© Olivier Brajon
© Olivier Brajon

Championnats de France Elite 2022

18 décembre 2021 - Cergy Pontoise

Danse Libre : Elegie pour danseurs d'exception


Elégie : "Petit poème lyrique sur un sujet le plus souvent tendre et triste." Somptueusement mélancolique cette danse libre de Papadakis/Cizeron en cette année olympique. Ils excellent dans ce registre et provoquent toujours autant d'émotion. Il a subi quelques changements depuis leurs dernières prestations, ce programme, et ce n'est pas une surprise. Jamais une danse de Gabriella et Guillaume n'est la même du début à la fin de la saison. Ils retouchent, tentent, testent, la font évoluer jusqu'à atteindre la perfection. Nous ne sommes qu'en début de saison, une saison balisée par un enjeu énorme qui ne revient que tous les quatre ans. Je regrette un peu la première mouture de la One Step Sequence et surtout le premier porté en "chandelle", qui étaient, à mon sens, plus originaux. Mais je ne me fais pas de souci. Cette "Elegie" est encore en gestation, elle ne va éclore pour de bon qu'à Pékin. Gabriella nous gratifie au passage, d'un nouvel élément de sa création (involontaire !) : le twizzle à genoux... Aussitôt relevée, à peine une demi-seconde de flottement pour reprendre le programme où il en était. Ca s'appelle avoir du métier ! Et le petit point de déduction ne change rien au résultat et à la qualité du programme, au moins aussi hallucinante niveau technique,  que celle de la danse rythmique. Avec une danse libre à 132.48 points pour un total général de 226.96,  le couple est couronné d'un septième titre national. A noter tout de même, que si, sauf bien sûr sur les twizzles, presque tous les grades d'exécution sont à 5, il n'y a pas eu aujourd'hui de 10 dans les skating skills. "Seulement" des 9.75, avec un petit 9.50 qui traîne au milieu. 

 

Pour moi, le couple Lopareva/Brissaud est le mix idéal de ce qui se fait de mieux en danse française et en danse russe. La technique est clairement tricolore, le feeling est typiquement de l'Est. Leur libre sur l'Adagio d'Albinoni et "Palladio" de Karl Jenkins est déjà très abouti,  même si les deux partenaires manquent encore d'unisson. Et je ne suis pas ultra fan des costumes trop classiques. Mais les voir évoluer avec une telle aisance et une telle conviction est un régal. Il y a encore du travail à effectuer sur les niveaux et sur les skating skills mais ils sont en constante progression, avec, à Cergy, un programme encore mieux patiné qu'en Grand Prix. Seconds du libre avec 119.28, ils décrochent une très jolie médaille d'argent à 195.92, quasiment vingt points devant leurs poursuivants. Depuis le retrait de Galyavieva/Thauron (qu'ils auraient sans doute dépassés cette année), ils sont les dignes héritiers de nos multi champions du monde. Dans un autre style, avec leur propre personnalité. J'admire leur facilité à s'exprimer, cette année,  aussi bien dans un Hip Hop accrocheur que dans le romantisme, registres quasiment opposés.

 

Loïcia Demougeot et Théo Le Mercier n'auront pas, pour autant, démérité. Ils sont plus en osmose que dans leur danse rythmique, toujours aussi complémentaires, mais en moins différents. La version choisie de leur Boléro est ambitieuse car difficile à patiner. Ils prennent des risques avec des portés à la limite de la rupture d'équilibre,  mais qu'ils tiennent sans difficulté. Ils sont tous les deux puissants, mais avec grâce et sensibilité. Un mélange de Hubbell/Donohue et de Virtue/Moir à leurs débuts ! Ils n'ont pas encore la technique affûtée des Américains et des Canadiens mais n'ont pas le même âge ni la même expérience non plus. Et ils font preuve de plus d'originalité. 104.36 et un total de 176.30 leur offrent leur premier podium national senior et la troisième place. 

 

Mais attention à Marie Dupayage et Thomas Nabais. Ces deux-là sont en embuscade depuis un certain temps, les ont déjà battus en championnat junior, les battent encore dans la danse libre aujourd'hui (ce sont eux qui sont 3èmes de ce segment de la compétition avec 106.88) et seulement 2 petits points 02 les départagent au classement général (174.28). Leur musique, "Innocent" de Fläskkvartetten,  est magnifique (mais où Karine est-elle encore allée chercher ça ?). Eux sont toujours aussi légers et fluides. La seconde partie, sur "Dance I - First Movment" par le Royal Philarmonic Orchestra est beaucoup plus rapide, tout aussi belle et patinée avec une remarquable sensibilité. Le genre de programme qui me donne le frisson. Marie et Thomas pourraient bien bousculer les rangs très rapidement. 

 

Natacha Lagouge et Arnaud Caffa sont 5èmes avec 97.68 dans le libre et 162.37 au total. Ce que je ne trouve pas cher payé pour un programme de cette qualité. Programme monté à Lyon par Olivier Schönfelder  et peaufiné en Finlande par Maurizio Margaglio et Neil Brown (que je remercie pour m'avoir apporté cette précision). Même danse libre que l'an dernier,  mais en dix fois plus réussie. Le programme a mûri, s'est étoffé, les danseurs aussi. Arnaud a encore une attitude un peu raide, et les deux partenaires patinent assez loin l'un de l'autre. Mais les voici dans un registre spectaculairement différent de leur danse rythmique. Je ne me souviens pas avoir déjà vu de patineurs créer un programme baroque. Où et comment rendre de l'hyper-classique à la limite du désuet,  ultra-original. Le tout est très bien dansé, très bien interprété, lui parfait en galant cavalier,  et elle très sensuelle et mutine. On se croirait vraiment à la cour du Roi, en plein menuet, avec un jeu de séduction parfait. 

 

Tout va mieux pour Lou Terreaux et Noé Perron que j'avais trouvés très en dessous de leur niveau lors de la danse rythmique. J'aime beaucoup leur montage musical, un même thème, Romeo et Juliette, en trois versions. Ils perdent tout de même deux points à cause d'une chute et d'un porté trop long. Les niveaux sont bons mais l'accumulation de petites erreurs finit par coûter cher. Ils sont les seuls Villardiens à participer à la fois à la compétition danse et à la compétition ballet (que Villard de Lans va d'ailleurs gagner). Peut-être leur faudrait-il faire un choix,  car performer dans deux disciplines différentes est très difficile et le double entraînement doit être chronophage. Eux n'ont visiblement pas de problème avec ce double rôle puisqu'ils disent y prendre beaucoup de plaisir. Ils sont 6èmes de la danse libre (82.92, 4 points en-dessous de leur meilleur score passé), et du classement final (142.35). 

 

Sur place : Kate Royan - S.I.G. ©