Mai Mihara, qui détient déjà à son palmarès tous les métaux possibles de médailles sur cette compétition des Quatre Continents, nous offre un des plus jolis moments de la soirée. Sur le porteur "I dreamed a dream" des Misérables, elle réussit l'ensemble des difficultés techniques : total de 72,62 points pour une des favorites du public et un large sourire (masqué) dans le Kiss & Cry pour son meilleur score sur cette épreuve, avant même de savoir qu'elle finira en première position.
Elle répond aux journalistes en conférence de presse : "J'étais très stressée du début à la fin du programme, jusqu'aux applaudissements du public. J'étais même encore un peu tendue dans le Kiss & Cry, je ne savais plus quel score espérer ! Mais finalement j'ai battu mon record personnel et je suis très heureuse. Mon objectif ici est la médaille d'or, avec un programme long parfait. Cela me permettra d'oublier l'amertume et les regrets des championnats nationaux".
Lorsqu'un journaliste russe l'interroge sur comment elle peut battre les trois fusées russes (Kamila Valieva, Anna Shcherbakova et Alexandra Trusova) et s'il faudrait autoriser les quadruples sauts dans le programme court, son visage laisse transparaître une sorte de détresse amusée : "J'ai regardé les championnats d'Europe. J'étais impressionnée par les patineuses russes et leurs quadruples. J'aimerais pouvoir en faire aussi, mais je n'ai pas encore réussi. Je me concentre donc sur ce que je sais faire pour le réaliser avec la plus haute qualité possible. Concernant les quadruples sauts dans le programme court, il faudrait que j'y réfléchisse quand j'en aurai réussi un (rires)".
Haein Lee, que j'avais tant aimée sur sa Firedance lors de ses années en junior, a choisi un registre bien plus classique avec l'Ave Maria. Le contenu technique ambitieux (triple Lutz-triple boucle piqué, triple flip, double Axel) est maîtrisé. La très jolie séquence de pas n'est en revanche gratifiée que d'un niveau 3. Elle obtient 69,97 points et une deuxième place.
Malgré l'absence de traducteur coréen en conférence de presse, Haein parvient à nous livrer brièvement ses impressions : "J'étais très stressée mais j'ai réussi un bon programme. Je suis très heureuse de ma performance". Concernant les patineuses russes : "J'ai vraiment beaucoup de respect pour elles. Je voudrais réussir des quadruples plus tard, mais aussi des combinaisons quadruple-triple. Je vais continuer à m'entraîner."
Yelim Kim présente un contenu technique similaire à celui d'Haein Lee avec tout autant de réussite mais moins de charme et de vitesse. Son score est de 68,93 points, très légèrement inférieur à Lee, mais finalement plus en raison du score technique (la carre du Lutz a été sanctionnée) que du score de composantes artistiques. Elle aussi s'essaie au jeu des questions/réponses en anglais : "J'ai eu quelques imperfections sur ma séquence de pas et une pirouette, ce qui m'a déçue. Je voudrais inclure le triple Axel dans mon programme long, je vais en parler avec mon entraîneur."
Young You, considérée comme la favorite de la compétition, échoue en quatrième position. Alors que son triple Axel avait été réussi à deux reprises lors des six minutes d'échauffement, elle le manque complètement lors du programme. Elle parvient à se remobiliser pour réussir les éléments techniques suivants et sauver un score honorable de 67,86 points.
La Corée réussit donc un beau tir groupé sur les deuxième, troisième et quatrième places. La stratégie de la fédération coréenne a fait couler beaucoup d'encre ces dernières semaines. Alors que tous les pays ont protégé leurs meilleurs athlètes, de la fatigue et du COVID, en évitant de les envoyer à Tallinn, la fédération coréenne a misé sur ses meilleurs éléments dans l'espoir probable de rayonner sur ces championnats. Mission en partie réussie ce soir.
Le deuxième tir groupé est celui des Américaines, de la cinquième à la septième place.
Audrey Shin présente un joli programme sans faute, tout en délicatesse. Pas de difficultés majeures (flip ou Lutz absents), mais une combinaison de deux triples boucles piqués, un double Axel et un triple boucle maîtrisés. Elle obtient 67,20 points, son record sur un programme court.
Sur sa propre voix, Starr Andrews, chanteuse et patineuse, réussit un bon programme court avec une combinaison de deux triples boucles piqués et un triple boucle. On regrette également l'absence de difficultés plus importantes comme le flip ou le Lutz, sur lesquelles elle semble rencontrer des obstacles depuis maintenant plusieurs années. Elle obtient 66,60 points, à deux points de sa compatriote Gabriella Izzo, qui présente un contenu plus léger avec la combinaison triple flip double boucle piqué.
Sur une chanson française ("A Quoi Ca Sert l'Amour"), Rino Matsuike manque son programme court. La chute sur le triple flip lance mal sa chorégraphie. Elle parvient à placer un triple Lutz triple boucle piqué en fin de programme, avec cependant une sous-rotation qui provoque un retournement : résultat décevant avec 60,16 points et une huitième place.
Gabrielle Daleman fait partie des beaux noms de cette compétition, avec un sens artistique intéressant et le souvenir de sa médaille de bronze aux championnats du monde 2017. Malheureusement et à l'image de ces dernières années, Gabrielle ne réussit pas la performance technique qu'elle espérait : la combinaison de deux triples boucles piqués est chutée et le triple Lutz est retourné. Elle est neuvième avec 59,01 points et devance malgré tout les deux autres patineuses canadiennes, Alison Schumacher (11ème) et Veronik Mallet (13ème).
Belle performance pour Kailani Craine malgré un classement décevant (dixième). Le programme débute par un long et hésitant triple Lutz qui semble l'effrayer, mais qu'elle réussit avec une sous-rotation et une carre sanctionnée. La combinaison de deux triples boucles est belle mais en sous-rotation également. Les pirouettes sont de niveau 4 tandis que la séquence de pas est de niveau 2 seulement. Elle obtient 57,46 points. Le public semble surpris à l'annonce des notes, et un grand blanc se fait entendre dans cette patinoire bien peu remplie.
Sur place : Solène Mathieu - S.I.G. ©