Interview Kevin Aymoz

Championnats du Monde (Saitama, Japon)


Kevin Aymoz a réalisé deux programmes sans faute de très haut niveau lors des championnats du monde. Nous l’avons rencontré le lendemain de son programme libre, sourire aux lèvres.

 

Solène : Comment allez-vous, au lendemain de cette quatrième place mondiale ?

Kevin : Je suis toujours sur mon nuage… J’étais vraiment dans le moment présent et c’est la première fois de ma vie que je peux me rappeler tout mon programme libre. Habituellement, les émotions sont si fortes que je ne m’en souviens pas. A Saitama, je me suis presque vu patiner de l’extérieur. Mon état lors de ces deux programmes est difficile à décrire. J’étais si bien… dans ma bulle, en paix avec moi-même. Ma psychologue m’a beaucoup aidé pour préparer cela. Elle travaille notamment avec la fédération d’athlétisme. Nous avons parlé de ce que les athlètes ressentent quelques minutes avant leur course, leur saut ou leur lancer. J’ai réalisé que nos situations étaient similaires, et que je n’étais pas seul. Tous les sportifs traversent des zones nuageuses. En arrivant à Saitama, mes entraînements étaient difficiles à cause du décalage horaire mais j’étais déterminé. Le matin avant le programme libre, je me sentais très bien, je savais que j’étais prêt. 

 

Solène : Vous battez votre record de points sur un programme libre (187,41) !

Kevin : Avant l’annonce des scores, Silvia et moi pensions que j’aurais environ 175 points…

 

Solène : Et au moment de l’annonce des notes justement, vous avez quitté le Kiss & Cry !

Kevin : C’est Silvia qui est partie la première (rires). Je l’ai rattrapée ensuite. Fabrice Blondel a sauté de joie aussi ! C’est un très bon score et un record personnel. Sur le moment je ne pensais pas au classement. Avant mon programme, j'ai entendu les applaudissements du public pour Kazuki Tomono et Jason Brown. J’ai senti la chaleur du public pour ces patineurs. Cela ne m’a pas fait peur, au contraire. J’étais heureux de pouvoir récupérer à mon tour cette chaleur. Je savais que leurs scores étaient hauts, mais je ne jouais pas de place au classement. Je patinais dans le dernier groupe, je voulais profiter de cette chance. Quelqu’un de mon entourage m’a dit après la compétition “Mince, quatrième à nouveau, j’espère que tu n’es pas déçu”. Bien sûr que non !

 

Solène : Vous obtenez le troisième meilleur score de la compétition en composantes artistiques, et un 10 en présentation. J’imagine que cela est également source de satisfaction.

Kevin : Oui, j’en suis très content. La juge qui m’a mis ce 10 m’a expliqué pourquoi. Cela m’a fait très plaisir et m’a rassuré sur mon travail et ma performance. J’ai ressenti cette saison comme des montagnes russes. Le début de saison se passait bien, avec des quadruples relativement faciles et une première compétition réussie. Aux Masters, je me suis blessé à la cheville et je ne pensais pas patiner de la saison. Nous avons finalement repris doucement et le Grand Prix à Espoo s’est bien passé. Les championnats d’Europe ont été douloureux, et maintenant, ces championnats du monde illustrent la magie du sport.

 

Solène : Après les championnats d’Europe, vous aviez écrit sur les réseaux sociaux “Vous allez m’entendre rugir”. Comment avez-vous géré cette période de doutes ?

Kevin : J’ai pris une semaine de repos puis je suis allé aux championnats de France juniors pour accompagner Ninon Dapoigny dont j’ai chorégraphié le programme. Elle est entraînée à Grenoble par Françoise Bonnard. Elle a tenté des difficultés techniques impressionnantes et elle a fait un très bon score. J’ai admiré son courage et son esprit de compétition. Cela m’a motivé ! Mais je me suis préparé très vite, trop vite. Mes programmes étaient parfaits plusieurs semaines avant le départ pour le Japon. Mon pic de forme est arrivé trop tôt. La suite a été difficile, avec beaucoup de fatigue et un peu de fièvre. J’ai pris une pause de trois jours. Les entraînements ont été difficiles au niveau cardio, mais la persévérance a payé, les erreurs ont été de moins en moins nombreuses. Cela m’a donné confiance. Silvia m’a dit avant mes programmes de ne pas avoir peur de la fatigue et que mon corps savait ce qu’il devait faire. J’ai repensé à ces mots lors du programme et j’ai fait confiance à mon corps.

 

Solène : Vous aviez quitté les Masters en octobre en ambulance. Que voudriez-vous dire, maintenant, au Kevin d’il y a cinq mois qui est sur le brancard ?

Kevin : Beaucoup de choses... J’ai galéré après les Masters et j’attendais que d’autres personnes prennent les décisions pour moi. Mais finalement je les ai prises. Donc je lui dis merci à ce Kevin, car il a réussi à changer de cap.

 

Solène : Vous finirez votre saison au World Team Trophy mi-avril. Comment vous projetez-vous sur cette compétition ?

Kevin : Je suis heureux que la France soit qualifiée. Nous sommes sélectionnés au World Team Trophy depuis des années maintenant. Le double aller-retour Japon / Etats-Unis va être difficile en revanche. J’enchaînerai ensuite avec la tournée de l’équipe de France fin avril, sans oublier mes examens de DE. Je sais que je pars pour un mois intense ! Le World Team Trophy est une compétition intéressante avec à la fois une dimension individuelle où chacun veut se dépasser et un fort esprit d’équipe. Je suis heureux de pouvoir montrer à nouveau mes programmes et j’espère réitérer cette expérience de contrôle et de sérénité. 

 

Solène : Avez-vous des idées pour vos prochains programmes ?

Kevin : Oui, nous avons choisi les musiques ! La recherche de mouvements a commencé et nous allons démarrer le montage du programme libre début avril. Je vais avoir un printemps et un été chargés, avec notamment une tournée de galas au Japon. Je vais aussi chorégraphier les programmes de Maïa Mazzara, Ninon Dapoigny, Mila Bertsch à Grenoble, ainsi qu’une patineuse suisse et une suédoise. Mais tout est bien planifié !

  


Par Solène MATHIEU pour Skate Info Glace