Internationaux de France 2019

Denys Khodykin, 1 mètre 84, Daria Pavliuchenko, 1 mètre 49. En reviendrait-on aux années 80 et à la vague des couples "un et demi" avec une jeune femme moitié moins grande que son partenaire ? Avec les deux Moscovites, il s'agit plutôt de "un et trois quarts". La différence est tout de même criante. Elle ne doit pas être bien lourde non plus Daria. Même si portés et lancés ne sont pas que question de force mais aussi et surtout de dynamique, il est sans doute plus facile de patiner avec elle qu'avec une jeune femme qui dépasse le mètre soixante. Ce n'est pas un reproche mais une constatation et j'aime leur patinage, à la fois énergique et fluide, mais somme toute très classique. J'aime aussi "Storm", du musicien hongrois Balazs Havasi (aussi agréable à regarder qu'à écouter...) Seconds du Skate America cette année, les deux jeunes Russes sont en forme : triple boucle piqué parallèle parfaitement à l'unisson ; triple boucle piqué et triple boucle lancés limpides. Les notes sont un peu moins bonnes sur la spirale de la mort et la séquence de pas, respectivement niveau 3 et niveau 2. Fraîchement émoulus des rangs juniors - ils ont gagné les championnats du Monde de Sofia dans cette catégorie en 2018 - avec une seule année d'expérience chez leurs aînés, ils manquent encore de "feeling" et d'expression, mais leur rigueur technique est impressionnante. 76.59 les classent facilement premiers.

Ils ont gagné la Finale du Grand Prix juniors de Vancouver l'an dernier et ont donc un an d'expérience de moins chez les seniors. Anastasia Mishina et Aleksandr Galliamov sont associés depuis le printemps 2017, après que l'ancien partenaire d'Anastasia, Vladislav Mirzoev, avec qui elle fut médaille d'argent des Mondiaux Juniors 2016 et vainqueur de la Finale du Grand Prix de Marseille, ait élégamment mis fin à leur collaboration parce qu'il la trouvait... trop ronde. Où est-il aujourd'hui Vladislav Mirzoev ? Nulle part. Karma, baby, karma... Je mets bravement mon allergie à Lara Fabian et à son tonitruant "Je suis Malade" de côté, pour apprécier le contenu du programme. Eux, sont en pleine santé mais n'interprètent pas grand chose non plus, concentrés qu'ils sont sur leurs difficultés techniques. Pêché de jeunesse. Leur triple twist a un niveau de moins que celui de leurs compatriotes (3 au lieu de 4) et il est rapidement assez clair qu'ils seront classés derrière. Le triple flip lancé est bon, le triple Salchow parallèle aussi, mais quelques points s'envolent avec la spirale, la séquence de pas et la pirouette combinée. 73.77 pour ceux qui sont parmi les grands favoris d'un Grand Prix où, en l'absence de James/Ciprès,  et en pleine crise de chauvinisme, ou de sentimentalisme - ou les deux -  avec les couples, ici à Grenoble,  j'avoue m'ennuyer un peu...

Si les programmes des Russes auront été exempts d'erreurs majeures, ce ne sera pas le cas de ceux des teams américains qui les suivent au classement. "Quidam" du Cirque du Soleil pour les élèves de Silvia Fontana et John Zimmerman, et donc camarades d'entraînement de Vanessa et Morgan. Avec Haven Denney et Brandon Frazier, comme avec ceux qui les devancent aux points,  on est très loin de l'interprétation et donc de l'émotion des meilleurs mondiaux. Restent les éléments. Grâce à eux, ils ont été 3èmes du récent Skate America. Ils sont là pour égaler, voire améliorer leur performance. Une seule erreur mais elle coûte cher : Haven est en sous-rotation dans le triple Salchow parallèle. Rien n'est pour autant perdu en vue d'un éventuel podium avec un score de 68.65.

J'aurais parié sur une performance supérieure des Texans Ashley Cain-Gribble/Timothy Leduc et j'aurais donc perdu. J'ai un faible pour leur musique "A Storm is Coming" du compositeur Tommee Profitt,  habitué des bandes originales et séries télévisées, chantée par Liv Ash. Ils ont mis les bouchées doubles cette saison : stage chez Nina Mozer, chorégraphie de Massimo Scali et Misha Ge. Ils sont, de loin, les meilleurs interprètes de la soirée, aidés par une construction de programme cohérente et adaptée à la mélodie. Vainqueurs du Challenger Series de Salt Lake City en fin d'été, puis 5èmes du Skate America, leur triple twist n'obtient ici qu'un niveau 2, leur triple Salchow est à l'unisson mais en sous-rotation et Ashley chute sèchement à la réception du triple Lutz lancé. Leurs composantes sont supérieures à celles de Denney/Frazier et Mishina/Galliamov, mais cela ne suffira pas à les classer plus haut que le 4ème rang (66.12).

On connaît bien le couple italien Della-Monica Guarise, beaucoup moins Rebecca Ghilardi et Filippo Ambrosini qui ne s'épanouissent que depuis la retraite de Marchei/Hotarek en 2018. Radical changement de registre musical : du hip-hop avec "Sky in the Sky" de Jason Derulo. La chorégraphie respecte assez mal le tempo de la chanson et pour cause : il est lent et en même temps très marqué au début, puis trop rapide pour eux à la fin. Leur triple twist, de peu d'ampleur, n'est crédité que d'un niveau 1, et de GOE négatifs. Triple Salchow en sous-rotation, triple Lutz lancé correct, pirouette combinée avec changement de pied complètement désynchronisée. Je retiendrai de ce programme un très beau porté Axel Lasso groupe 5 et une suite de pas dans laquelle ils mettent tout leur coeur. Ils sont 5èmes avec 59.62.

Avec, pour coach, une ancienne médaillée d'argent olympique en 1976, Romy Österreich qui, comme son nom ne l'indique pas (il signifie Autriche en allemand) patinait pour la République Démocratique Allemande, Minerva Hasse et Nolan Seegert ont quelques atout en main : une belle glisse, fluide et régulière. Elle mériterait un support musical un peu moins mièvre que "Open Hands" de la New-Yorkaise Ingrid Michaelson accompagnée de Trent Dabbs. Si le programme s'ouvre sur un triple twist raisonnablement bon, les choses se gâtent vite pour le couple berlinois. Minerva tombe à la réception du triple boucle piqué parallèle. Le triple Salchow lancé est net, mais la jeune femme chute dans la séquence de pas et heurte son partenaire. Dommage. Ils occupent pour le moment le 6ème rang de ce programme court avec 59.13.

Les Canadiens Camille Ruest et Andrew Wolfe, élève de Richard Gauthier, obtiennent 57.90 points avec un programme bien conçu, mais moyennement exécuté sur "Let Me Down Easy" de Max Frost. Encore une chanson très "radio" qui n'apporte pas de profondeur à l'exercice. La prestation du couple autrichien Ziegler/Kiefer entraîné par Bruno Massot, est, à mon avis, plus intéressante. Au son de "In Your Hands" de Charlie Winston (auteur de l'incontournable hit de 2009 "Like a Hobo"), ils ont une présence et une couverture de glace bien supérieures. Mais ils enchaînent des erreurs technique qui ne pardonnent pas : twist mal réceptionné, triple Salchow téléphoné et parterre pour lui, pirouette combinée sans aucune synchronisation, triple Lutz lancé atterri sur deux pieds et spirale de la mort dedans arrière très moyenne. Ce n'est pas leur jour et le score comme le rang sont bas : 57.30 et 8èmes. 

Sur place : Kate Royan