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Entraîné son père Masakazu, ancien compétiteur olympique en 1992 et 1994, Yuma Kagiyama franchit d'emblée la barre des 100 points (100.64) avec une confortable avance sur Denyss Vasiljevs (89.76), que, sans lui faire offense, personne n'attendait aussi haut dans le classement. Le Japonais de poche (1m62) entame son programme par un quad Salchow/triple boucle piqué parfait, suivi d'un quadruple boucle piqué tout aussi net. Il commet sa seule erreur sur le triple Axel qu'il retourne, perdant ainsi le bonus qui va avec. La chanson de Michael Bublé "When you're smiling" est un peu trop crooner-easy listening pour son style plutôt explosif, mais nous sommes en année olympique et peu de patineurs se risquent dans l'inédit.
Denyss Vasiljevs a tout pour être un excellent patineur : la volonté, le talent, une glisse pure, des carres profondes et une grande élégance. Mais une carrière en dents de scie depuis des années le classe au rang des inconstants. 4ème des championnats d'Europe 2018, il dégringole en 11ème position l'année suivante. Il passe du 6ème rang mondial au 21ème les deux même années. Avec lui, le suspens est toujours entier ! 4ème du récent Grand Prix de Turin, il semble bien parti pour gagner une place ici à Grenoble, devant Jason Brown, qui le suit à quelques dixièmes de points (89.76 pour Denyss, 89.39). Son court est net et sans bavure et patiné avec beaucoup de conviction. Son entraîneur, Stéphane Lambiel, vit le programme depuis la barrière avec encore plus d'intensité que son élève. Il est clair depuis le début de leur collaboration que Stéphane a fait de Denyss son héritier légitime, voire son clone, en lui inculquant son propre sens artistique. Il est tout aussi clair que ceci se fait au détriment d'un niveau technique que Denyss aurait dû atteindre depuis longtemps.
Jason Brown a le mérite de réussir à me faire aimer "Sinnerman" de Nina Simone, morceau que je déteste d'habitude. Il faut dire que l'Américain a la danse et le sens artistique dans le sang et surtout dans les patins. Il est sans doute le seul patineur actuel à pouvoir réellement interpréter cette chanson avec le feeling nécessaire. Un vrai danseur, celui que vous croisez dans la rue avec une démarche de prince à la Guillaume Cizeron, le dos droit comme un I, les épaules à l'équerre, bref , une prestance et une élégance folles. Son triple Axel es entaché d'un "quarter" (il pose une main sur la glace). Mais sa combinaison triple Lutz/triple boucle piqué est un modèle du genre. Je te le trouve un peu lent sur sa première pirouette, d'ailleurs elle ne lui vaut qu'un niveau 2.
Côté français, les meubles sont sauvés par un Adam Siao Hi Fa en grand forme. Son programme sur Star Wars lui va comme un gant. Il exécute une combinaison quad boucle piqué/triple boucle piqué d'anthologie mais loupe son triple Axel. Le quad Salchow passe également à la trappe malgré un bon départ. Sa séquence de pas est une vraie réussite. Adam a énormément progressé techniquement et sur le plan de l'expression. Il est 7ème avec 84.47.
On attendait Kevin Aymoz à domicile en meilleure forme que lors de ses précédentes compétitions, hélas, il semble toujours handicapé par une blessure qui lui mine le moral. Sur le petit chef d'oeuvre qu'est son court sur "The Question of You de Prince", repris stratégiquement cette année, il commence à par un quad éclaté en double et invalidé, puis chute lourdement sur le quadruple Salchow et perd le bénéfice de la combinaison qui va avec. Son triple Axel est toujours aussi beau et la fin du programme est bien réalisée. Mais le mal est fait comptablement parlant. Le pauvre Kevin, totalement déstabilisé, termine au 12ème rang avec un maigre score de de 63.98, derrière des patineurs qui, en temps normal, ne lui arrivent pas à la cheville.
Mon coup de coeur du jour est pour Dmitri Aliev, toujours aussi élégant et émouvant dans sa façon d'évoluer. La musique de Coeur de Pirate "Pilgrims on a Long Journey" est quasi-symbolique, Dmitri ayant tout du pèlerin embarqué dans un long voyage/carrière semé/e d'embûches, avec des résultats fluctuants et souvent un manque de chance flagrant. Il est aujourd'hui 5ème (85.5) avec un très beau programme, très propre qui aurait peut-être mérité des notes plus généreuses.
Agréable surprise aussi : Keegan Messing dont le patinage et les choix musicaux ne sont généralement pas ma tasse de thé. Sur la très jolie version de "Never Tear Us Apart" d'INXS interprétée par Joe Cocker, il suit Jason Brown à 2 tout petits dixièmes de points et termine à la 6ème place provisoire.
Romain Ponsart, moins inspiré que d'habitude sur "Keeping me Alive" de Jonathan Roy enchaîne les sous-rotations, et accumule les GOEs négatifs, ce qui est comptablement brutal au niveau score. Il est 10ème avec 66.36.
Sur place : Kate Royan - S.I.G. ©