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Redistribution des cartes dans ce programme libre : si Kagiyama reste aisément en tête, on trouve derrière lui Mozalev et Sato qui étaient respectivement 4ème et 9ème du court. La donne a changé et la compétition n'en est que plus intéressante.
Sur plusieurs morceaux de la B.O de Gladiator interprétés par des artistes différents - Lang Lang, Gavin Greenway, Russell Wilson, Andrea Bocelli - rassemblés dans un montage plutôt réussi, Yuma Kagiyama réalise un joli programme, mais inégal, avec quelques erreurs majeures. Quad Salchow, triple Lutz, quad boucle piqué/triple boucle piqué, triple Axel/Euler/triple Salchow, tout est réussi. Les ennuis commencent en seconde partie, avec un mauvais quad boucle piqué, une combinaison triple flip/triple boucle chahutée et un Axel avorté en simple pour éviter la chute. Ceci n'empêche pas Yuma de collectionner les niveaux 4 sur ses pirouettes, même si sa séquence de pas n'est que de niveau 2. Le Japonais est remonté comme une horloge et veut gagner, ce qu'il fait sans problème. 185.77 dans le libre et un total de 286.41 lui assurent une victoire indiscutable et indiscutée. Il est jeune, bourré de talent, ambitieux, il dit souhaiter être sélectionné aux Jeux Olympiques. Il devra affronter une grosse concurrence au Japon, mais il paraît capable de tenir le choc.
4ème du programme court, Shun Sato, inséparable de son ami Kaguyama, le rejoint sur le podium (264.99), en deuxième place après avoir fini 3ème du libre (177.17). Pour être honnête, et après tant d'années passées dans les patinoires, le "Fantôme de l'Opéra" me sort un peu par les oreilles... Ses flips, qu'ils soient en quad, ou triple en combinaison, ont une carre douteuse mais le contenu technique du programme est très dense et bien noté. Heureusement car les composantes sont, elles, assez basses.
Jason Brown est 4ème du libre (174.81) mais l'avance prise au programme court lui permet de monter sur la 3ème marche du podium. "La Liste de Schindler" n'en est pas à ses débuts dans les patinoires, il devient difficile de ne pas s'en lasser. Comme je suis en train de me lasser du patinage de Brown. Bien sûr, il est toujours aussi élégant, aussi danseur, aussi glisseur. Bien sûr, c'est l'un des patineurs les plus sympathiques et les plus attachants du circuit. Mais, au contraire du court, le programme manque cruellement de transitions et semble traîner en longueur. Quad Salchow incomplet, triple Axel/double boucle piqué (Tano), triple Axel en "quarter", un double boucle exécuté après une préparation de saut avortée en l'air, triple flip/triple boucle piqué, triple Lutz en carre douteuse/Euler/simple Salchow, triple flip parfait, il joue techniquement aux montagnes russes, on l'a connu plus serein et plus assuré. Ce libre est curieusement sans saveur, lui même n'a pas l'air convaincu par ce qu'il fait. Il est 4ème du libre avec 174.81 (et les composantes les plus élevées de la compétition, de 10 points supérieures à ses grades d'exécution) pour un total de 264.20, ce qui lui permet de conserver la 3ème place du classement général.
"Roméo et Juliette", quels qu'en soient l'auteur et la version, est une sorte de marronnier des patinoires. On en mange à toutes les sauces, toutes les saisons, depuis la nuit des temps. Mais... Sur le papier, une composition de Stéphane Lambiel aidé de la chorégraphe ukrainienne Kateryna Shalkina, ancienne soliste chez Béjart, le tout patiné par Deniss Vasiljevs, promet d'être splendide. Et c'est raté. Mais alors, complètement. Ce ne sont même pas les erreurs techniques (quad Salchow dégradé, triple Axel en sous-rotation) qui posent problème, c'est le programme tout entier. Pas moins de cinq morceaux du ballet de Prokofiev s'entrechoquent. Acte III n°37, acte I n°17, acte I n° 20, acte IV n°52, acte II n° 36 : on se croirait au tirage du loto et il est clair, dès le départ, que Deniss ne va pas remporter le gros lot. Il n'a ni la légèreté, ni la grâce de la veille. Au contraire, son patinage semble soudain alourdi, lent, confus, encombré de gestes pompeux et inutiles. Malgré de bonnes composantes, il plonge à la 7ème place (164.72) du libre et dit adieu à la médaille qu'il semblait pouvoir décrocher hier. Il reste cependant 4ème au classement général (254.48), mais 10 points derrière Jason Brown et la surprise qu'on attendait n'aura pas eu lieu.
