Après douze ans à évoluer au niveau senior international, les champions du monde de danse sur glace 2023 Madison Chock et Evan Bates ont décidé de se lancer dans une nouvelle saison et participeront aux Grands Prix à l'automne. Nous les avons rencontrés, accompagnés de quelques collègues journalistes, afin de faire le bilan de la dernière saison et discuter de projets futurs.
Comment vous sentez-vous après ce titre de champions du monde ?
Madison : Nous avons mis du temps à réaliser. Juste après avoir décroché le titre, nous étions épuisés. Après une compétition, l'adrénaline retombe et notre corps ressent une grande fatigue. Nous sommes toujours endoloris et affamés ! Mais la joie que nous ressentons est indescriptible. Nous avons travaillé dur pendant de nombreuses années pour remporter ce titre. Nous ne nous attendions pas à ce que cela prenne autant de temps (rires), mais je ne changerais rien à notre parcours et aux obstacles que nous avons surmontés.
Evan : Nous avons célébré notre victoire avec l'équipe américaine à Saitama. Les parents de Madi et les miens sont venus des États-Unis. Il était important pour nous de partager ce moment avec eux. Ils nous ont initiés à la glace quand nous étions très jeunes et ont sacrifié leur temps et une partie de leurs ressources financières. Les parents de Madi ont même déménagé de la Californie au Michigan pour lui permettre de pratiquer la danse sur glace à l'âge de 13 ans.
Vous aviez rencontré quelques obstacles et revers en début de saison. Comment avez-vous réussi à les surmonter ?
Madison : Plus le chemin est difficile, plus la récompense est gratifiante. Nous avons traversé une saison mouvementée avec de nombreux changements dans nos programmes, notamment dans la danse libre.
Evan : L'automne dernier a été honnêtement l'une des périodes les plus difficiles de notre carrière. Après le trophée NHK, nous avons beaucoup réfléchi et avons même envisagé de revenir à une ancienne danse libre.
Madison : Mais il y avait quelque chose dans notre danse libre qui résonnait en nous. Je sentais que ça pouvait fonctionner. J'adorais sa direction artistique et je savais que nous avions simplement besoin de plus de temps pour la développer. Nous avons décidé de croire en nous. Nos entraîneurs étaient à 100% avec nous dans cette décision et nous ont fourni tout le soutien dont nous avions besoin pour réussir.
Evan : L'équipe d'entraîneurs de l'Ice Academy de Montréal nous a beaucoup aidés. Ils ont mobilisé toutes leurs ressources pour nous aider à façonner l'histoire de notre danse libre. Nous avons dû effectuer de nombreux changements. C'était difficile, mais nous savons que cette saison restera l'une des plus mémorables de notre carrière.
Madison : Même pendant les Grands Prix, notre objectif était toujours le même : remporter les championnats du monde. Les revers que nous avons rencontrés n'ont pas changé notre objectif.
Vous avez chuté lors de la danse libre aux championnats du monde. L'attente dans le Kiss & Cry a dû vous sembler longue avant de savoir si vous alliez remporter la victoire.
Madison : J'aurais clairement été déçue si nous avions perdu à cause de cela. La chute n'était pas sur un élément technique, donc j'espérais vraiment décrocher la médaille d'or, car le reste de notre programme était vraiment bon. J'aurais été déçue d'avoir travaillé si dur et d'avoir surmonté tous les obstacles, mais nous l'aurions accepté et cela n'aurait pas altéré notre opinion sur notre patinage et la longévité de nos carrières.
Madison, pouvez-vous nous parler de vos différentes robes pour la danse libre ?
Madison : Les robes ont évolué au fil de notre histoire. J'aime particulièrement la robe rose avec laquelle j'ai commencé la saison. Elle était aérienne, légère et fluide. J'espère avoir l'occasion de la porter à nouveau, mais au fur et à mesure que notre programme évoluait et que l'histoire et la musique changeaient, nos personnages se sont développés davantage et nous avons ressenti le besoin de nouveaux costumes. Si nous avions eu plus de temps pour nous préparer pendant la période hors saison, nous aurions peut-être pris cette décision plus tôt, mais je ne regrette pas la façon dont les choses ont évolué. Nous avons travaillé rapidement avec Mathieu Caron et son équipe sur cette nouvelle robe. Elle a été imprimée sur du tissu à l'aide d'une technique de sérigraphie spéciale. Je n'avais jamais vu quelque chose de similaire auparavant. C'était amusant et différent de notre processus créatif habituel qui implique principalement un crayon et du papier. Cette fois-ci, nous avons tout fait sur un iPad ! Ma robe est très confortable et occupe très peu d'espace dans mes bagages (rires).
Et qu'en est-il de votre maquillage pour la danse libre ? Vous aviez seulement du rouge à lèvres au centre des lèvres.
Madison : C'était une idée amusante que j'ai eue. J'en ai discuté avec Marie-France et nous avons décidé d'essayer. Ce rouge à lèvres reflétait l'esprit du feu.
