Le premier titre mondial de cette saison est remis ce soir, à un couple Russe, mais pas forcément celui qu'on attendait.
Alors qu'ils pointaient à la 3ème place du programme court, Anastasia Mishina et Alexander Galliamov avaient annoncé qu'ils n'étaient pas là pour le bronze. Un programme libre impressionnant de précision technique marqué par une excellente combinaison triple Salchow-euler-triple Salchow met la pression sur les deux couples à venir. "We are the champions" retentit dans l'Ericsson Globe, et ils y croient les jeunes Russes. Une interprétation artistique qui parait encore un peu jeune, mais le travail est fait.
Le ton est donné pour les champions en titre Wenjing Sui et Cong Han. Toujours éblouissants sur les éléments de couple, Sui commet néanmoins de légères erreurs sur les passes de sauts individuels. Leur triple flip lancé signature lance une séquence finale magistrale, où les Chinois peuvent exprimer tout leur talent artistique, et leur maturité, empreinte d'une classe naturelle qui n'est plus à prouver. Cette supériorité aurait mérité d'être mieux reconnue par les juges, qui les placent derrière Mishina/Galliamov, avec un écart sur les composantes injustement peu marqué. Aucun doute que cette défaite leur donnera la détermination d'aller chercher le titre olympique qui leur manque dans un an, à domicile.
La pression repose entièrement sur les champions d'Europe 2020, Aleksandra Boikova et Dmitri Kozlovskii. Le programme, ils le connaissent bien, c'est le James Bond qui les a menés au titre européen. La chute sur triple boucle piqué elle, n'est habituellement pas dans leur gamme. Alors que le triple Salchow d'entrée parfait les lançait en confiance, Aleksandra Boikova faute par deux fois. Le triple Lutz lancé lui avait déjà posé problème en cours de saison, et il est à nouveau retourné ici. Deux grosses erreurs qui les forcent alors à se battre pour la médaille de bronze, eux qui semblaient promis à l'or. Les éléments de couple restent d'une qualité exceptionnelle, le programme convient toujours parfaitement à leur élégance et à leurs lignes. Mais ce ne sera pas assez pour battre leurs rivaux, et mademoiselle Boikova quitte le Kiss and Cry avec une frustration non dissimulée.
Au pied du podium, ce sont encore la Russie et la Chine au rendez-vous. Evgenia Tarasova commet exactement la même erreur sur triple boucle piqué que lors du court, privant le couple des précieux points de la combinaison. Le reste du programme se veut grandiose, mais tombe quelque peu à plat, les deux patineurs étant tellement concentrés que la prestation artistique en ressort bien fade, dénuée d'émotion. Dommage pour un couple dont les qualités techniques font partie des meilleures du circuit, comme le montre le triple twist, recevant le meilleur pointage de la soirée (quasiment que des +5).
Les autres Chinois Peng/Jin, ont au contraire un programme classique, mais dont le crescendo final est très bien monté, avec une construction intéressante: twist en 3ème position dans le programme. Toujours superbe sur les sauts lancés, mais toujours friable en parallèle, Cheng Peng signe une performance inégale qui les freine forcément dans leurs ambitions, mais leur assure le top 5.
Kirsten Moore-Towers et Michael Marinaro signent eux une belle remontée de la 10ème à la 6ème place, grâce à un libre solide, dont on peut regretter le manque de relief. Côté américain, c'est finalement la toute récente paire Knierim/Frazier qui prend l'ascendant sur Cain-Gribble/Le Duc. Les deux couples connaissent des difficultés sur les sauts individuels. Les éléments techniques de couple sont assurés, et le résultat reste satisfaisant pour les premiers qui ont constitué leur couple il y a tout juste un an. Cain-Gribble/Le Duc se détachent sur l'impression générale avec un programme qui met en valeur leurs qualités et leur silhouette élancée.
Entre les deux couples américains s'intercalent Nicole Della Monica et Matteo Guarise, beaucoup plus convaincants que sur leur programme court. Tous les éléments passent de justesse, notamment les deux lancés sur deux pieds, mais Della Monica revient d'une grosse blessure et ils permettent à l'Italie de conserver leurs deux quotas.
Les Japonais Miura/Kihara complètent le top 10. Ils sont pour moi la meilleure surprise de la catégorie couple. Malgré des erreurs pour elle sur les passes de sauts individuelles, le twist de niveau 3 possède une belle hauteur, la glisse est impeccable et les portés athlétiques de l'école canadienne sont très bien exécutés. Un couple qui progresse à toute vitesse sous la houlette de Bruno Marcotte et Meagan Duhamel, à suivre avec attention.
Coté français, Cléo Hamon et Denys Strekalin ne partiront pas satisfaits de ces championnats du Monde. Des erreurs sur les sauts individuels comme les lancés, des niveaux perdus et un porté en fin de programme encore difficile, à l'instar de celui des championnats de France, nos Français sont bien loin du niveau qui est le leur. On sent du stress et de la retenue sur ce programme pourtant plein de belles touches chorégraphiques. Un début sur la scène mondiale qu'il faudra prendre au titre d'expérience pour la suite: le potentiel est là, et nous les savons capables de bien plus. La qualification pour le libre était déjà une belle victoire pour s'inscrire dans la hiérarchie mondiale.
© Alice Alvarez (en "ISU remote access")