Cinq centièmes. On a connu avance plus confortable pour Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron. Mieux vaudra ne pas battre des cils une fois de trop lors de la danse libre...
Ils ont pourtant patiné l'une de leurs meilleures danses rythmiques de la saison. Les costumes ont changé, ils sont moins sobres et moins années 80, le bandeau à la Leroy de Guillaume a disparu. Tout le reste est là : la vitesse d'exécution, l'enthousiasme et l'humour, la Finnstep de niveau 4 et tous les key-points validés, les twizzles eux aussi de niveau 4, tout comme le porté en ligne droite. Le niveau tombe à 3 pour la séquence de pas diagonale, ainsi que pour la Pattern de Gabriella. Les notes de composantes sont légèrement supérieures à celles obtenues à la Finale du Grand Prix de Turin. Le premier prix d'originalité leur revient encore et toujours. Ce "Fame" est d'une fraîcheur sans cesse renouvelée, les deux danseurs parviennent à se montrer à la fois sensuels et très deuxième degré. Malgré la difficulté de l'exercice, ils s'en donnent à coeur joie, ils se "lâchent" pour employer un langage plus actuel. Un seul mot pour décrire cette RD ? Brillante. Au propre comme au figuré. Vaut-elle plus des 88.78 points obtenus ? Ce n'est pas exclus.
Ô sacrilège, traîtrise patriotique, qu'on me pende... j'aime le couple russe Sinistina/Katsalapov et ça ne date pas de cette année. Ce qui aggrave cruellement mon cas, j'en ai conscience. Ils n'avaient, jusque là, été opposés à Gabriella et Guillaume que lors de la Finale du Grand Prix qu'ils avaient terminée à une piètre 6ème et dernière place. Mais quand Nikita reste debout et ne massacre aucun twizzle, tout peut changer. Tout a changé. Lui qui en faisait des tonnes, a très largement gagné en sobriété dans l'expression et dans le geste. Techniquement, Victoria a progressé de manière spectaculaire. Leur danse rythmique aujourd'hui, sur le très classique "Singin' in the Rain" est remarquablement exécutée. Ils ont tous les deux une classe folle, et plus rien de la rituelle théâtralité russe qui finissait souvent par agacer. Chaque mouvement est millimétré, gracieux, totalement inspiré de la version originale de Gene Kelly et Debbie Reynolds. On peut trouver le thème suranné, mais la performance, elle, est parfaite. Oui, les notes montent au-delà du raisonnable. Supérieurs à Papadakis/Cizeron en interprétation ? Non, c'est évident. La Finnstep est, logiquement, un niveau en-dessous (3), et pas sûr que la médiane vaille un niveau supérieur. Mais si ce n'est l'écart de notes que je trouve manifestement trop faible, ils ne volent pas leur seconde place ni leurs 88.73 points. Ce sont Gabriella et Guillaume qui ont été sous-notés, plus d'un point sous leur meilleur score de la saison. Volonté évidente du jury de mettre fin au phénomène "eux et les autres" ? De resserrer les rangs, même si ce n'est pas, aujourd'hui, justifié ? Lors de la réunion des juges précédant la compétition, le juge arbitre a exhorté ses ouailles à ne pas abuser de la note maximum (+10) en composantes lors de la danse rythmique. Si la consigne ne me semble pas inique, tant il est difficile de donner une note parfaite à des éléments qui comportent leur part de subjectivité, il est, par contre, évident qu'elle pénalise ceux qui en bénéficiaient jusque là. A savoir, Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron. Tout ira bien dans le meilleur des mondes si, à l'avenir, les composantes de tous les danseurs descendent...
Charlène Guignard et Marco Fabbri s'installent provisoirement à la 3ème place avec un très bon score de 84.66. Après avoir changé leur thème en cours de saison pour "Grease", ils ont maintenant acquis une vraie confiance et une aisance que je trouve supérieure à leurs prédécesseurs Anna Cappellini et Luca Lanotte. Ils ont, surtout, de bien meilleures bases techniques. Eux non plus ne volent pas leurs score de 84.66. Niveau 4 pour le porté, les twizzles et la Finnstep dont tous les key-points sont O.K. Niveau 3 pour les deux partenaires pour la Pattern ainsi que pour la médiane. Un jugement qui me semble équitable.