Guillaume Cizeron a chorégraphié votre programme de gala sur Nightcall. Comment avez-vous vécu cette expérience ?
Evan : Travailler avec Guillaume a été incroyable. Il nous a beaucoup aidés, y compris pour la danse libre, lorsque nous avons apporté des modifications chorégraphiques après les Grands Prix. Il possède un talent inné sur la glace et en tant que chorégraphe.
Madison : Sa manière de se mouvoir et de concevoir le mouvement est très intéressante. Nous adorons Guillaume ! C'est un trésor.
Avez-vous des projets pour l'avenir, après votre carrière ?
Evan : Nous envisageons de devenir entraîneurs et de rester impliqués d'une manière ou d'une autre dans le monde du patinage. Nous avons vu nos amis comme Scott Moir, Madison Hubbell et Guillaume Cizeron devenir entraîneurs. C'est une belle façon de rester en contact avec la jeune génération. Le meilleur apprentissage pour les patineurs est de bénéficier des conseils de ceux qui ont vécu ces expériences avant eux. Je me suis toujours senti très connecté à Marie-France et Patrice, car ils ont vécu les mêmes expériences que nous, en tant que danseurs sur glace et couple en dehors de la glace.
Madison : J'envisage également de concevoir des costumes pour les patineurs.
Beaucoup de patineurs adoreraient cela ! Avez-vous déjà reçu des demandes en ce sens ?
Madison : Kaitlin Hawayek m'avait demandé de concevoir un costume pour sa danse rythmique pour la seconde moitié de la saison. Cela ne s’est finalement pas fait, mais j'ai été honorée qu'elle me demande mon avis. J'ai également travaillé avec Olivia Smart sur sa robe de danse libre pour les Jeux Olympiques en proposant des croquis et des choix de couleurs. L'année dernière, Jason Brown m'avait demandé de dessiner le costume de son programme court pour Daniel Grassl. J'ai également suggéré des idées pour Hannah Lim et Ye Quan la saison dernière.
Envisagez-vous de rester à Montréal après votre carrière en compétition ?
Madison : Nous adorons Montréal et nous y resterons peut-être encore un moment, mais je pense que nous retournerons ensuite aux États-Unis pour nous rapprocher de nos familles.
Parlez-vous un peu français ?
Evan : Plus qu'à notre arrivée (rires). Je suis capable de lire le menu d'un restaurant. C'est un progrès.
Evan, vous avez été élu à la Commission des Athlètes de l'ISU l'année dernière. Pouvez-vous nous parler de votre travail ?
Evan : La Commission des Athlètes s'efforce d'améliorer la communication entre les patineurs et l'ISU. Nous discutons également des changements de règles sur lesquels travaille l'ISU. C'est une expérience enrichissante.
Madison : Depuis l'élection d'Evan, de nombreux amis et patineurs sont venus le voir pour poser des questions ou faire part de leurs préoccupations. C'est rassurant de savoir que quelqu'un peut porter notre voix.
Avez-vous envisagé de travailler pour l'ISU au-delà de votre rôle au sein de la commission des athlètes ?
Evan : Pas encore. Je pratique le patinage depuis longtemps et j'ai tissé de nombreuses relations au fil des années. On m'avait proposé de me présenter à la Commission des Athlètes et j'y ai réfléchi avant d'accepter. Si d'autres opportunités se présentent à moi, j'y réfléchirai sérieusement.
Que pensez-vous du développement de la danse sur glace et des nouvelles règles pour la saison prochaine ?
Evan : Je suis enthousiaste quant à la direction que prend la danse sur glace. Au cours des deux premières années qui suivent les Jeux olympiques, tout le monde est prêt à expérimenter différentes choses. Nous verrons ce qui fonctionne, et lors des deux années précédant les Jeux olympiques, nous maintiendrons les choses telles qu'elles sont afin que les juges, les entraîneurs et les patineurs s'y habituent. L'année prochaine, il y aura un changement intéressant avec la Silver Samba qui deviendra un élément chorégraphique. Ainsi, nous conservons une partie de l'ADN de la danse sur glace en intégrant le pattern dans un élément chorégraphique. L'un des partenaires devra exécuter les pas de la Silver Samba, tandis que l'autre pourra effectuer n'importe quels pas et les partenaires pourront échanger leurs rôles. Nous commençons à briser les normes de genre dans le patinage. Nous verrons beaucoup plus de créativité, et le public va adorer le thème des années 80 choisi pour la danse rythmique l'année prochaine. Il y aura également des changements dans la danse libre, offrant plus d'opportunités de créativité, notamment avec les éléments chorégraphiques. Au lieu d'avoir une séquence chorégraphique entre les lignes bleues, nous pourrons effectuer un cercle, une diagonale ou une ligne droite. Le comité technique fait un excellent travail et est ouvert aux nouvelles idées.
Madison : Il y a de belles avancées, notamment avec la Fédération canadienne qui permet désormais aux couples de même sexe de participer aux compétitions. J'ai hâte de voir comment cela se déroulera et si de nouvelles équipes se formeront.
Solène MATHIEU - Skate Info Glace