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Est-il déjà arrivé à une équipe d'entraîneurs de placer trois couples en tête d'une première épreuve de danse, dans un Finale de Grand Prix ? Même Madame Tatiana Tarasova, une des plus célèbres coaches du monde, n'a pas réalisé cet exploit. Marie-France Dubreuil, Patrice Lauzon, Romain Haguenauer, Pascal Denis et leur collègues peuvent déjà sabler le champagne. En attendant d'y ajouter les petits fours demain ?
Les bandes noires des costumes d'entraînement de Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron ont été remisées au placard. Tant mieux. Les revoici dans leurs tons de bonbon pastel, avec juste ce qu'il faut de second degré dans l'attitude. Nul doute que cette RD sur "Fame" restera dans les annales de la danse sur glace. Leur Finnstep est un modèle du genre, facile et puissant, tout en restant léger. Il n'obtient pourtant qu'un niveau 3 avec trois key-points validés sur quatre. Leur second "pattern" est également de niveau 3. Nous avons tous pris l'habitude de voir le couple français effectuer des programmes sans faute, c'est donc une grande surprise que de voir Gabriella trébucher, et, de justesse, éviter de mettre un genou à terre (ou plutôt "à glace") dans la Midline Step Sequence. Si elle n'est pas tombée, ce sont les GOEs qui, logiquement, chutent. Twizzles et porté rotationnel de niveau 4 concluent cette danse rythmique, grand succès auprès du public. Leurs notes de composantes s'échelonnent de 9.25 à 10. Avec un total provisoire de 83.83, ils sont assez loin de leur record personnel du récent NHK et n'ont qu'un petit point et onze centièmes d'avance sur leurs coéquipiers montréalais Hubbel/Donohue. De quoi tenir le suspens jusqu'à la fin de la danse libre !
Depuis le début de la saison, j'essaie de comprendre si la danse rythmique de Madison Hubbell et Zachary Donohue est à prendre au premier degré ou au second. L'arrivée de Madison sur la glace vêtue d'un manteau de fausse fourrure crème fait pencher la balance en faveur d'un clin d'oeil ironique. Une robe rouge vif a remplacé la blanche, peut-être un peu trop sage. Zach porte à présent un maillot de base-ball orné d'une étoile dans le dos, pour camper le célèbre joueur des New York Yankees, Joe DiMaggio, qui fut le mari de la grande star américaine. Si cette danse est bien construite et bien chorégraphiée, je ne suis pas sûre qu'elle corresponde à la personnalité des deux patineurs. Les mimiques sont trop accentuées pour un un programme sentimental, pas assez pour un pastiche. L'exécution manque de légèreté. Madison et Zach ont un patinage puissant et athlétique, et la trame romantique, même teintée d'humour, n'est pas faite pour eux. Tout ici est en demi-couleurs au lieu d'être bouillonnant d'une énergie naturelle qu'ils ont du mal à freiner. Même niveau 3 et même trois key-points que Papadakis/Cizeron validés pour la Finnstep, même niveau pour le second pattern, mais les twizzles de Madison sont inférieurs d'un cran à ceux de son partenaire. Les scores sont pourtant très serrés : 45.12 pour les Américains contre 45.52 pour les Français en TES ; 37.60 contre 38.31 en composantes. Madison et Zach obtiennent même une note de Performance très légèrement supérieure à celle de Gabriella et Guillaume : 9.50 contre 9.46. A peine un grain de poussière, mais suffisamment rare pour être noté. Seconds avec un total de 82.72, ils sont talonnés par leurs compatriotes et troisième couple du centre Gadbois Madison Chock et Evan Bates.
Evan paraît un peu moins à l'aise qu'à Grenoble lors des Internationaux de France. Madison est toujours ultra-sensuelle sans une once de vulgarité. Légers comme des plumes, ils nous gratifient de leur meilleure Finnstep de la saison, même si, comme ceux qui les précèdent au classement, on parle toujours de niveau 3 et de trois key-points validés sur quatre. Le second pattern est de niveau 2 pour elle, 3 pour lui, et les twizzles de niveau 4 pour tous les deux. Je préfère la jeune femme avec le cheveux libres, mais le chignon lui donne un charme et un chien renversants, "Too Darn Hot" (vraiment trop sexy), la musique est appropriée.