La Russie a son proprement mouvement écologique et ce, jusque dans la danse sur glace. Avec l'air brassé par Stepanova/Bukin au long de leur "Moulin Rouge", à grands mouvements de bras, jambes et tête, il est sûrement possible de fournir de l'électricité à la moitié de Moscou, et à bas coût. Attention, je ne dis pas qu'ils sont mauvais danseurs, loin de là. Ils sont tous les deux talentueux, leur technique est excellente, et le thème n'est pas mal choisi même s'il est un bateau (pas plus que "Singin' in the Rain"). Mais que de sur-jeu, que de mimiques outrées... Le seul passage de cette RD qui a grâce à mes yeux est la Finnstep, tonique et glissée, et la rotation ultra-rapide de la jeune fille. Cette séquence n'est que de niveau 3 et il manque un key-point, mais elle est tout à fait spectaculaire. Le porté final est peu élégant, alambiqué, voire d'un goût douteux quand Ivan se retrouve le nez dans l'arrière-train de sa partenaire. Et si le baiser final ne me choque ni ne me dérange, il me semble, par contre, franchement inutile. En un mot comme en cent, cette danse rythmique est pour moi un loupé quasi complet. Les notes techniques sont cependant sévères, quand celle de l'interprétation de la musique est, au contraire, excessive.
Ils sont suivis, à 8.55 points, de leurs compatriotes Zagorski/Guerreiro. Si des danseurs sont capables d'interpréter "The Greatest Showman", ce sont bien eux. Leurs personnalités sont aussi différentes que complémentaires. Tiffany est de feu, rayonnante, solaire, Jonathan est un danseur solide, mais également délicat, romantique, un brin rêveur. Ils forment un couple équilibré et très intéressant. Leurs twizzles obtiennent un niveau 4, mais leur Finnstep seulement un 2 et les deux premiers key-points ne sont pas validés. Leur porté rotationnel, qui magnifie la haute taille longiligne de Tiffany tourbillonnant à l'horizontale, est de niveau 4 et leur médiane reçoit un 3. Le programme est bien construit, dynamique et emporte l'adhésion totale du public.
Adelina Galyavieva et Louis Thauron pointent à la 13ème place (66.85). Je les trouve un peu sous-notés, mais c'est peut-être subjectif. J'aime leur joie de patiner et leur spontanéité. Au contact d'une Adelina ultra-pétillante, et débordante de vie, Louis s'est totalement épanoui. En clair : Adelina lui laisse de la place, de l'air, il peut s'exprimer à loisir, il a des choses à dire et à montrer. Et ça fonctionne. Très bien même. Ils ont l'air tellement heureux sur la glace qu'on aimerait pouvoir danser avec eux ! Tout comme le "Greatest Showman" de Zagorski/Guerreiro, leur "Mama Mia" fait un tabac auprès du public. Le programme comprend des erreurs qui vont leur coûter un peu plus de points qu'elles ne devraient , avec une Finnstep de niveau 1 et aucun key-point de validés. Le Pattern est de niveau 2 pour les deux partenaires, mais ils ont d'excellents twizzles, ultra-synchrones et rapides (niveau 4). Ils peuvent être fiers de leur prestation.
Comme le sont, à raison, leurs camarades Evgeniia Lopareva et Geoffrey Brissaud. Directement issus des rangs juniors, ils participent aux championnats d'Europe pour la première fois. Respecteux et admiratifs devant leurs aînés, mais pas intimidés. Ces deux jeunes gens ont la tête solidement vissée sur les épaules. Ces qualités se voient dans leur patinage, beaucoup plus pensé et élaboré que leur jeune âge ne le laisserait supposer (20 et 22 ans). J'avais déjà été frappée par leur élégance et leur maturité lors des Masters de Villard de Lans. Sur Foxtrot, Quickstep et Swing de la chanson "Too Darn Hot" (mise également à l'honneur par le couple américain Chock/Bates cette année), extraite de la comédie de Cole Porter "Kiss Me Kate", ils ont une présence et une couverture de glace dignes d'un couple très expérimenté, alors qu'ils n'évoluent ensemble que depuis la saison dernière. Ils sont 15èmes avec 65.68.
Sur place : Kate Royan