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En l'absence des Français Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron, tenants du titre mondial qui ont choisi de faire l'impasse sur cette saison bancale, se profile, comme prévu un affrontement bilatéral russe-américain pour le podium.
Les connaisseurs pariaient sur Madison Hubbell et Zachary Donohue, et ce sont les Moscovites Victoria Sinitsina et Nikita Katsalapov qui s'installent en tête avec 2.10 points d'avance. Entre les grandes tribunes aussi rouges que vides du Globe, ils sont sensiblement moins à l'aise que lors des championnats d'Europe 2020, mais pas très leur loin de leur meilleur score personnel remporté à cette occasion (88.73) : 88.15. Surprenant car le programme est le même, sur "Singing in the Rain", en moins bon. Sa composition à changé, avec la série de twizzles en entrée, de niveau 4 pour les deux patineurs. Leur médiane est de niveau 3 aujourd'hui, contre 4 à Graz l'an dernier. Leur Finnstep est de niveau 3, avec trois "key points" de validés sur 4, mais pas les mêmes que l'an dernier. La séquence de pas n'est pas tout à fait nette, mais le porté final est très réussi. Même si le programme est bien réalisé, il laisse une impression de prudence et de méforme. Le couple a souffert du Covid cet hiver, Victoria surtout, sévèrement touchée. Qu'ils ne soient pas à 100% de leurs moyens n'est pas étonnant. Ce qui l'est plus, c'est l'avalanche de 9.75 obtenus en PCS, et les 10 dont ils sont gratifiés en composition (1) et interprétation (2). Quelles notes leur donneraient les juges si Viktoria et Nikita étaient en pleine possession de leurs moyens, puisqu'il s'agit déjà du maximum ? Champions d'Europe l'an dernier, vont-ils repartir cette année avec l'or mondial pour agrandir leur collection ? A suivre demain.
Madison Hubbell et Zachary Donohue patinent sur trois morceaux de la comédie musicale "Burlesque". Ils battent leur meilleur score personnel avec 86.05 points. Danseurs puissants, le thème leur va bien et la chorégraphie est étudiée au millimètre pour adoucir leur côté athlétique. Leurs éléments sont de niveau 4, sauf la médiane et le Finnstep. Je trouverais leurs notes justes si elles n'étaient pas inférieures à celles de Sinitsina/Katsalapov. Les Américains sont techniquement sans reproche, sûrs d'eux sans arrogance, leurs lignes sont harmonieuses. Comme tout programme sorti de l'Ice Academy de Montréal, cette danse est conçue pour remporter un maximum de points, tout en étant originale et agréable à regarder. Seul bémol pour moi : la tenue de Maddison, qui croule sous les pampilles, alourdissant sa silhouette et qui n'a pas l'élégance de celle qui la porte.
Madison Chock et Evan Bates sont provisoirement 3èmes avec 85.15. Leur "Too Darn Hot" est tout simplement génial. Encore mûri et amélioré depuis l'an dernier, c'est un exemple parfait de danse de salon transposée sur la glace. Les deux partenaires sont en osmose totale, pas un geste de trop, leur glisse est fluide, tout dans cette danse est cohérent, captivant. Mais des twizzles et une diagonale de niveau 3 empêchent le score de monter.
Piper Gilles et Paul Poirier en quatrième position ? Voilà qui fait vraiment plaisir. Je les ai toujours trouvés pétillants, sensibles et originaux, même si, parfois, leur technique s'est révélée fragile. Sur le thème doux-amer de la comédie musicale "Mack and Mabel", dans des costumes très kitsch parfaitement adaptés, leur danse est d'une grande délicatesse. Les carres de Piper manquent parfois de profondeur, c'est le cas aujourd'hui. Leur Finnstep est de niveau 2 avec seulement 2 keypoints validés. La séquence de pas est de niveau 4 pour Paul et 2 pour Piper. Porté et twizzles de niveau 4, et médiane de niveau, assortis de composantes équilibrées, leur permettent de se frayer un chemin jusqu'au groupe de tête avec 83.37.
Alexandra Stepanova et Ivan Bukin s'imaginaient sans doute plus haut que 5èmes dans le classement provisoire. En témoigne, dans le Kiss & Cry, leur regard sombre au-dessus du rituel masque. Le thème de "Moulin Rouge" commence à être un brin éculé dans le patinage. Tout le monde n'est pas Virtue/Moir, et le couple Russe a la mauvaise habitude de surjouer. Alexandra Stepanova est superbe, mais le rouge de sa robe est trop voyant, alors que la coupe est magnifique. Je trouve leurs mouvements inutilement exagérés, et leur porté en courbe peu élégant. Mais il est indéniable qu'ils ont de grandes qualités techniques. A noter un déséquilibre de la demoiselle qui ne sera pas sanctionné. Ils sont un peu plus d'un point en-dessous de leur "personal best" avec 83.02.
6èmes, les Italiens Charlène Guignard et Marco Fabbri sont les premiers Européens non-russes du classement. Comme l'a autorisé l'ISU cette année et comme l'ont fait beaucoup de leurs concurrents, ils ont conservé leur danse rythmique de l'an dernier sur la B.O. de "Grease". Toniques, brillants, c'est leur marque de Guignard-Fabbri-que ! Il n'y a aucun temps mort dans ce programme. La composition est originale avec la médiane en premier suivie du porté. Les niveaux 3 et 4 sont justifiés et homogènes. Ils obtiennent 81.04 points.