Espérer une saison entière sans que Nikita Katsalapov massacre un petit bout de twizzles, c'est un peu croire au Père Noël... Or, justement, le jury nous montre que le Père Noël existe : l'erreur, pourtant visible à des kilomètres, ne sera pas sanctionnée. Il est vrai que l'erreur n'est pas survenue sur la série de twizzles proprement dite mais dans un passage chorégraphique. Beaucoup pensent que le blond Moscovite en fait trop, or je le trouve parfaitement dans l'esprit des films musicaux des années 50, sur un "Singing in the Rain" interprété par les deux partenaires avec brio. Comme souvent, le programme a été monté pour faire de Monsieur l'homme fort, l'homme guide, et de Madame, une fleur délicate. Mais ils sont excellents chacun dans leur rôle. Sinitsina/Katsalapov sont ici pour décrocher une médaille, mais les notes ne vont pas être à la hauteur de leurs attentes. Leur prestation, partie tambour battant, s'est étiolée en cours de danse. Niveau 2 pour leur Finnstep, deux key-points validés seulement, second pattern de niveau 2 pour elle, 3 pour lui. Ils ne sont cependant que 72 dixièmes de points derrière Chock/Bates en TES et ils les battent de peu en composantes. Encore des scores très serrés, 81.51 pour les Russes, et donc de grands bouleversements possibles lors de la danse libre.
La mauvaise affaire du jour est pour leurs compatriotes Stepanova/Bukin, 5èmes. Autant le dire tout de suite, malgré les qualités de ces deux danseurs excellents, leur RD cette saison ne me plaît qu'à moitié. Et même, en y réfléchissant, elle ne me plaît pas du tout. Pourquoi avoir associé deux musiques - "Diamonds are a Girl's Best Friends" de Marylin Monroe et "Your Song" de Moulin Rouge par Ewan McGregor - qui ne vont pas du tout ensemble ? Le rythme et l'esprit sont différents, les thèmes, l'un sensuel et léger, l'autre poétique et mélancolique, sont presque opposés. Ce soir Alexandra n'est pas du tout en carres, peut-être pas non plus en forme. Mal remise de sa blessure au dos de l'été dernier ? Je parlais de coiffure masculine dans l'article du programme court hommes, le problème est récurrent. Les longues mèches sur le crâne d'Ivan ont tendance à partir à l'horizontale, comme douées d'une vie propre. Les deux patineurs sont rapides, et les mèches, volontairement rebelles, ne connaîtront guère de repos pendant ces deux minutes cinquante. Mademoiselle Stepanova est très sexy, mais sans avoir la distinction naturelle de Madison Chock, ou de Viktoria Sinitsina. Tout dans ce programme manque de subtilité, y compris le baiser langoureux de la fin, comme si grossir le trait faisait partie du jeu. Leur score de 81.14, est, encore une fois, très proche de celui de leurs concurrents. Tout peut arriver demain.
Même s'ils ont commis des erreurs, je trouve Piper Gilles et Paul Poirier sévèrement notés. J'ai une tendresse particulière et une sincère admiration pour les efforts d'originalité qu'ils déploient chaque année. "Mack and Mabel", leur thème de cette saison, est une production musicale des années 70 à Broadway, l'histoire des amours d'un réalisateur d'Hollywood avec l'une de ses stars le plus célèbres. Leur danse est construite sur la sensibilité et les points forts de ses interprètes. A la fois enjoués, doux-amers, espiègles et charmants, ils ont un patinage rapide, fluide, tout en glisse et rondeurs. Ils obtiennent exactement les mêmes niveaux que Stepanova/Bukin, mais des notes inférieures. Je trouve leur programme beaucoup plus intéressant et créatif que celui des Russes, même si ces derniers ont de meilleures bases de patinage. 6èmes avec 79.53, leur sera t'il possible de bousculer les rangs établis ? Réponse demain à partir de 19h25...
Sur place : Kate Royan