Marie-France Dubreuil a fondé l’Ice Academy de Montréal avec son mari et ancien partenaire Patrice Lauzon et le chorégraphe français Romain Haguenauer. Tous trois enchaînent les succès depuis quelques années, avec des couples comme Gabriella Papadakis & Guillaume Cizeron, Tessa Virtue & Scott Moir ou encore Madison Chock & Evan Bates, champions du monde 2023 en danse sur glace. Marie-France et ses cinq collègues étaient présents à Saitama pour les championnats du monde avec leurs dix (!) couples de danseurs. Nous l’avons rencontrée à cette occasion.
Solène : Les danseurs de l’Ice Academy de Montréal parlent de votre centre d’entraînement comme d’un lieu structuré mais familial. Quelle est votre vision ?
Marie-France : Nous essayons de créer une culture d'excellence avec ces athlètes et une communauté qui devient une famille. Ils se côtoient beaucoup en dehors de la patinoire. Nous aimons que les choses soient bien faites, claires et structurées mais nous voulons aussi développer les personnalités de chacun et personnaliser l'entraînement pour que cela fonctionne avec chacun d'entre eux. Ce n'est pas une usine où tout est fait de la même façon. La structure est organisée mais nous nous adaptons aux besoins de chaque couple.
Solène : Vous entraînez les meilleurs couples du monde, qui sont en concurrence sur la glace. Comment vous assurez-vous que l’Ice Academy de Montréal conserve l’ambiance familiale que vous avez voulu y insuffler ?
Marie-France : Nous proposons un entraînement holistique. Chaque couple de l’Ice Academy de Montréal comprend ainsi que la vraie compétition n'est pas celle avec leurs concurrents mais celle envers eux-mêmes. Ils travaillent pour devenir meilleurs physiquement, techniquement, émotionnellement et mentalement. L’objectif n’est pas d’essayer de battre un autre couple mais de se développer et de devenir meilleurs, compétition après compétition, et sur toutes les dimensions de leur être. Être un patineur de haut niveau n'est pas uniquement maîtriser la technique et l'artistique. C'est un développement de toute une vie !
Solène : Avez-vous toujours un projet d’ouvrir un centre d’entraînement en Europe ?
Marie-France : Oui… Nous avons semé des graines et nous attendons que la bonne opportunité se présente. Pour ouvrir d'autres centres, nous avons besoin d'entraîneurs avec les mêmes valeurs que celles que nous insufflons dans nos deux centres au Canada (Gadbois et London).
Solène : Peut-être avec des anciens danseurs de votre école ?
Marie-France : Oui (sourire). Nous avons quelques danseurs qui vont bientôt arrêter la compétition...
Solène : Vous créez également des chorégraphies pour des patineurs individuels. Quelle place ont ces projets pour vous ?
Marie-France : Je crée peu de chorégraphies pour des patineurs en individuel mais j'aime cela. Les individuels sont toujours très dynamiques et j'essaie d'aller chercher leur vulnérabilité. C'est très stimulant. Je choisis des projets qui me parlent, un ou deux projets maximum par an.
Solène : Vous avez notamment travaillé avec Kaori Sakamoto, qui parle peu Anglais. Est-ce que le langage du corps vous a permis de surmonter la barrière de la langue ?
Marie-France : Le langage du corps, et Siri (rires). Les premiers échanges en visio ont été compliqués, mais quand nous avons commencé à être sur la glace toutes les deux et à bouger sur la musique, cela a été plus facile. C'est une patineuse qui bouge bien et qui s'est investie à 100% dans notre travail ensemble.
Solène : Le couple coréen que vous entraînez à Montréal, Hannah Lim et Ye Quan, est à mes yeux l’une des révélations de la saison chez les juniors. Hannah crève l’écran. Comment travaillez-vous avec eux ?
Marie-France : Hannah n'a aucune limite sur ce qu'elle peut faire avec son corps et ses émotions. C'est naturel chez elle et c’est un plaisir de travailler cela avec eux pour aller encore plus loin. Elle ne veut pas interpréter la musique, elle veut être la musique. C'est un très beau niveau d'engagement. Que ce soit avec le professeur de ballet, le professeur de danse se salon ou sur la glace, elle comprend tout de suite ce que nous voulons voir, avec juste un ou deux mots d’explication de notre part. Quant à Ye, son partenaire, c'est un cerveau et il analyse beaucoup. Cela nous donne une artiste et un architecte, ils se complètent très bien !
Solène : De manière plus générale, qu’est-ce qui vous inspire ?
Marie-France : Mes vacances (rires) ! Je trouve mon inspiration dans plein d’endroits, mais j'ai hâte de passer plus de temps dans la nature.
Solène MATHIEU - Skate Info Glace