Solène : Félicitations pour ta deuxième place au Grand Prix de Sheffield. Comment te sens-tu? As-tu ressenti une pression supplémentaire liée à la qualification pour la finale du Grand Prix ?
Isabeau : Je n'ai pas ressenti de pression supplémentaire mais je suis très contente d'avoir réussi. C'était mon objectif pour la saison des Grands Prix. Concernant mes performances sur le programme libre, je suis déçue de la combinaison triple Lutz triple boucle. J'ai bien senti qu'elle n'était pas parfaite. Je suis assez contente du reste du programme. Je progresse lentement vers la performance que je veux réaliser.
Solène : A Sheffield, tu as enlevé la combinaison triple Lutz triple boucle du programme court mais tu l'as conservée dans le programme libre. Peux-tu expliquer ta stratégie ?
Isabeau : Je voulais me concentrer davantage sur la performance et un peu moins sur la technique. Avec le temps, je vais continuer à progresser, mais pour l'instant, je voulais me concentrer pour patiner comme une senior, exprimer quelque chose et me sentir libre. J'aime vraiment les combinaisons avec les boucles et j'aime les réaliser à l'entraînement. Elles me viennent assez naturellement, dans une certaine mesure. C'est un élément technique que je souhaiterai toujours inclure dans mon programme.
Solène : De quoi parle ton programme libre ?
Isabeau : Je suis un ange amoureux de quelqu'un sur terre, et je veux donc réunir le ciel et la terre.
Solène : Tu as un prénom français, Isabeau. Sais-tu d'où il vient?
Isabeau : Je le savais ! Je sais que ce "beau" signifie en Français... Je ne connais plus la suite de l'histoire, mais ma mère parle français, elle est allée à l'université en France.
Solène : D'ailleurs, ta mère est italienne et la finale du Grand Prix se déroulera en Italie. À quel point était-ce important pour toi?
Isabeau : Je suis contente de ne pas avoir déçu ma "nonna" (NB : grand-mère en italien) ! (rires). Je suis ravie de retourner en Italie. J'adore ce pays et je suis contente d'aller à une compétition où je peux comprendre la langue. C'est beaucoup plus facile.
Solène : Parles-tu couramment Italien ?
Isabeau : Oui, presque ! Je comprends tout ce qu'on me dit. Il me faut parfois du temps pour parler, les mots m'échappent. Mais je m'entraîne sur mon téléphone.
Solène : Tu as publié une photo de toi avec Carolina Kostner sur les réseaux sociaux. Raconte nous !
Isabeau : Oui, je l'ai vue et j'ai demandé une photo ! Elle est très douée pour communiquer avec le public lorsqu'elle patine et pas seulement avec les juges. Son patinage est authentique et beau.
Solène : Tu es passée des rangs juniors l'an dernier aux rangs seniors cette année. Quelle différence ressens-tu entre les deux ?
Isabeau : Chez les seniors, je côtoie des patineurs qui sont sur le circuit depuis longtemps. J'ai l'impression qu'ils sont plus détendus parce qu'ils ont l'habitude. Ils se connaissent tous et c'est amusant d'être dans le vestiaire avec eux. Ils sont amis et je commence à rentrer dans le club ! En plus, les seniors reçoivent plus d'attention médiatique que les juniors.
Solène : L'année dernière, tu as participé au championnat des États-Unis sans objectif particulier de résultat. J'imagine que ce sera un peu différent cette année ?
Isabeau : Je déteste dire que je veux obtenir un placement, mais je veux vraiment réaliser une très bonne performance et conserver un beau souvenir de cette expérience.
Solène : Quels sont tes patineurs préférés ?
Isabeau : D'abord Evgenia Medvedeva ! Puis Elizaveta Tuktamysheva.
Solène : Tu adores la danse classique et tu qualifies le patinage de "ballet sur glace". Quel est ton ballet préféré ?
Isabeau : C'est une question difficile...
Yulia Kuznetsova, son entraîneuse : Swan Lake, Giselle, Esmeralda... Elle sait très bien danser Esmeralda !
Isabeau : Ne dis pas ça, les gens vont vouloir le voir !
Yulia : Eh bien, j'ai des vidéos ! (Se tourne vers moi) Elle est belle quand elle danse !
Solène : Je sais que tu aimes lire. Que lis-tu en ce moment?
Isabeau : Je vais te montrer, je le garde avec moi : "One Italian Summer" de Rebecca Serle. J'ai choisi cela parce que je partais en Italie cet été puis je l'ai un peu oublié. J'avais acheté quelques livres mais lire prend du temps et le temps est un luxe. Mais ce livre est plutôt bien ! J'ai trouvé des citations profondes et intéressantes dont je veux me souvenir.
Solène : As-tu déjà pensé à interpréter un personnage d'un livre dans un programme ?
Isabeau : C'est vraiment une bonne idée. Je ne pense pas avoir encore rencontré un personnage qui m'inspire cela, mais j'ai parfois voulu devenir un personnage de livre pendant mes entraînements. En ce moment, je lis aussi Six of Crows de Leigh Bardugo. C'est un roman fantastique pour jeunes adultes. Une des personnages s'appelle Inej. Elle est très légère, comme un chat. Elle peut grimper aux murs et aux plafonds. Dans le deuxième livre, elle marche sur une corde raide pour transverser d'un endroit à un autre. Elle marche à 20 mètres dans les airs et un poignard lui transperce la jambe. Elle décrit la douleur intense qu'elle ressent mais elle ne peut pas s'arrêter. Elle doit continuer sinon elle va mourir. C'est assez extrême, mais je pense que beaucoup d'athlètes peuvent s'y identifier lorsque nous patinons des programmes libres, en particulier lorsque nous sommes blessés ou que nous ressentons une douleur. C'est moins dramatique bien sûr mais j'aime parfois penser à Inej.
Solène MATHIEU pour Skate Info Glace