tenues, sophistiquées et soignées jusqu'au moindre détail pourraient aussi sortir des mains de l'entraîneur villardienne. Laurence et Nikolaj sont rapides, à l'aise, et leur portés sont impressionnants. Rien n'est à jeter dans cette danse envoûtante et pleine de sensibilité qui aurait sa place aux Jeux Olympiques. J'espère qu'ils la conserveront l'an prochain. Ils sont 8èmes (119.01/196.88).

 

Sur le circuit mondial depuis 2013, vainqueurs de plusieurs Grand Prix Juniors et des championnats du Monde de cette catégorie à leurs débuts, premiers du NHK Trophy et des Quatres Continents en 2018, Kaitlin Hawayek et Jean-Luc Baker semblent avoir du mal à se hisser au-dessus des 9 ou 10ème rangs. Sur un arrangement très lent et très surprenant du "Heart of Glass" de Blondie par Philip Glass, leur libre est ambitieux. Ils le vendent bien, mais il y a une nette différence entre eux. Jean-Luc est meilleur technicien que Kaitlin, mais il est aussi trop exubérant dans ce thème toute en finesse, pendant que sa partenaire, elle, reste dans le bon ton. Le rendu est curieux, hétéroclite, sans osmose entre les deux danseurs. Ils prennent la 9ème place, comme lors de leurs précédents Mondiaux (113.43/188.51).

 

Tiffani Zagorski, (qui a perdu le Y à la fin de ses nom et prénoms et gagné un G à la place du H lors de sa naturalisation russe, prononciation oblige) et Jonathan Guerreiro, ont, eux aussi en cette année particulière, conservé leurs programmes de l'an passé. On les retrouve sur le thème très rock de "Tomb Raider". Le programme s'est bonifié, ils pourraient le patiner les yeux fermés, tous les automatismes sont là. Leur couverture de la glace est exemplaire. Un avantage pour eux dans ce domaine, ils sont tous deux très grands, ont des carres profondes et de longs membres mobiles, fins et puissants. Pour l'anecdote, Jonathan mesure 1m87, et Tiffani 1m72, ce qui en faisait jusque là les plus grands danseurs du circuit après Hubbell/Donohue (1.72/1.88). Ces messieurs sont dorénavant dominés par le Chinois Xyniu Liu et son mètre 90, à côté de qui sa partenaire, Shiuye Wang semble minuscule (1m63). Etonnant gabarit pour des danseurs sur glace ! Tiffani et Jon ont souffert du "tirage au sort Covid", c'est à dire de son absence, un handicap qui les a déjà éloignés des places d'honneur lors de la danse rythmique. Il en va de même lors du libre, où, passés dans un groupe de début de journée, leurs notes ne peuvent pas monter faute de références à leur mesure. Ils terminent 10èmes (112.87/188.45), deux rangs plus loin qu'en 2018, mais tout près de leur "Personal Best" (112.93). Fidèles à leur esprit perpétuellement positif et à leur mental solide, ils expliquent, dans la Zone Mixte, prendre les choses avec philosophie et être très heureux de leur résultat. 

 

Ils sont suivis au classement par Hurtado/Khaliavin (111.87/186.13). Sara est madrilène, Kiriil est né à Kirov. Pas de parité culturelle chez eux, toutes leurs prestations ou presque sont exécutées sur des thèmes espagnols. Kiriill est meilleur technicien,  et peut-être même meilleur danseur que Sara. Pourtant on ne voit qu'elle. Avec une nouvelle coupe de cheveux courte qui sied à son joli minois, elle continue hélas d'arborer un visage fermé, sévère. Sa robe noire à gros volants, un peu surannée, ne la flatte pas. Le programme est intéressant et bien construit,  tant au niveau technique dans le placement des éléments,  que dans la dimension chorégraphique. Il aurait même tout pour être excellent. Alors qu'est-ce qui ne va pas ? Rien et tout à la fois. La sauce ne prend pas. La musique de Davis Pena Dorantes [premier compositeur à avoir introduit du piano dans le flamenco] "Orobroy" a pourtant un fort potentiel d'émotion, de même que "Puerta Del Sol" de Manolo Carrasco. Or, on se retrouve devant une Sara à l'air furibonde,  et prête à exterminer tout ce qui lui barre le chemin, suivie par un Kiriil impassible et vaguement transparent, qui semble ne pas comprendre ce qui leur arrive. Est-ce l'idée que Zhulin, leur entraîneur,  se fait du flamenco ? J'en doute. Mais je regrette  le choix de la fédération espagnole,  et j'aurais préféré retrouver Olivia Smart et Adria Diaz, qui eux, savent se renouveler et captiver l'attention, même s'ils sont moins doués sur le plan technique. 

