Des patins juste à leur taille !
"Your feet's too big" chante Ken Page. Mais les patins de Loïcia Demougeot et Théo Le Mercier sont pile à leur taille. Comme le sont le programme, la chorégraphie, les costumes. Il en aura fallu,, du temps, pour que la griffe de Karine Arribert, quasi visionnaire de la spécialité, voit une de ses créations enfin célébrée par les juges. Mais rien ne serait possible, bien sûr, sans le talent de ses élèves. A 17 et 19 ans, ils font preuve d'une grande maturité, d'une solide personnalité et ils sont "deux" sur la glace, à l'unisson, personne n'éclipse l'autre, phénomène rare en danse sur glace junior, voire même chez leurs aînés. Ils sont énergiques et élégants, dans le plus pur style ballroom. On a souligné par le passé, peut-être un peu trop souvent et un peu trop fort, le manque de technique des patineurs de Villard de Lans. Epoque révolue. Karine a su s'entourer des spécialistes adéquats (ou on lui en a enfin donné les moyens), tout en ignorant les envieux et les rétrogrades, pour conserver sa ligne créatrice toujours renouvelée. Chaque détail du programme est conçu pour mettre au maximum en valeur les qualités de ses poulains. Ils n'ont que deux poussières d'avance au score sur les Russes Shanaeva/Naryzhnhyy, 63.78, contre 63.76, mais l'écart pourrait se creuser grâce à leur danse libre sur Carmen. Thème usé, véritable scie des patinoires me direz-vous. Il y a des exceptions. Par exemple, une constructions et chorégraphie imaginées par Karine Arribert, justement...
A côté des Français, et même si leurs éléments sont techniquement supérieurs, Shanaeva/Naryzhnhyy paraissent très académiques. C'est fluide, léger, gracieux, mais très joué au lieu d'être ressenti. Je les trouve un peu lents, sauf dans leurs twizzles, et pas du tout dans le thème. Bonnie and Clyde, vraiment ? On ne retrouve pas grand chose de l'adolescent texan mal dans sa peau et de la serveuse en mal d'amour dans leur interprétation. Voire rien du tout. Je ne suis déjà pas grande fan de comédies musicales (dommage pour moi cette année !), mais quand, en plus, la réalisation est à côté de la plaque... Il n'en reste pas moins que Elizaveta et Devid sont de très bons danseurs et qu'ils ne volent ni leur score ni leur place, même si un problème vestimentaire leur vaut une déduction. A noter que si l'un des hobbies de Kagiyama est de dormir, celui de Daved Naryzhnyy est de chanter sous la douche !
Moscovites comme leurs compatriotes, mais dans un club différent et coachés par Denis Samokhin, Katashinskaïa/Vaskovich évoluent sur "Big Spender" chanté par Shirley Bassey. Deux solutions : dire qu'eux, sont parfaitement dans le thème et déranger de bonnes âmes qui trouvent, pas forcément à tort, qu'il n'est pas adapté à des juniors. Ou dire... qu'ils sont parfaitement dans le thème et oublier volontairement que celui-ci évoque une entraîneuse de cabaret qui appâte le client, de préférence fortuné. Cette danse rythmique est très bien construite et tout aussi bien exécutée. Les deux danseurs sont expressifs et font preuve d'une grande classe sur un thème qui ne l'est justement pas. Ils sont parfaitement synchrones et ont une excellente couverture de la glace. Ils sont 3èmes avec 60.89 points.
Purs, mais bons, produits de l'école Shpilband, les Américains Wolkofstin/Chen, 14 et 17 ans, patinent leur Foxtrot et Charleston sur "Everything Old is New Again" de Peter Allan et Carole Baker Sager. On reconnaît la patte de Pasquale Camerlengo dans le montage chorégraphique soigné. Une interruption de musique leur tombe dessus en pleine exécution de leur Pattern. Un brin désorientés pendant cette coupure, ils reprennent cependant leur prestation sans paraître trop perturbés. Je leur tire mon chapeau ! La logique (et les règles ?) aurait voulu qu'ils reprennent depuis le début, l'incident n'étant pas de leur fait. Leurs twizzles sont de niveau 4 pour elle et 3 pour lui, malgré une distance considérable entre les deux partenaires. J'aime leur glisse souple et silencieuse et je les trouve très prometteurs alors qu'ils patinent ensemble depuis peu. Ils prennent la 5ème place avec 58.90 et une meilleure note de composantes que le second couple russe.
Autre école, autre style : Bronsard/Bouaraguia s'entraînent au centre Gadbois de Montréal. Emmy a 14 ans et Aissa 18 mais la différence d'âge, grâce au maquillage de la jeune fille, ne se voit pas. Le programme construit par le quatuor Dubreuil Lauzon Haguenauer Denis sur un medley de "Cabaret" et chorégraphié par Marie-France, est millimétré sur chaque mouvement musical, une spécialité maison. Mais les deux jeunes gens en font un peu trop à mon goût, plus pétulants qu'expressifs.