Après une longue absence pour blessure, l’Américaine Bradie Tennell a vécu une saison 2022-2023 pleine de défis. Nous l’avons rencontrée, avec un collectif de journalistes.
Comment se sont passés les championnats du monde ?
Bradie : Très bien ! Ma performance lors du programme court était meilleure que celle aux Quatre Continents. L’objectif principal à Saitama était de profiter de chaque seconde sur la glace car cela a été une année tellement difficile, à la fois physiquement et émotionnellement. C’étaient les montagnes russes. Je voulais simplement patiner et me rappeler pourquoi je suis revenue à la compétition et dans quel but j’ai autant travaillé cette saison. Le programme libre n'était pas ma meilleure performance. J’étais déçue, notamment car mes entraînements étaient bien meilleurs. C'était dommage que cette contre-performance se produise aux championnats du monde, mais je suis fière de mon combat. J'ai manqué le deuxième triple Lutz lors de presque toutes mes compétitions cette année, donc je suis contente de l'avoir réussi aux Mondiaux. J'ai ensuite pu mettre le triple boucle piqué après le triple flip. C'était une belle réussite. Bien sûr, il y a eu quelques erreurs bêtes, mais j'ai essayé de tenir bon. Ce n'était pas mon meilleur programme libre, mais cette expérience m’a rendue plus forte.
Le public était debout après vos deux programmes.
Bradie: J'en étais tellement reconnaissante. C'était mon premier championnat du monde devant un public depuis 2019. Voir le public se lever pour mes deux programmes était incroyable. La dernière compétition avant ma blessure était le World Team Trophy au Japon. Revenir dans ce pays et recevoir à nouveau le soutien du public japonais était merveilleux.
Vous avez mentionné être particulièrement attachée à votre programme court (sur la musique de Michigan 7 de Kirill Richter, arrangé par Cédric Tour). Pouvez-vous expliquer pourquoi ?
Bradie : Je jouais du piano quand j'étais jeune mais j'ai ensuite arrêté pour me consacrer au patinage. Je ne joue plus autant qu’avant mais je me sens connectée à cet instrument depuis mon enfance. J'ai été surprise quand Benoît Richaud m'a dit en début de saison, à Zagreb, que nous allions changer mon programme court. Il m’a ensuite fait écouter ce morceau et m’a expliqué son idée. Le programme commençait par la tristesse et la mélancolie, puis passait des ténèbres à la lumière. Cela représente mon cheminement vers le retour au patinage et à la compétition. Aux Mondiaux, lors de la séquence de pas, j'ai même oublié que j'étais en compétition. Je me sentais emportée par la musique et j’ai pu lâcher prise et ressentir toutes les émotions.
Après votre blessure, avez-vous parfois envisagé d’arrêter le patinage ?
Bradie : Oui. Il y a eu de nombreux moments de doute. J'ai eu beaucoup de blessures dans ma carrière, mais revenir en 2022 et m’entraîner pour avoir de nouveau le niveau requis pour un championnat du monde a été un sacré défi. Une semaine avant les Mondiaux, je me suis demandé plusieurs fois si je pouvais et voulais continuer. Avant ma blessure, je ne me serais pas permise de ressentir ces choses. Maintenant, je ne rejette pas ces pensées tout de suite. Je les écoute. Je me suis demandé plusieurs fois si je ressentais encore de la joie quand je patinais. A chaque fois la réponse était oui. J'aime tellement ce sport. Je ne suis pas prête d'y renoncer. Même s'il y a des doutes dans ces moments plus difficiles, je sais que je peux compter sur les gens qui m'entourent, ma famille et mes amis. Et surtout, je dois me faire confiance.
Au début de la saison, auriez-vous cru possible de participer aux championnats du monde ?
Bradie : Non, cela a été une année difficile et rien ne s'est déroulé comme prévu.
Comment avez-vous évolué sur le plan personnel ?
Bradie : Je suis beaucoup plus à l'aise avec qui je suis. Lorsque vous grandissez, vous pouvez ressentir la pression de vos concurrents ou d'Internet. Il est facile de s’y laisser prendre. Nous recevons parfois des commentaires indélicats sur les réseaux sociaux. Quand on grandit, on se rend compte que rien de tout cela n'a d'importance. Je me fixe des objectifs et je travaille pour les atteindre. Je fais ce que j'aime et je le partage. Je vis mon rêve d'enfant. Cela fait de moi une gagnante. Si quelqu'un n'aime pas mon patinage, ce n'est pas grave. Vous n'êtes pas obligé de l’aimer. Je suis fan de mon patinage, j'aime ce que je fais et je travaille dur pour en être fière.
Comment trouvez-vous la vie en France ?
Bradie : C’est tellement beau ! Mais trop chaud. Je suis sérieuse (rires). C'est tellement différent de Chicago ! J'ai envoyé des photos ensoleillées à mes amis pendant un blizzard à Chicago. J’adore vivre en France, même si j'ai parfois le mal du pays. Je n'étais pas rentrée aux Etats-Unis depuis plusieurs mois. J'étais ravie de revoir ma famille, mes amis et mon chien.
Prévoyez-vous de nouveaux programmes pour l’année prochaine ?
Bradie : Oui. J’ai adoré mes programmes cette année, mais nous en créerons de nouveaux avec Benoît.
Solène MATHIEU - Skate Info Glace