 

Douzièmes (183.33, et 14èmes du libre - 107.21), Natalia Kalizsek et Maksym Spodyriev ont heureusement abandonné le mauvais goût de leur danse rythmique pour prendre un virage à cent quatre-vingt degrés. "Heart", de Perpetual Emotion et "Natural" de Imagine Dragons servent de trame à une danse libre qui me laisse perplexe. La musique est résolument rock, les tenues hyper classiques, et ils patinent comme au bal de l'empereur. Je ne parviens pas à trouver de cohérence à tout cela, il doit pourtant y en avoir une. Aujourd'hui les juges ne leur font pas de cadeau, les notes sont moyennes, voire basses, mais justifiées. 

 

Adelina Galyavieva et Louis Thauron se classent à une honorable 16ème place (103.56/173.55). Après le festif "Mamma Mia", c'est au tour du très sombre "Le Parfum". Les patineurs s'expriment avec beaucoup de liberté et de conviction dans les deux registres. Interrogés sur la raison de ce contraste en Zone Mixte, Adelina me retourne la question: "Que préfères-tu voir ? Toujours la même chose ou des thèmes différents ?" Second choix, bien évidemment. Mais tous les danseurs ne sont pas capables d'une telle pluralité. Très concentrés sur la glace, très naturels aussi dans l'intensité dramatique, ils commettent cependant quelques erreurs qui vont grever leur précieux total de points. Leurs notes de composantes font le grand écart en transitions : de 6.75 à 8.50. Le reste est à peu près homogène. Mais leur donner presque trois points de moins qu'aux Polonais en PCS ne me semble pas très équitable. Je regrette que ce libre soit présenté pour la dernière fois car je l'aimais beaucoup. Mais je comprends aussi l'envie qu'ont nos danseurs de se renouveler ! 

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Comme lors du Challenge de Cergy en décembre, Evgeniia Lopareva et Geoffrey Brissaud sont sur les talons d'Adelina et Louis. 102.90 pour le libre, 179.70 au total. Les élèves de Fabian Bourzat et Roxanne Pétetin ont gagné trois places par rapport à la veille, ce qui n'est pas rien. Je suis une inconditionnelle absolue de leur "Adagio pour Tron". Tout m'enchante dans ce programme, la musique, les costumes, l'exécution, l'interprétation. Après la chaleur et le fun de "Too Darn Hot", changement complet d'atmosphère et d'émotion. Nous entrons dans un monde froid et robotique où des humains parviennent quand même à exprimer des sentiments à travers des regards et des gestes. La formation du couple est très récente et la situation sanitaire internationale  les a empêchés de travailler ensemble pendant de longs mois l'an dernier. Il reste beaucoup d'aspects à améliorer, en premier lieu l'osmose entre eux, mais leurs bases techniques sont excellentes et ils sont extrêmement motivés. Dans la zone mixte, ils ont le sourire derrière leurs masques, ils sont heureux. "On a vécu un moment merveilleux, même si les circonstances étaient particulières. Covid, huis-clos mais la compétition a eu lieu et c'était un moment intense, stressant, mais inoubliable. Nos premiers champions du Monde, en compagnie des meilleurs danseurs de la planète ! Le rêve ! Aujourd'hui, nous étions plus à l'aise qu'hier, plus confiants. Nous allons nous reposer un peu, puis nous remettre au travail, sur de nouveaux programmes." 

 

© Kate Royan (en ISU "remote access")

 

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Kevin, Denyss, Geoffrey, Pierre-Antoine, Cléo et Adeline encouragent Adelina et Louis
Kevin, Denyss, Geoffrey, Pierre-Antoine, Cléo et Adeline encouragent Adelina et Louis

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