Place au programme long des dames, pour clôturer la semaine de compétition à Graz. Rappelons que la championne et la vice-championne d'Europe ne sont pas présentes pour défendre leurs titres. Alina Zagitova a en effet annoncé vouloir faire une pause dans sa carrière, et Sofia Samodurova n'a pas été qualifiée pour la compétition, en raison de sa neuvième place aux très relevés championnats nationaux russes.
Alena Kostornaia emporte son premier titre de championne d'Europe, au terme d'un très bon programme avec deux triples Axel, mais entaché d'une chute étonnante sur le triple Lutz final, qui lui laisse croire pendant quelques minutes qu'elle ne quittera Graz qu'avec la médaille d'argent. Les difficultés rencontrées lors des six minutes d'échauffement sur le triple Axel la contraignent à se concentrer sur ce saut, au détriment du triple Lutz qu'elle ne prépare pas du tout. Cette stratégie risquée a donc montré ses limites. Son programme sur le thème de Twilight, qu'elle a elle-même choisi, n'est pas aussi subtil et envoûtant que son programme court, et la chute sur le triple Lutz la perturbe dans son interprétation du thème vampiro-romantique. Alena n'est que deuxième du programme long, mais l'avance importante du programme court lui permet de l'emporter au combiné des deux épreuves. Son visage s'éclaire à l'annonce du résultat. L'Europe a sacré sa nouvelle reine du patinage.
Le scénario est très similaire à celui de la finale du Grand Prix de Turin (en décembre 2019), puisque Anna Shcherbakova gagne le programme long, sans toutefois que cela soit suffisant pour remporter la compétition. Elle tente trois quadruples sauts (deux Lutz et un flip). Le premier Lutz en combinaison avec un boucle piqué est impérial. Malheureusement, la rotation est légèrement incomplète sur le flip, et le deuxième Lutz est sévèrement dégradé. L'oiseau de feu Anna propose une interprétation convaincante du thème d'Igor Stravinski. Comme à chaque compétition, le changement de costume conquit le public et participe au charme de ce programme.
Alexandra Trusova complète le podium et permet à la Team Tutberidze de récolter toutes les médailles de cette compétition. A l'entraînement du matin, nous avions pu constater les difficultés importantes rencontrées par la patineuse sur le quadruple Lutz, qu'elle avait manqué à de nombreuses reprises. Elle persévère et le tente durant la compétition, avec malheureusement une chute prévisible. Le quadruple boucle piqué triple bouclé piqué qui suit est très bien réalisé et la remet en selle. Le deuxième quadruple boucle piqué est malheureusement très incomplet et chuté, à notre grande surprise tant son taux de réussite sur cet élément est élevé. Elle a la présence d'esprit de replacer la combinaison prévue non effectuée (Euler triple Salchow) plus tard dans le programme. C'est une stratégie habituelle, et systématiquement préparée par coachs et patineurs, mais qui peut se révélée ardue dans le feu de la compétition.
Alexandra est, pour la troisième fois après la finale du Grand Prix et les championnats de Russie, la « perdante » du trio russe avec une simple médaille de bronze. Nous assistons à un renversement des forces en présence, au détriment de celle qui brillait pendant les deux saisons précédentes. Alors qu'Anna Shcherbakova trouve les ressources techniques et la constance pour se rapprocher voire devancer Alena Kostornaia, Alexandra Trusova semble depuis quelques semaines légèrement dépassée. Remettons tout de même les choses dans leur contexte, en rappelant qu'il s'agit dans le cas de ces trois patineuses de performances techniques historiques.
Si vous n'aviez jamais vu une sportive heureuse de sa quatrième place, laissez nous vous présenter Alexia Paganini. Elle réalise un bon programme long, avec une seule erreur (chute sur le triple Lutz), sur le sympathique thème de La La Land. A l'annonce des notes, elle ne peut retenir sa joie. Le public de Graz et Alexia savent que le trio russe est inatteignable (elle finit d'ailleurs à plus de 32 points des médaillées). Une quatrième place constitue ainsi un excellent résultat et positionne Alexia comme la première patineuse européenne hors Russie.
Emmi Peltonen ne réitère pas sa bonne performance du programme court, mais se maintient en cinquième position. Sur une musique à l'étonnant nom de « Vinegar and salt », elle assure un programme correct, avec toutefois quelques erreurs techniques. Le résultat final est satisfaisant, et meilleur que ce que nous pouvions pressentir, Emmi n'étant pas connue pour sa constance et ses nerfs d'acier.
Ekaterina Ryabova se classe sixième. L'élève d'Evgueni Plushenko, qu'on cherche toujours en bord de piste, délivre un programme un peu laborieux sur le thème du Parrain.
Pour sa dixième participation aux championnats d'Europe, Maé-Bérénice Meité se classe neuvième avec un bon programme. Il s'agit en revanche d'une première participation pour ses camarades de l'équipe de France, Maia Mazzara et Léa Serna. Maia réalise une excellente performance, en se classant huitième du programme long et onzième au classement général. Pour une première compétition internationale majeure, il s'agit sans nul doute d'un résultat à saluer. Après une bonne dixième place au programme court, Léa Serna recule à la seizième place. Le programme avait pourtant bien débuté, avec des difficultés majeures (Lutz et flip) bien réalisées (à noter cependant que les juges sanctionnent ses carres peu claires sur ces sauts). Il est difficile de comprendre pourquoi la seconde partie du programme, pourtant plus simple (boucle piqué et Axel) ne se passe pas comme prévu.
Ce podium 100% russe confirme leur indiscutable suprématie en Europe. L'entente entre les trois jeunes médaillées semble très bonne, mais le bonheur des uns fait évidemment le malheur des autres et il n'est pas aisé pour tout le monde de garder le sourire. Alena fait un geste sympathique envers ses camarades d'entraînement et les invite à la rejoindre sur la première marche du podium, pour vivre ensemble la quatrième hymne russe de la semaine.
Lors de la conférence de presse, à la question de savoir si elles veulent participer aux championnats du Monde juniors (début mars à Tallinn), elles choisissent de répondre en coeur et en riant : "non". Elles se concentreront sans aucun doute sur les championnats du Monde senior (fin mars à Montréal), où elles feront figure de favorites.
Sur place : Solène Mathieu