Laurence Fournier-Beaudry et Nikolaj Sorensen sont 7èmes (77.87). Alors qu'ils étaient très prometteurs par le passé, je les trouve en légère régression. Sur "Bonnie and Clyde", ils ne commettent aucune erreur majeure, mais ne sont pas aussi incisifs qu'à l'accoutumée. Leurs camarades d'entraînement Lilah Fear et Lewis Gibson, habillés en "Blues Brothers", battent leur propre record de point avec 77.42. Les notes de composantes ont commencé à passer en-dessous de 9 avec Fournier-Beaudry/Sorensen, mais quelques unes données aux Britanniques sont un peu surprenantes : 8.75 en "skating skills" et 9 en interprétation et transitions ? Vraiment ? Les grades d'exécution me paraissent plus équitables, y compris les 0 à 2 du Finnstep de niveau 2, qui est un peu brouillon. Ils sont 8èmes.
Pourquoi les Polonais Natalia Kalizsek et Maksym Spodiriev sont-ils toujours aussi bien notés ? Les voir régulièrement dans les dix premiers mondiaux me laisse perplexe. Leur programme sur "Kinky Boots" de Cindy Lauper est mal construit. La tenue de la jeune femme est fidèle au thème, mais son physique athlétique s'en accommode mal et verse dans l'érotisme pas vraiment chic. Ce ne sont pas de mauvais danseurs, mais ils en font un peu trop sur le plan gestuel, quand leur technique n'est pas complètement fiable. Leurs éléments, en niveaux 3 et 4, me semblent surévalués. Avec 76.12, un "Personal Best" est de nouveau battu, alors qu'il n'y a quasiment pas eu de compétition cette année.
Tiffani Zagorski et Jonathan Guerreiro passent, hélas, beaucoup trop tôt dans la compétition pour espérer avoir de bons scores. Dommage car leur danse rythmique sur "The Greatest Showman" est sans faute majeure. Interrogés en Mixed Zone par S.I.G., ils sont conscients d'avoir souffert de ce handicap, mais restent souriants tout en n'étant pas satisfaits de leur prestation. "Nous avons commis de petites erreurs". Un score de 75.58 me semble cependant sévère. Les classer derrière les Polonais est totalement injustifié. Leurs skating skills sont, par exemple, incomparables. Une satisfaction néanmoins : ils battent eux aussi leur meilleur score 75.58, même si c'est de très peu.
Une onzième place et 75.08 ne sont sans doute pas à la hauteur des espoirs des Américains Kaitlin Hawayek et Jean-Luc Baker. Champions du Monde Juniors en 2014, vainqueurs des Quatre Continents quatre ans plus tard, 10èmes des championnats du Monde de 2018 et 9èmes en 2019, ils espèrent ici monter en grade. Leur "Staying Alive" version deuxième degré est très agréable à voir, bien que surjoué par Kaitlin comme souvent, avec de petites trouvailles chorégraphiques intéressantes sur la séquence de pas et la médiane. Eux aussi pâtissent d'un passage trop précoce, ce qui rend difficile l'étalonnage des notes.
Adelina Galyavieva et Louis Thauron sont 16èmes (69.99) et améliorent leur "Personal Best" de plus de 3 points. Ils semblent un peu tendus aujourd'hui, ce qui n'a rien d'étonnant pour une première participation mondiale. Déséquilibre pour Louis dans la série de twizzles, Finnstep un peu chahuté, les Français se reprennent bien en seconde partie de programme. Ils se libèrent pour retrouver enthousiasme et la vivacité. Un programme comme "Mamma Mia" est toujours un franc succès auprès du public, et les patineurs se nourrissent de l'énergie qui émane des tribunes. Le huis clos n'avantage donc pas Louis et Adelina. Mais les jeunes gens se montrent toujours hyper positifs et savent s'adapter à tout type de situation. "Disons qu'en l'absence du public, nous pouvons rester concentrés, ne pas être distraits".
Evgeniia Lopareva et Geoffrey Brissaud ne sont pas (encore) connus des juges internationaux, leur seule sortie en championnat ISU ayant été ceux d'Europe de l'an dernier. Ils passent aussi en tout début du deuxième groupe. Deux handicaps pour des jeunes gens bourrés de talent. Mais, en danse sur glace, tout vient à point à qui sait attendre. Sur la même musique que Chock/Bates, "Too Darn Hot", extrait de la comédie musicale "Kiss Me Kate", mais dans un registre plus axé sur le fun et la comédie, ils sont 19èmes avec 66.80, et se qualifient pour la danse libre. Avec un contenu technique dont la "base value" est supérieure à celle de Galyavieva/Thauron, Evgeniia et Geoffrey obtiennent de très bons niveaux : 4 pour leurs twizzles et leur porté en ligne droite, et 3 pour leur Finnstep (avec 3 "keypoints" validés) et leur séquence de pas. Seule leur diagonale est cotée 2. Ils devront encore travailler leurs PCS, mais la connexion entre les deux danseurs s'est déjà beaucoup améliorée depuis le début de saison.
© Kate Royan (en "ISU remote access")
Résultats et scores détaillés.