Dmitri Aliev est 5ème, du libre (168.51), et de la compétition (253.56). Mon impression : du Petrenko et de l'Urmanov revisités. (J'étais grand fan des deux en leur temps, ce n'est donc pas une remarque entièrement négative). Le thème "And the Walz Goes On" d'André Rieu et le costume rouge avec chemise à jabot, sont à la fois un peu désuets et compassés, mais l'ambiance grand bal viennois doit le changer des puits de pétrole au milieu desquels il est né. Dmitri sait valser, très bien même, mieux qu'il ne passe un quad Lutz transformé en triple. Il manque un bout de son triple Axel '("quarter") mais toutes les autres difficultés passent. J'aime son patinage, son toucher de glace et surtout sa sensibilité, qui mériteraient mieux que ce libre un peu trop convenu.
6ème du libre (168.03) et du classement général (253.06), Keegan Messing a ressorti sa chemise à carreaux, et sa musique country. Ainsi que la photo de son bébé sur son téléphone dans le Kiss & Cry, comme la veille. Il rate un premier quad boucle piqué mais réussi le suivant en combinaison avec un double. Une erreur sur la combinaison triple Lutz/triple boucle piqué et une mauvaise carre en réception du triple flip lui font perdre des points précieux.
Tout va mieux pour Kevin Aymoz qui retrouve le sourire et son quadruple boucle piqué. Du coup, nous aussi, nous respirons un peu mieux. Sur le très mélodieux et délicat "Outro" de M83, il présente un programme techniquement allégé pour cause de blessures, mais ne commet pas une seule erreur. Il est le seul patineur de ce libre à n'avoir aucun grade d'exécution négatif. Ses composantes sont nettement plus basses que d'habitude mais l'essentiel est qu'il aie repris confiance. Et qu'il prenne le temps de se soigner en prévision des prochaines échéances. On ne peut que saluer sa prestation, exécutée dents serrées, mais tenue jusqu'au bout, avec le mental d'un vrai battant. 8ème du libre avec 164.10, et 9ème du général (228.08) le Grenoblois a assuré jusqu'au bout de la compétition. Bravo. Et ses larmes de soulagement, ainsi que celles de sa coach Silvia Fontana submergée par l'émotion étant contagieuses, je crois y avoir laissé un peu de mon maquillage !
Dans son costume noir à parures dorées, Adam Siao Him Fa et son staff ont choisi LE programme qu'il lui fallait cette année pour mettre en valeur toutes ses qualités et le faire avancer dans les rangs internationaux. Ce medley de Daft Punk arrangé par Cédric Tour est une vraie réussite aussi bien musicalement que chorégraphiquement et correspond trait pour trait à l'énergie et à la personnalité d'Adam. Le montage va crescendo avec un début lent (et un superbe quad boucle piqué) qui fait pressentir une montée en puissance tout au long du programme. C'est une composition ambitieuse sur le plan technique, non exempte d'erreurs, mais on sent chez le jeune patineur une volonté farouche de progresser et de monter dans la hiérarchie mondiale. 9ème du libre et 8ème au final, il bat son record de points de la saison avec 158.82 aujourd'hui et un total de 243.29.
Romain Ponsart, toujours très rock sur son thème d'Elvis Presley, démarre son programme en fanfare avec deux quadruples boucles piqués, dont un combiné à un double. Pas de triple Axel, mais c'est un saut qui semble le prendre en traître depuis un moment, faire l'impasse sur cet incontournable est finalement un bon choix. Romain a suffisamment subi de blessures dans toute sa carrière sans prendre de risques inutiles pour ce qui est son dernier Grand Prix de France et sa dernière saison. D'ailleurs il s'essouffle un peu techniquement aux deux tiers du programme. Je suis souvent déçue par ses notes de composantes, la finesse de sa glisse féline, la précision de ses transitions et ses qualités d'interprétation valant, à mon avis, plus que ce qu'il n'obtient. Ce Grand Prix n'échappe pas à la règle. Mais Romain décroche son "season best", ce qui est déjà un joli résultat. 145.89 le classent 10ème du libre et 11ème du général avec 212.27.
Mais comment a fait Andreï Mozalev pour terminer second de ce libre ? En fait, c'est plutôt la veille qu'il s'est loupé, avec une collection impressionnante d'erreurs : pas un seul saut n'est passé correctement, voire pas passé du tout. Il retrouve in-extremis son niveau aujourd'hui, et cette fois ne manque qu'un quart de tour sur son triple Axel, sa seule ligne de GOE négatifs. Sur "1492 : Conquest of Paradise" (musique qui m'évoque les J.O. d'Albertville en 1992), il campe un Christophe Collomb, ou tout du moins un aventurier, plus appliqué que convaincant, mais l'ensemble fonctionne et le programme est très agréable à suivre, avec la 2ème plus haute Base Value de la compétition derrière Shun Sato. Mozalev n'était pas sûrement pas venu pour terminer 7ème du général (248.54), mais les 179.77 points engrangés dans le libre n'auront pas suffi a compenser le ratage complet de son programme court.
Sur place : Kate Royan - S.I.G. ©