Il est l'un des athlètes les plus titrés du sport français : huit fois champion de France, six fois sur le podium mondial dont une fois sur la plus haute marche (2007), dix podiums européens dont trois titres, treize podium en Grand Prix dont une victoire à la Finale... Le Poitevin, qui a fêté ses trente-six printemps en septembre, ne s'est jamais éloigné de la glace. Enseigner a toujours été son but. C'est aujourd'hui son métier, mais surtout sa passion.
Skate Info Glace : En tant que coach, préfères-tu entraîner un jeune depuis le tout début de sa carrière pour l'emmener au sommet, ou te consacrer à quelqu'un qui a déjà l'expérience du haut niveau ?
Brian Joubert : C'est une bonne question ! Il n'y a que trois ans que j'entraîne, donc je n'ai pas encore eu le temps de former un gamin que je pourrais accompagner pendant toute une carrière. Mais en ce moment par exemple, j'ai un élève de neuf ans qui marche très bien. Je lui inculque ma façon de faire, de voir les choses, ma technique. C'est compliqué, ça prend plus de temps, mais au final c'est aussi plus facile. Quand on récupère un athlète déjà aguerri, et j'en ai récupéré pas mal comme Adam [Siao Him Fa], Léa [Serna], Landry [Le May], on accueille aussi ses défauts. Alors qu'un jeune qui débute est plus malléable. Les automatismes acquis par les plus âgés sont parfois impossibles à changer, il faut faire avec. C'est une façon totalement différente de travailler. Mais les deux sont absolument passionnants, c'est ce qui fait la joie de mon métier.
S.I.G. : Si on te donnait le choix d'entraîner un des meilleurs mondiaux actuels, qui prendrais-tu ?
[Il hésite]
B.J. : Mmmm, je prendrais Kolyada !
S.I.G. : Je ne suis pas étonnée, son patinage ne peut que te plaire !
B.J. : Ce qu'il fait cette année est remarquable ! C'est vrai, j'aime ce style, à la fois très technique et très expressif.
S.I.G. : Quel est l'aspect le plus facile de ton métier ? Et le plus difficile ?
B.J. : Le plus facile... [Il cherche] Le côté physique ! Je ne vais pas te dire que c'est compliqué ! On se lève tôt, on fait des heures, mais ce n'est pas fatigant, on n'est pas sur la route en train de charger un camion ou de pelleter du sable. Ca, c'est vraiment le plus facile. Le plus difficile, c'est que chaque élève est différent. On se doit de les connaître tous par coeur. Par exemple, quand tu dois corriger quelque chose dans ce que fait un gamin, tu ne peux pas le dire de la même façon à tout le monde, certains vont comprendre, d'autres non. Ca peut s'avérer très compliqué, il faut trouver la bonne voie de communication. On doit vraiment connaître et anticiper toutes les réactions de nos élèves.
S.I.G. : Quand tu étais patineur, y a t'il quelque chose qui t'aie manqué dans ta relation avec tes différents entraîneurs, et que tu t'efforces maintenant d'apporter à tes élèves ?
B.J. : Ce n'était pas un manque à proprement parler. Mais quand j'ai eu des contre-performances, je me suis souvent et vite retrouvé tout seul. C'était toujours de ma faute. C'était dur à vivre, mais finalement ça m'a apporté beaucoup. A présent, quand il y a contre-perf', je prends aussi ma part de responsabilité, je ne mets jamais tout sur le dos de mon élève.
S.I.G. : En bord de glace, tu es toujours très calme, voire impassible...
B.J. : Oui mais je peux te dire que ça bout à l'intérieur ! Mais alors, vraiment ! (rires) Quand je patinais, j'essayais de ne pas trop montrer mes émotions . Si j'étais stressé, je ne voulais pas qu'on le voit. C'est pareil dans mon métier d'entraîneur. C'est même encore plus important. Si je suis calme, il y a toutes les chances pour que mes mes élèves soient calmes. S'ils sentent que je suis comme ça [il fait un mouvement de torsion avec la main au niveau de l'estomac], ça ne va pas les aider, c'est sûr ! J'essaie de leur communiquer une énergie positive, et en même temps de les rassurer.
S.I.G. : T'arrive t'il d'avoir envie d'être sur la glace à leur place ?
B.J. : Plus maintenant. Enfin si, pendant certaines compétitions, il m'est arrivé d'avoir envie d'être sur la glace pour les pousser, les encourager, mais pas pour patiner à leur place. Je suis bien dans ma vie et mon boulot d'entraîneur.
Propos recueillis par Kate Royan © - Photographie par Alice Alvarez ©